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Thérapeutique

Publié le 06 nov 2007Lecture 6 min

Les hémorragies sous AVK : au premier rang des complications iatrogènes

M. MANIORA1, D. VERVECHE1 et B. TARDY2, Département d’Anesthésie Réanimation (1) et Service d’Urgences Médicales (2) CHU Saint-Etienne

Les accidents hémorragiques liés aux antivitamines K (AVK) sont au premier rang des complications iatrogènes et responsables de 17 000 hospitalisations par an en France. La connaissance des facteurs de risque hémorragique est indispensable pour en limiter les conséquences. Par ailleurs, la prise en charge de ces complications est assez mal codifiée. En effet, il n’existe que peu d’études comparant les différentes options thérapeutiques et celles-ci ne concernent que les AVK à demi-vie longue.

Épidémiologie En France, on estime que 400 000 à 550 000 patients sont traités par AVK chaque année, soit 1 % de la population française. Environ 17 000 patients sont hospitalisés chaque année pour un incident hémorragique lié aux anticoagulants oraux : il s’agit de la première cause d’hospitalisation pour accident iatrogène médicamenteux. Le tractus gastro-intestinal représente le site le plus fréquent de saignement ; cependant, ce sont les complications neurologiques qui sont les plus graves. Selon les études, la fréquence des accidents hémorragiques graves sous AVK varie de 1,3 à 10 %, avec une mortalité de 0,5 à 2,2 %. La prescription des différents AVK en France (tableau 1) se répartit de la façon suivante : - fluindione 77 %, - acénocoumarol 16 %, - warfarine 3,5 %. Facteurs de risque Le risque hémorragique dépend de l’intensité et de la durée du traitement, de facteurs propres au patient et des interactions médicamenteuses. L’intensité de l’anticoagulation est directement liée à la survenue d’hémorragies. Plusieurs études ont conclu que le maintien de l’INR dans une zone thérapeutique adaptée à la pathologie permet de réduire considérablement la survenue d’accidents hémorragiques. Hylek a montré qu’un INR > 4 est associé à une augmentation critique des hémorragies intracrâniennes. Celles-ci doublent à chaque fois que l’INR augmente de 1. Enfin, indépendamment de l’INR moyen recherché, les fluctuations des INR hors de la zone thérapeutique souhaitée chez un patient donné semblent également représenter un facteur majeur de risque hémorragique (figure). Risque d’ischémie et d’hémorragie intracrânienne en fonction de l’INR. Pour un patient donné, le risque hémorragique est directement lié à la durée du traitement AVK. Ainsi, il est plus important au début du traitement, de l’ordre de 3 % le 1er mois, puis moindre les mois suivants, 0,8 % par mois la première année et 0,3 % par mois les autres années. L’âge > 75 ans, ne semble pas être un facteur de risque indépendant, mais associé à des comorbidités ou à un surdosage, favorise les saignements. L’index de Beyth comprenant : antécédent de saignement gastro-intestinal, antécédent d’accident vasculaire cérébral, existence d’une comorbidité (IDM récent, anémie sévère, diabète, insuffisance rénale) permet de prédire le risque hémorragique. D’après l’étude de Viennet en 2004, étude prospective de 291 patients > 75 ans, comptabilisant les complications hémorragiques en deux groupes, mineures ou majeures, les patients ayant un index prédictif élevé (score 3-4) ont présenté plus de complications majeures (p < 0,01). D’autres comorbidités ont été identifiées, tels que l’insuffisance cardiaque sévère, l’hypertension mal contrôlée, les cancers ainsi que toute pathologie intercurrente pouvant modifier le métabolisme des AVK (atteinte hépatique ou biliaire, destruction de la flore intestinale). Des facteurs génétiques ou constitutifs entrent également en compte dans le risque hémorragique, concernant le cytochrome P 450 2C9 et le taux de thrombomoduline. Le cytochrome P 450 2C9 (CYP2C9), impliqué dans le métabolisme des AVK, présente 2 principaux allèles variants (CYP2C9*2 et CYP2C9*3). La présence de ces allèles est à l’origine d’une baisse de l’activité enzymatique impliquant chez les sujets porteurs une diminution de l’élimination des AVK, plus particulièrement pour l’allèle CYP2C9*3. Une étude cas-témoins de Heijden, à la recherche de facteurs prédictifs de saignement sous AVK, a recruté des patients victimes d’hémorragie majeure sous AVK afin de comparer plusieurs critères avec le groupe témoin (âge, sexe, type d’anticoagulant, analyse ADN de mutation du propeptide du facteur IX, taux plasmatique de thrombomoduline). Les résultats indiquent qu’un