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Cardiologie générale

Publié le 02 nov 2010Lecture 8 min

Les myocardites aiguës : quelles premières informations de l’observatoire OMAGA ?

F. TOURNOUX, pour le Groupe de travail sur l’Insuffisance cardiaque et les cardiomyopathies de la SFC


Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque
La présentation clinique de la myocardite aiguë est extrêmement variable, allant de la douleur thoracique ou dyspnée modérée au choc cardiogénique et parfois même au décès. La prise en charge diagnostique des patients et leur traitement sont fonction de la cause de la myocardite et restent peu ou non codifiés. Le pronostic est enfin lui aussi très variable. Lors d’un numéro précédent de Cardiologie Pratique (Les myocardites aiguës - mise au point n°914), nous avions annoncé la mise en place d’un observatoire à la faveur de l’épidémie de grippe A (H1N1) : OMAGA, Observatoire de Myocardites Aiguës en période de Grippe A.

Au décours de l’été 2009, l’annonce d’une pandémie liée à un virus de la grippe appelé H1N1 inquiétait les autorités sanitaires. D’un point de vue cardiologique, les myocardites secondaires à une infection grippale étaient connues, de prévalence relativement faible et de gravité variable. Aucune donnée épidémiologique n’était à l’époque disponible quant à l’incidence des myocardites liées à ce virus, leur gravité et encore moins leur pronostic. L'observatoire OMAGA Les objectifs de cet observatoire dont les inclusions se poursuivent sont donc : - d’une part, en rapport direct avec la grippe A(H1N1) : • étudier la prévalence des myocardites liées à H1N1 parmi toutes les myocardites diagnostiquées, • en estimer la sévérité et le pronostic, • et mesurer l’impact des traitements disponibles notamment anti-viraux ; - d’autre part, sans rapport avec ce virus : • créer le 1er registre national de ce type en France, • dénombrer un grand nombre de cas dans une fenêtre de temps étroite, • et ainsi mieux apprécier une pathologie qui reste encore mal connue. L’observatoire est ouvert depuis le 15 octobre 2009 pour une période de 1 an. Tous les centres hospitaliers publics ou privés, universitaires ou non, de cardiologie ou de réanimation situés en France métropolitaine ont été invités à participer par courrier électronique. L’inclusion des patients se fait via un site sécurisé de la Société française de cardiologie sur un cahier d’observation électronique.   La difficulté de réalisation d’un tel observatoire réside essentiellement dans le diagnostic précis de myocardite qui repose à l’heure actuelle sur la biopsie myocardique ou, malheureusement, parfois l’autopsie. Il n’existe à l’heure actuelle aucun autre critère non anatomopathologique consensuel permettant de définir ce qu’est une myocardite. Or en pratique, la biopsie est rarement pratiquée car considérée comme un acte à risque élevé chez des patients souvent jeunes et dont l’évolution favorable est en général la règle. Critères d'inclusion Le groupe de travail de la SFC a donc décidé de sélectionner des critères cliniques, biologiques et d’imagerie, dont l’association rend hautement probable le diagnostic de myocardite, tout en écartant des diagnostics différentiels classiques tels que le syndrome coronaire aigu. Les critères d’inclusion pour OMAGA sont donc : - soit un diagnostic histologique de myocardite (biopsie ou autopsie) ; - soit la présence de tous les éléments suivants : - contexte infectieux ou inflammatoire, - au moins 1 signe clinique d’atteinte cardiovasculaire (douleur thoracique, dyspnée, tachycardie ventriculaire, troubles conductifs, insuffisance cardiaque, choc cardiogénique, mort subite récupérée), - élévation des taux sanguins de troponine cardiaque, - au moins 1 anomalie observée sur l’ECG ou l’échocardiographie ou l’IRM cardiaque, - absence de coronaropathie significative expliquant le tableau clinique (coronarographie ou coroscanner si besoin).   