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Coronaires

Publié le 29 mai 2007Lecture 8 min

Le syndrome X coronaire

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Le syndrome X coronaire et l’angor vasospastique sont les deux principales étiologies des maladies coronaires non athéromateuses. Toutes deux concernent une population dont les caractéristiques démographiques sont assez différentes de celles de la maladie coronaire et semblables entre elles : population jeune (< 50 ans) et à nette prédominance féminine.

Malgré leur proximité démographique, angor spastique et syndrome X diffèrent par leur présentation, par la logique de leur prise en charge diagnostique, par la nature du traitement à prescrire et surtout par le pronostic : - le syndrome X est une maladie dont la symptomatologie est parfois réellement invalidante mais dont le pronostic vital est excellent, non dépendant du traitement qui n’est qu’à visée symptomatique ; - dans l’angor vasospastique, à l’inverse, bien qu’aucune vaste étude longitudinale ne permette de décrire ni de quantifier l’histoire naturelle, le pronostic est incertain ; le risque de survenue d’un infarctus myocardique et d’une mort subite est bien réel ; fait fondamental, ce risque peut être largement réduit par le traitement médicamenteux.   Qu’est-ce que le syndrome X coronaire ? Il s’agit d’une entité associant : - des douleurs thoraciques plus ou moins proches de la description classique de l’angor, - un ou plusieurs stigmates de souffrance ischémique ou « d’allure ischémique » du myocarde, - et un réseau coronaire anatomiquement sain en l’absence de spasme des gros troncs coronaires épicardiques. Ce syndrome X, décrit dès la fin des années 1950, ne doit pas être confondu avec le syndrome X métabolique, plus récemment décrit, associant obésité abdominale, hypertriglycéridémie, HDL- cholestérol bas, insulinorésistance et hypertension. L’appellation commune de syndrome X ne signifie pas du tout qu’une parenté physiopathologique ait été évoquée entre ces deux entités mais témoigne simplement de la même perplexité des « inventeurs » quant au mécanisme intime du lien unissant entre eux les divers éléments du syndrome. La fréquence du syndrome X coronaire est difficile à préciser ; la définition nécessitant la démonstration de l’intégrité anatomique des coronaires, donc la réalisation d’une coronarographie diagnostique, son incidence sera variable d’une équipe cardiologique à l’autre, selon le recours plus ou moins fréquent à la coronarographie, par rapport à l’approche non invasive pure, lors de l’investigation de douleurs thoraciques intermittentes.   Présentation clinique Il s’agit de douleurs thoraciques intermittentes, aucune d’entre elles n’ayant l’intensité ou la durée pouvant évoquer un syndrome coronaire aigu authentique. Ces douleurs sont généralement suffisamment compatibles avec un diagnostic d’angor pour justifier la coronarographie, malgré leur survenue fréquente chez les sujets jeunes et notamment la femme non ménopausée. L’examen clinique est généralement normal ; à l’ECG, la prévalence des atypies du segment ST est élevée, de l’ordre de 30 à 40 %. L’épreuve d’effort est cliniquement et électriquement positive dans un peu moins de la moitié des cas.   Des explorations aux résultats inconstants Les résultats des autres tests de détection de l’ischémie sont variables d’une étude à l’autre, notamment scintigraphie myocardique et échographie de stress. La recherche de calcifications au scanner coronaire est positive dans environ 50 % des cas, c’est-à-dire moins que lors d’une maladie coronaire athéromateuse classique (90 % des cas) mais significativement plus que chez des sujets témoins (20 % des cas). De nombreuses études physiopathologiques ont été effectuées chez ces patients, dans un but essentiellement cognitif, physiopathologique reconnaissons-le, mais également pour, en précisant le mécanisme, tenter de choisir de façon non aléatoire le traitement pharmacologique nécessaire à contrôler une symptomatologie parfois tenace. Les techniques fines