taux de thrombomoduline plasmatique élevé (mesuré par Elisa) favorise le saignement, alors que les trois mutations déterminées par séquençage direct de l’ADN sur la portion du gène codant pour le propeptide du facteur IX, ne sont pas corrélées à une augmentation du risque hémorragique. De nombreux médicaments interagissent avec les AVK (tableau 2) et ces interactions médicamenteuses représentent l’une des causes majeures des accidents hémorragiques sous AVK. Plus de 95 % des AVK sont fixés à l’albumine ; or, seule la fraction libre est active. Par conséquent, tous les médicaments qui se fixent également à l’albumine entrent en compétition avec les AVK et augmentent donc leur fraction libre, entraînant un surdosage. D’autres mécanismes peuvent conduire à un surdosage en AVK tels que la diminution de la clairance des AVK par inhibition du cytochrome 2C9 (miconazole, kétoconazole, érythromycine…) ou l’addition d’un effet anticoagulant ou antiagrégant indépendant (céphalosporines de 2e et 3e génération, aspirine…). Il est donc formellement conseillé de consulter le Vidal lors de toute modification thérapeutique (introduction d’un nouveau médicament ou augmentation de posologie), de contrôler l’INR 3 à 4 jours après et d’interdire toute automédication. Prise en charge des hémorragies La prise en charge des accidents hémorragiques des AVK est assez mal codifiée à l’heure actuelle. Les recommandations ne reposent en grande partie que sur des conférences ou des avis d’experts. Quelques études prospectives et randomisées ont été réalisées mais uniquement chez des patients traités par warfarine (Coumadine®) présentant un INR < 10 et sans saignement actif. Ces études, portant sur des petits collectifs de patients, ont pour l’essentiel confirmé l’intérêt de l’administration per os de faibles doses de vitamine K (1 mg). • Avant de prendre en charge une hémorragie sous AVK, trois paramètres sont à évaluer : - le patient : indication de traitement, comorbidités, - la gravité de l’hémorragie : localisation, retentissement, - le taux d’INR (tableau 3). La prise en charge comprend trois points essentiels : - contrôler le saignement par hémostase locale ou évacuation d’un hématome, compensation des pertes sanguines si besoin par transfusion de culots globulaires, - arrêt de l’AVK, mesure suffisante en cas de surdosage très modéré sans saignement mineur, - antagoniser les AVK selon trois options à notre disposition et suivant l’importance du surdosage : • vitamine K : efficace en 6 à 8 h, durée d’action prolongée, • PPSB (concentré de facteurs II, VII, IX, X) : action immédiate pour une durée de 6 heures, posologie 20 à 30 U/kg (risque de thrombose en cas d’utilisation de posologie supérieure), • transfusion de plasma frais congelé, si hémorragie grave avec transfusion massive. En cas d’hémorragie majeure avec risque vital, il est préconisé une correction de l’INR à 1 hormis chez les patients à très haut risque thromboembolique, porteurs par exemple de prothèse valvulaire mécanique. D’après les recommandations européennes, le facteur VII recombinant n’a pas sa place dans la prise en charge des saignements liés aux AVK. Prévention Comme pour tout médicament, mais plus encore en ce qui concerne les AVK, l’indication du traitement doit être parfaitement justifiée et la balance bénéfice/risque attentivement évaluée et réévaluée au fil du temps. Une surveillance biologique est instaurée, de façon rapprochée en début de traitement, puis mensuelle en l’absence de complication ou de modification de posologie. L’éducation du patient est primordiale : tenue du carnet de surveillance, conduite à tenir en cas de signes hémorragiques, consignes alimentaires, dangers de l’automédication et des sports violents, renforcement des contrôles en cas d’événement intercurrent.   En pratique   Avant de débuter un traitement AVK, il est indispensable d’évaluer le bénéfice/risque de la thérapeutique, en prenant en compte les facteurs de risque hémorragique, et en remettant en question la réalité de l’indication du traitement AVK. Afin de disposer d’une conduite à tenir validée en cas d’accident hémorragique, d’autres études randomisées, et ne portant pas uniquement sur la Coumadine® puisque l’AVK le plus fréquement prescrit en France est le Préviscan®, seraient nécessaires. Les avantages de la Coumadine® devraient inciter une utilisation plus large de celle-ci en France, seul pays avec l’Allemagne à la sous-prescrire. L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.

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