Cet observatoire fait l’objet d’une déclaration auprès du CTIRS (Ministère de la recherche), de la CNIL et a obtenu l’avis favorable du comité d’évaluation de l’éthique des projets de recherche biomédicale du GHU Paris Nord.   23 centres hospitaliers participent actuellement à cet observatoire : Hôpital privé les Franciscaines – Nîmes, Polyclinique de Villeneuve St Georges, CH Louis Pasteur - Le Coudray, CH de Montélimar, CH du Mans, CH de Rambouillet, CHU d’Amiens, CHU d’Angers, CHU Côte de Nacre – Caen, Hôpital du Bocage - CHU de Dijon, CHU de Grenoble, Hôpital cardiologique Louis Pradel – Lyon, CHU de Montpellier, Hôpital de Brabois - CHU de Nancy, CHU de Nantes, CHU de Strasbourg – Hôpital civil, Hôpital de Rangueil - CHU de Toulouse, Assistance Publique Hôpitaux de Paris (Ambroise Paré, Bichat, HEGP, La Pitié-Salpêtrière, Lariboisière, St Antoine). Leur répartition géographique est représentée sur la figure 1. Figure 1. Centres participant à l’observatoire. Caractéristiques de la population incluse Fin août 2010, 110 patients ont été inclus, 95 ont des données exploitables. Leur répartition par classe d’âge est représentée sur la figure 2 ; 78 % des patients inclus sont des hommes dont l’âge moyen est de 40 ± 20 ans pour un âge médian de 34 ans. Hormis un tabagisme important (42 %, ce qui est peu étonnant au sein d’une population jeune essentiellement masculine), les autres facteurs de risque cardiovasculaire sont assez peu représentés : HTA 13 %, diabète 3 %, dyslipidémie 12 %, hérédité 10 %. Les autres antécédents médico-chirurgicaux significatifs sont quasi absents, hormis 3 patients suivis pour un cancer, 5 pour une maladie de système et 4 femmes en post-partum récent (< 1 mois). Seuls 3 patients ont un antécédent de myocardite ou de péricardite, tous datant de plus de 6 mois. Deux patients ont une cardiomyopathie connue : une cardiomyopathie ischémique et une cardiomyopathie dilatée à coronaires saines. Figure 2. Répartition par tranches d’âge. Présentation des patients à l'admission Les patients sont admis à l’hôpital avec un délai moyen de 2 ± 2 jours à partir de la première manifestation infectieuse ou cardiovasculaire. Les 3 signes infectieux les plus fréquents sont la fièvre (39 %), l’asthénie (27 %) et les courbatures (25%) (figure 3) ; 45% des patients n’ont présenté aucun signe infectieux au moment de leur admission et seuls 11 des 95 patients rapportent un syndrome infectieux dans les 6 mois précédents. Les manifestations cardiovasculaires sont variées mais la douleur thoracique et la dyspnée sont de loin les plus fréquentes (respectivement 77 et 29 %). Figure 3. Fréquence des symptômes cliniques. Les valeurs moyennes des principaux paramètres biologiques sont rapportées dans le tableau. Le syndrome inflammatoire reste très modéré puisque près des deux tiers des patients ont une CRP < 50 mg/l. De même, l’élévation de la troponine reste faible : la moitié des patients garde une troponine < 5 μg/ml et près de 90 % d’entre eux ont des valeurs inférieures à 20 μg/ml. L’électrocardiogramme semble être pathologique dans 88 % des cas. Les troubles de la repolarisation du segment ST sont au premier plan (67 %), viennent ensuite les anomalies de l’onde T (24 %) puis finalement les anomalies du segment PQ (8 %) ; 23 % des patients présentent au moins deux des anomalies sus-citées. L'imagerie L’échocardiographie est aspécifique. Une fraction d’éjection normale ou peu altérée est généralement la règle. Dans cet observatoire, la fraction d’éjection moyenne est de 52 ± 14%. Les troubles de la cinétique sont rares mais, lorsqu’ils sont présents, prédominent à l’apex. À peine 10 % d’épanchements péricardiques sont notés et aucune tamponnade n’est rapportée.   Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’IRM cardiaque semble un examen d’accès relativement facile en France puisque près de 67,5 % des patients ont pu bénéficier de cet examen et ce, dans un délai moyen acceptable par rapport à leur date d’admission (8 ± 9 jours) ; 15 % des IRM réalisées se révèlent normales, 48 % des patients présentent un oedème myocardique et 61 % un rehaussement de topographie essentiellement sous-épicardique (90 %). Il peut toutefois être médio-ventriculaire, plus rarement transmural, parfois multiple. Étiologies des myocardites incluses dans OMAGA À partir des critères utilisés, une majorité de myocardites se révèle être supposées d’origine virale (77,5 %). Viennent ensuite les myocardites de stress (ex. Tako-Tsubo), du péri-partum, celles liées aux maladies de système et plus rarement les causes médicamenteuses. La recherche de l’agent infectieux en cause est exceptionnellement réalisée par les centres investigateurs et, quand elle est faîte, elle est dans la majorité des cas non rentable. Sur l’année écoulée, la recherche d’une infection à H1N1 a été réalisée jusqu’à présent chez près d’un tiers des patients et s’est révélée positive chez 5 d’entre eux. Chez simplement 9 autres patients, d’autres germes responsables d’infections récentes ont été identifiés : 1 infection à VIH, 1 hépatite B, 1 hépatite C, 4 infections à EBV et 2 infections à CMV.   