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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 30 juin 2011Lecture 8 min

Objectifs et stratégies thérapeutiques dans la FA du sujet âgé

A. GENTRIC, Service de Médecine interne gériatrique, CHU La Cavale Blanche, JE2535, Université de Bretagne occidentale, UFR Médecine, Brest

La fibrillation atriale (FA), trouble du rythme connu depuis plus d’un siècle, est devenue un problème de santé publique du fait de sa prévalence et de son incidence dans la population âgée  (prévalence supérieure à 10 %, incidence 2 à 3 % par an au-delà de 80 ans) et de la gravité de ses complications (insuffisance cardiaque, accidents emboliques, en particulier accidents vasculaires cérébraux (AVC), décès, et probablement démence).

Chez le sujet âgé, les objectifs thérapeutiques restent les mêmes que chez le sujet plus jeune : disparition des symptômes, prévention des complications (hospitalisations, insuffisance cardiaque, accidents emboliques, en particulier AVC, et décès), et amélioration de la qualité de vie. En revanche, la stratégie thérapeutique doit être discutée en tenant compte des spécificités de la personne âgée : comorbidités, polymédication, sensibilité aux effets secondaires des traitements. Lors de la découverte d’une FA, deux stratégies thérapeutiques peuvent être utilisées : - la réduction du trouble du rythme ; - le maintien du trouble du rythme avec ralentissement de la fréquence ventriculaire et prévention des accidents emboliques : la « laisser-faire approche »1. Réduire ou ralentir ? Pendant longtemps, de manière empirique, la réduction du trouble du rythme avec retour en rythme sinusal a été considérée comme la thérapeutique de choix pour la prévention des complications et l’amélioration de la qualité de vie des patients. Cependant, des études randomisées et leur méta-analyse, comparant la réduction au maintien du trouble du rythme, ont montré qu’en réalité la première attitude n’est pas supérieure à la seconde en termes de réduction de la mortalité et d’accidents vasculaires cérébraux. Il y avait même une tendance non significative à plus de décès et plus d’AVC dans le groupe des patients réduits et une augmentation tout à fait significative des hospitalisations2. Une étude a également montré l’absence de supériorité de la réduction en termes d’incidence de décompensations cardiaques3. Le choix de la stratégie thérapeutique doit donc être discuté en fonction de l’importance de la symptomatologie clinique, des chances de maintien du rythme sinusal après réduction. Les facteurs de non-maintien étant l’âge (au-delà de 65 ans), l’ancienneté de la FA (supérieure à 3 mois), l’altération de la fonction cardiaque, un diamètre de l’oreillette gauche supérieur à 45 mm à l’échographie transthoracique et le rapport bénéfice/risque du traitement antiarythmique. Le maintien du trouble du rythme avec ralentissement de la fréquence ventriculaire et prévention des accidents thrombo-emboliques est ainsi actuellement recommandé chez le patient de plus de 65 ans peu ou pas symptomatique1. Si toutefois la décision d’une réduction est prise, elle ne peut se faire qu’après 3 semaines d’anticoagulation efficace, sauf dans le cas où l’on serait certain que la FA date de moins de 48 heures ou lorsqu’une échographie transœsophagienne a montré l’absence de thrombus intra-auriculaire. Ces deux situations sont exceptionnelles en gériatrie. Lorsqu’elle est décidée, la réduction du trouble du rythme peut être électrique ou plus souvent médicamenteuse. L’amiodarone est le traitement de choix chez la personne âgée : en effet, la FA étant associée dans plus de 90 % des cas à une cardiopathie, le risque d’effets pro-arythmogènes des autres antiarythmiques, en particulier de classe I, les contre-indique1. Une fois la réduction obtenue, le maintien du rythme sinusal nécessite un traitement antiarythmique au long cours, l’amiodarone ou la dronédarone sont recommandées chez le sujet âgé. L’étude DIONYSOS a comparé l’efficacité de la drodénarone 400 mg 2 fois/j à celle de la cordarone 600 mg pendant 28 jours, puis 200 mg/j pendant une période de 6 mois pour le maintien du rythme sinusal après réduction. La