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HTA

Publié le 28 mar 2006Lecture 6 min

Prise en charge de l'hypertension artérielle chez le sujet très âgé

O. HANON, hôpital Broca, Paris

XVIes Journées européennes de la SFC

En France, l’espérance de vie moyenne à la naissance continue d’augmenter pour atteindre actuellement 80,2 ans (76,7 ans pour les hommes et 83,8 ans pour les femmes). La proportion des personnes âgées au sein de la population ne cesse de croître et la progression des effectifs est d’autant plus marquée qu’il s’agit des groupes les plus âgés. Ainsi, la proportion des hypertendus Ž 80 ans va passer de 4 à 10 % entre 1995 et 2050 et de ceux Ž 90 ans de 0,6 à 2,1 %. La prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) augmente avec l’âge.

Une personne non hypertendue à 65 ans, présente un risque de 90 % de développer une hypertension durant le reste de son existence. L’intérêt de la prise en charge de l’HTA de la personne très âgée est un sujet qui est longtemps resté controversé, pourtant plusieurs études récentes indiquent un effet bénéfique du traitement antihypertenseur même après 80 ans justifiant ainsi une intervention thérapeutique.   Épidémiologie Les données françaises récentes obtenues à partir de l’étude 3C menée dans la population générale chez 8 679 sujets > 65 ans, indiquent une prévalence de l’HTA de près de 80 % chez le sujet âgé, mais un contrôle tensionnel satisfaisant (PA < 140/90 mmHg) dans seulement 30 % des cas. La forme d’HTA la plus souvent retrouvée chez le sujet âgé est l’HTA systolique isolée (PAS Ž 140 mmHg et PAD < 90 mmHg). Cette élévation de la PAS est liée aux modifications de la structure des parois artérielles observées au cours du vieillissement. Le remplacement des fibres élastiques par du collagène conduit à l’augmentation de la rigidité des artères qui a comme conséquence une élévation de la PAS et une diminution de la PAD, c’est-à-dire une augmentation de la pression pulsée.   Les bénéfices du traitement antihypertenseur existent même après 80 ans Deux études ont démontré l’intérêt du traitement antihypertenseur chez le sujet très âgé. Une première métaanalyse, regroupant les octogénaires inclus dans les essais thérapeutiques réalisés chez des hypertendus de plus de 60 ans, a montré une réduction significative de 34% des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et de 39 % des épisodes d’insuffisance cardiaque dans le groupe traitement en comparaison au placebo. Le second travail est l’étude HYVET pilote qui est le premier essai thérapeutique randomisé a avoir été spécifiquement mené chez le patient très âgé. Elle a inclus 1 283 hypertendus > 80 ans (âge moyen = 84 ± 3 ans). Les résultats obtenus au terme d’un suivi de 13 mois indiquent une réduction significative de 53 % des AVC dans le groupe traité comparativement au groupe non traité. En revanche, dans ces deux études, la mortalité est restée non modifiée par l’intervention thérapeutique. Ces données nouvelles ont conduit l’HAS (Haute Autorité de Santé) à indiquer dans ses recommandations 2005 : « Au-delà de 80 ans, les données actuelles, justifient l’intervention thérapeutique chez ces patients, en raison d’un bénéfice sur la prévention des AVC ».   Savoir mesurer la PA chez le sujet très âgé : utiliser l’automesure ou la MAPA ? Le vieillissement s’accompagne d’une augmentation de la fréquence de l’effet blouse blanche qui s’observe dans 35 à 40 % des cas après 75 ans. La prise en charge des hypertendus âgés doit, par conséquent, utiliser des techniques de mesures ambulatoire en dehors du cabinet médical (MAPA ou automesure), car la simple mesure de pression artérielle en consultation ne permet pas de différencier les « vrais hypertendus » des sujets avec un « effet blouse blanche ». Ce dépistage paraît pourtant essentiel car la prescription du traitement antihypertenseur ne sera pertinente que chez les « vrais hypertendus » dont la pression artérielle reste élevée en dehors de la consultation. À l’inverse la prescription d’un antihypertenseur en présence d’un effet blouse blanche expose aux risques de iatrogénie, en particulier d’hypotension et de chutes dont les conséquences sont souvent dramatiques chez le sujet âgé. Dans ce cadre, les nouvelles recommandations Françaises de l’HAS indiquent : « Chez le sujet âgé, il est recommandé de mesurer la pression artérielle en dehors du cabinet médical (automesure tensionnelle ou MAPA), afin de s’assurer de la permanence de l’HTA et pour rechercher une HTA blouse blanche, avant de débuter un traitement antihypertenseur ».   