Toutefois, la découverte d’une infection récente chez un patient avec un tableau de myocardite aiguë ne signifie pas nécessairement que l’agent pathogène retrouvé soit la cause dans la myocardite. En effet, seule l’identification d’un agent infectieux au sein même du tissu myocardique inflammatoire permet d’établir le lien de causalité. Or, dans cet observatoire, seules 3 biopsies ont été pratiquées jusqu’à présent : l’une est négative, une autre montrant une myocardite à éosinophiles et le résultat de la dernière reste en attente. Que deviennent les patients au cours de leur hospitalisation ? L’hospitalisation dure en moyenne une petite semaine (6,3 ± 7,9 jours). Bien que l’évolution soit le plus souvent favorable, 21 % des patients vont présenter un tableau d’insuffisance cardiaque ; 10 patients devront être ventilés (dont 3 atteints de H1N1), 9 seront en choc cardiogénique dont 5 seront assistés (2 H1N1) et 1 greffé (H1N1 positif). Deux patients non assistés décèderont de leur choc cardiogénique ; 10,5 % des patients présenteront une tachycardie ventriculaire qui sera soutenue chez 3 patients. En sortie d’hospitalisation, près d’un tiers des patients garderont une dysfonction ventriculaire gauche plus ou moins sévère. Le traitement de sortie est dominé par la présence de trois classes médicamenteuses : les bêtabloquants (58 % des patients), les IEC/ARAII (52 %) et l’aspirine (44 %). La prescription de telle ou telle classe médicamenteuse chez un patient ne semble pas motivée par la présence ou non de tel ou tel paramètre clinique, biologique ou d’imagerie (pas de différence de fraction d’éjection ventriculaire gauche par exemple entre le groupe traité par IEC et celui qui ne l’est pas) mais semble plutôt correspondre à des habitudes propres à chaque centre investigateur. Que retenir de ces premières données ? Les myocardites supposées associées à H1N1 représentent environ 7 % des myocardites virales rapportées sur l’année écoulée. Elles semblent particulièrement sévères puisque, parmi les 5 patients diagnostiqués, 3 seront en choc cardiogénique : 2 seront assistés et 1 finalement greffé. Ces données sont concordantes avec les publications de ces derniers mois : une dizaine de références regroupant en majorité des cas de myocardite fulminante liée ou supposée liée au virus de la grippe A. Il n’existe à l’heure actuelle qu’un observatoire national similaire à OMAGA en cours de publication. Il s’agit d’un observatoire japonais retrouvant sur 10 cas de myocardites associées à H1N1 (dont 6 patients avec une preuve histologique), 10 myocardites en choc cardiogénique devant être assistées avec malheureusement deux décès.   De façon plus générale, OMAGA semble confirmer des notions déjà connues : la population cible est une population jeune et plutôt masculine, la notion de contexte infectieux est souvent manquante et la douleur thoracique reste le principal symptôme. Les patients sont généralement admis rapidement après le début de leurs symptômes. Cette myocardite reste une pathologie grave associant insuffisance cardiaque et troubles du rythme ventriculaire. Le traitement reste non codifié, basé sur les IEC, les bêtabloquants et l’aspirine. Les questions en suspens Il reste toutefois plusieurs questions en suspens à ce stade : - existe t-il à l’admission des paramètres cliniques ou paracliniques prédictifs du pronostic à moyen ou long terme ? - quel est le devenir des patients après l’hôpital : qui effectue le suivi ? comment ? avec quel traitement ? - quel est finalement le pronostic global de l’ensemble de ces patients ? Nous espérons ainsi pouvoir répondre à toutes ces questions grâce au suivi des patients qui va s’effectuer sur au moins 6 mois et au cours duquel toutes les données cliniques, biologiques et d’imagerie seront collectées.

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