récurrence de la FA était plus fréquente chez les patients sous dronédarone (36,5 % versus 24,5 %), mais avec significativement moins d’effets secondaires (39,3 % versus 44,5 %), en particulier thyroïdiens, neurologiques, cutanés et oculaires4. Ces deux médicaments peuvent également être prescrits en cas d’insuffisance cardiaque stade I-II, seule l’amiodarone est recommandée en cas de cardiopathie stade III-IV de la NYHA. Lorsqu’il est décidé de ne pas réduire, le maintien du trouble du rythme doit s’accompagner de mesures thérapeutiques visant à ralentir la fréquence ventriculaire et à prévenir les accidents emboliques. Trois classes thérapeutiques peuvent être utilisées pour ralentir la fréquence ventriculaire : bêtabloquants, inhibiteurs calciques bradycardisants (vérapamil ou diltiazem), digitaliques (digoxine). Le ralentissement du rythme ventriculaire est quelquefois nécessaire en urgence lorsque la fréquence ventriculaire est rapide et mal tolérée. En l’absence de décompensation cardiaque, le traitement de choix est un bêtabloquant ou un inhibiteur calcique bradycardisant par voie orale ou intraveineuse. En cas de décompensation cardiaque ou d’hypotension, la digoxine par voie intraveineuse est recommandée, l’objectif étant un ralentissement de la fréquence ventriculaire au-dessous de 100/min. En dehors de cette situation d’urgence, bêtabloquants ou inhibiteurs calciques bradycardisants sont les traitements à privilégier. La digoxine peut avoir un intérêt en bithérapie lorsque celle-ci est nécessaire, voire très exceptionnellement en monothérapie chez un sujet âgé totalement sédentaire1. Une étude récente a montré que, contrairement à ce que l’on pensait de manière empirique, une fréquence ventriculaire de repos inférieure à 80/min n’est pas plus efficace qu’une fréquence ventriculaire inférieure à 110/min pour diminuer les décès de cause cardiovasculaire, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et les accidents emboliques5. Prévenir les complications emboliques Deux grandes classes thérapeutiques ont été évaluées pour la prévention des accidents emboliques : les anticoagulants (antivitamines K) et les antiagrégants plaquettaires avec les résultats suivants6 : - les AVK, par rapport au placebo, diminuent le risque relatif d’AVC de 68 %, avec un objectif d’INR entre 2 et 3 ; - l’aspirine à la posologie de 75 à 325 mg/j, par rapport au placebo, réduit le risque relatif d’AVC de 19 % ; - les AVK, par rapport à l’aspirine, réduisent le risque relatif d’AVC de 46 %. L’association AVK-aspirine, même à la posologie de 75 mg, multiplie par 2 le risque hémorragique. Les AVK (INR 2 à 3) comparés à l’association d’antiagrégants plaquettaires (clopidogrel 75 mg et aspirine 75 à 100 mg) ont montré un bénéfice net de 41 % avec moins d’accidents hémorragiques et moins d’accidents emboliques. Chez des patients ayant une contre-indication aux AVK, l’association clopidogrel-aspirine comparée à l’aspirine seule a permis une réduction de 28 % du risque relatif d’accident ischémique, au prix d’une augmentation de 51 % des accidents hémorragiques6. Des anticoagulants, autres que les AVK, ont été ou sont en cours d’évaluation. Le dabigatran, inhibiteur direct de la thrombine, prescrit par voie orale sans aucun contrôle biologique, a été comparé aux AVK (INR 2 à 3) à deux posologies différentes, 110 mg et 150 mg deux fois/j7. À la posologie de 110 mg deux fois/j, l’incidence des accidents emboliques n’est pas différente par rapport aux AVK (1,53 % par an versus 1,69 % par an). En revanche, l’incidence des accidents hémorragiques majeurs est diminuée de 20 % (2,71 % versus 3,36 % par an). À la posologie de 150 mg deux fois/j, l’incidence des événements emboliques est diminuée de 34 % par rapport aux AVK (1,11 % par an), mais il n’y a pas de diminution significative des accidents hémorragiques majeurs (3,11 % par an). L’incidence des accidents hémorragiques intracrâniens est diminuée sous dabigatran quelle que soit la posologie (0,12 % par an à 110 mg, 0,10 % par an à 150 mg) par rapport aux AVK (0,38 % par an). Le choix du traitement préventif dépend du niveau de risque embolique présenté par les patients. Depuis 2001, le score de