Objectif thérapeutique L'objectif théorique du traitement chez l’hypertendu âgé est d’obtenir une PAS/PAD < 140/90 mmHg sans hypotension orthostatique (HAS 2005). Toutefois, cet objectif dépend aussi du niveau initial de la pression artérielle, une diminution de 20 à 30 mmHg par rapport à la PAS initiale est déjà un résultat satisfaisant. En pratique au-delà de 80 ans, l’objectif thérapeutique est d’atteindre une PAS < 150 mmHg (HAS 2005). La mise en œuvre du traitement antihypertenseur obéit aux recommandations générales, mais elle doit néanmoins être particulièrement progressive, notamment chez les individus fragiles. Le plus souvent deux médicaments seront nécessaires pour contrôler les chiffres tensionnels. Une règle à respecter chez l'hypertendu âgé est de ne pas dépasser la prescription de plus de trois antihypertenseurs (dont un diurétique thiazidique) et de se contenter de la baisse tensionnelle obtenue avec ces thérapeutiques.   Utiliser des stratégies thérapeutiques adaptées   Le choix du traitement médicamenteux doit être adapté à la situation clinique de chaque patient en tenant compte des pathologies associées et des polymédications particulièrement fréquentes chez le sujet âgé. Tous les médicaments des familles suivantes peuvent être utilisés : diurétique thiazidique, antagoniste calcique, IEC, ARA II, bêtabloquant. L’adaptation thérapeutique peut se faire selon la stratégie dite des « paniers thérapeutiques » (figure). Le premier panier comporte les bêtabloquants, les IEC et les ARA II ; le second, les diurétiques thiazidiques et les antagonistes calciques. Chez le patient âgé, il est recommandé (HAS 2005) de commencer par un médicament du panier 2 (diurétique thiazidique ou inhibiteur calcique) pour lesquels il existe un plus grand nombre de données de morbi-mortalité après 60 ans et qui apparaissent plus efficaces sur la baisse de PAS à cet âge. En cas d’échec de la monothérapie, on passera à une bithérapie en ajoutant au médicament initial un médicament de l’autre panier (panier 1). L’association des deux médicaments du panier 2 (c’est-à-dire la combinaison diurétique + inhibiteur calcique) est aussi possible : peu efficace chez les adultes jeunes, elle est intéressante car elle met en présence les deux classes les plus efficaces chez les personnes âgées. En général, la bithérapie permet de contrôler près de 70 % des patients. Enfin, en cas de résistance à une bithérapie, on envisage une trithérapie qui comprend en règle : 1 médicament du panier 1 associé aux deux médicaments du panier 2. Figure 1. Stratégie des paniers thérapeutiques chez le sujet âgé. Vaincre l’inertie médicale Toutes les études épidémiologiques soulignent un contrôle tensionnel insuffisant chez les hypertendus âgés. La raison peut être la plus importante du mauvais contrôle tensionnel actuel de la population hypertendue âgée, n’est pas tant la mauvaise observance, que la réticence des médecins à se fixer un objectif thérapeutique et à renforcer le traitement comme il se doit. L’automesure tensionnelle au domicile constitue une importante aide à la prescription chez le sujet âgé, en identifiant clairement les hypertendus non contrôlés (qui nécessitent une majoration du traitement) et les sujets avec un effet blouse blanche (chez qui l’augmentation du traitement serait préjudiciable). Lorsque l’automesure n’est pas réalisable par le patient (troubles cognitifs, troubles de la vue, déficits neurologiques, etc.), la pression artérielle peut être mesurée par un « aidant » selon le protocole de la règle des trois recommandé pour l’automesure (3 mesures le matin, 3 mesures le soir, pendant 3 jours consécutifs).   Surveillance Tout au long du suivi, la recherche d’une hypotension orthostatique doit être systématique. Une attention toute particulière doit être prêtée au risque rénal, notamment en cas de prescription de médicaments à potentiel néphrotoxique et de polymédication (AINS…). La surveillance du ionogramme, de la créatinine et de sa clairance (tous les 6 mois et lors de chaque événement aigu) est particulièrement importante, notamment en cas de prescription de diurétiques ou de bloqueurs du système rénine angiotensine. Plusieurs études épidémiologiques ont montré que l’HTA augmente le risque de démence. Dans cette optique, les recommandations de l’HAS 2005 indiquent : « Une évaluation de la fonction cognitive est recommandée chez l’hypertendu de plus de 75 ans au moyen d’une échelle MMSE en raison du risque de survenue de démence et afin d’évaluer le risque de mauvaise observance du traitement ».   Conclusions Des données récentes soulignent le bénéfice du traitement de l’hypertension artérielle même après 80 ans, en particulier pour la prévention des AVC. Cependant, à cet âge, la fréquence accrue de l’effet blouse blanche justifie l’utilisation des mesures ambulatoires de la pression artérielle (MAPA ou automesure) qui permettent une prescription plus sécurisante des traitements.

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