risque embolique utilisé en pratique et dans les recommandations était le score CHADS2. Dans ce score étaient considérés comme facteurs de risque modérés : l’âge³ 75 ans, le diabète, l’hypertension artérielle, la cardiopathie (fraction d’éjection < 40 %) et comme facteur de risque embolique majeur, un antécédent d’AVC ou d’AIT. Chaque facteur de risque modéré était coté 1 et le facteur de risque majeur coté 2. En tenant compte de ce score CHADS2, les recommandations étaient les suivantes : CHADS2 à 0, aspirine 75 à 325 mg/j ; CHADS2 à 1, aspirine ou AVK (INR entre 2 et 3) en fonction du contexte et des préférences des patients ; CHADS2 > 1, AVK. Environ 60 % des patients se trouvaient en score CHADS2 à 1, il parut alors nécessaire d’optimiser et d’affiner l’évaluation du risque embolique. Or, l’âge > 75 ans entraîne à lui seul un risque embolique 4 fois plus élevé que l’hypertension artérielle, avec une incidence annuelle d’AVC > 3,5 % par an. D’autres facteurs non intégrés dans le score CHADS2 apparaissent aussi comme des facteurs de risque modérés : âge 65 à 74 ans, sexe féminin, antécédent de maladie cardiovasculaire (infarctus du myocarde, artérite oblitérante des membres inférieurs, présence de plaque aortique à l’échographie transthoracique). En tenant compte de ces éléments, un nouveau score de risque embolique a été construit. Il s’agit du score CHA2DS2VASC (tableau 1), qui a été validé dans deux cohortes, l’une de 1 084 patients, l’autre de 7 329. L’incidence annuelle d’AVC était : - de 0 % chez les patients en CHA2DS2VASC à 0 ; - de 0,6 à 0, soit 1,3 % chez les patients en CHA2DS2VASC à 1 ; - de 11,1 à 1, soit 15,2 % chez les patients CHA2DS2VASC à 9.   Les recommandations récentes de la Société européenne de cardiologie, basées sur ce nouveau score sont les suivantes : score CHA2DS2VASC à 0, aspirine 75 à 325 mg/j ou plus volontiers rien ; CHA2DS2VASC à 1, aspirine ou plus volontiers anticoagulation ; CHA2DS2VASC > 1, anticoagulation1. En tenant compte de ce score, tous les patients de 75 ans et plus relèvent donc d’une anticoagulation. Le risque embolique est bien sûr à mettre en balance avec le risque hémorragique. Il n’existe actuellement pas « de score de risque hémorragique » très pertinent chez le sujet âgé. Le score HAS BLED a été retenu par la Société européenne de cardiologie1. En pratique quotidienne, seuls 50 % des patients âgés qui relèveraient d’un traitement anticoagulant le reçoivent, l’avancée en âge étant le principal facteur limitant la prescription des AVK. Ainsi, au-delà de 80 ans, 45 % des patients sont traités par AVK et 45 % par aspirine. Cependant, toutes les études spécifiquement gériatriques, qu’elles soient randomisées (BAFTA, WASPO) ou observationnelles, confirment un bénéfice des AVK par rapport à l’aspirine de plus de 50 % en termes de réduction des accidents emboliques. Dans l’étude BAFTA, au-delà de 85 ans, l’incidence annuelle des accidents hémorragiques majeurs était de 2,9 % sous AVK et de 3,7 % sous aspirine8. La prescription des AVK nécessite chez le sujet âgé une vigilance particulière. La coumadine est le traitement de choix, car il s’agit du médicament évalué dans toutes les études et qu’il existe un schéma d’initiation spécifiquement validé chez le sujet de plus de 80 ans (tableau 2)9. Les trois premiers mois de traitement sont particulièrement à risque d’accidents hémorragiques ce qui nécessite une surveillance très étroite de l’INR. Enfin, il est impératif de contrôler l’INR 48 heures après tout événement aigu (épisode fébrile, vomissements, diarrhées) ou après l’arrêt ou l’introduction de tout nouveau traitement (antibiotique quelle que soit la classe, antalgique y compris le paracétamol, etc.).   En pratique   Les stratégies thérapeutiques sont clairement définies dans la FA du sujet âgé. Les recommandations ne sont appliquées en pratique que pour la moitié des patients, en particulier en ce qui concerne la prévention du risque thrombo-embolique. Une évaluation plus objective du rapport bénéfice/risque des AVK devrait être faite par les prescripteurs. L’utilisation des nouveaux anticoagulants sera peut-être plus simple.

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