de l’analyse de la perfusion myocardique par tomographie par émission de positons (TEP) ou par IRM de perfusion retrouvent un défect, de sévérité et d’étendue au demeurant très variables d’un patient à l’autre, dans environ 50 % des cas. La recherche de signes métaboliques d’ischémie (notamment la production de lactates), par prélèvement de sang dans le sinus coronaire lors de la stimulation auriculaire rapide, est souvent positive, témoignant de la réalité de la souffrance myocardique. En échographie endocoronaire, il est fréquent de trouver chez de tels patients un épaississement de la média et de l’intima et/ou des lésions athéromateuses à minima ; cependant, ces données sont difficiles à interpréter en l’absence de population de référence rigoureusement saine, qui n’aurait aucune raison éthiquement acceptable de subir une échographie endocoronaire ! Il existe souvent dans le syndrome X une dysfonction endothéliale. Celle-ci peut-être démontrée par : - une diminution de la vasoréactivité des artères de l’avant-bras, - également directement au niveau coronaire. Chez les patients non porteurs de spasme épicardique, l’injection d’un réactif pharmacologique, par exemple l’acetylcholine, provoque une augmentation anormalement importante des résistances à l’écoulement et peut déclencher une authentique ischémie militant en faveur d’un mécanisme de spasme ou tout du moins d’hyperréactivité microvasculaire. Enfin, les marqueurs inflammatoires sont plus élevés chez les patients porteurs d’un syndrome X que dans une population de référence, mais moins élevés qu’à la phase aiguë d’un syndrome coronaire. Cette activation des marqueurs de l’inflammation semble être corrélée à la sévérité des symptômes et plus encore à la facilité avec laquelle peut se déclencher une ischémie myocardique chez un patient donné. Pour compléter ce tableau, plusieurs études ont montré qu’une forte proportion de patients atteints du syndrome X ont un seuil particulièrement bas de perception des afférences viscéro-sensitives et donc de la douleur cardiaque.   Comment intégrer toutes ces données physiopathologiques ? Tout d’abord, on ne peut que constater que ce syndrome mérite toujours son nom de syndrome X ; la multiplicité des hypothèses proposées souligne bien que nous n’avons pour l’instant toujours pas mis en évidence de mécanisme unique et convainquant. Sont probablement associés à des degrés divers chez un même patient : - une sensibilité anormale des artérioles coronaires de petit calibre aux stimuli vasoconstricteurs ; - un métabolisme myocardique particulièrement « vulnérable » à des réductions mineures et transitoires des apports en oxygène et en énergie ; - une susceptibilité exacerbée à la perception consciente des stimuli viscéro-sensitifs cardiaques et donc à la douleur angineuse.   Comment établir le diagnostic en pratique ?   Un bon pronostic… Compte tenu de l’excellent pronostic du syndrome X coronaire, sans aucun risque de mort subite ou d’infarctus, avec un pronostic vital superposable à celui d’une population saine, on peut se poser la question de l’utilité d’un diagnostic précis. Après tout, une fois confirmée l’absence de lésions athéromateuses coronaires significatives et d’angor vasospastique, n’avons-nous pas achevé notre travail ? … mais qui nécessite une vraie prise en charge La réponse est négative, tout du moins chez les patients sévèrement symptomatiques. En effet, il est important de différencier un syndrome purement psychiatrique méritant une prise en charge spécifique, d’une authentique souffrance myocardique qui, si elle n’est pas dangereuse pour le pronostic vital, peut être responsable d’une détérioration importante de la qualité de vie. Lorsque la souffrance myocardique est documentée, le traitement reposera en totalité ou en partie sur les médicaments anti-ischémiques. Surtout, un diagnostic précis rassurer le patient sur deux points : - il n’est pas « fou », - il s’agit bien d’une souffrance cardiaque mais sans gravité. En l’absence d’explication franche et claire, le patient risque de rejoindre la cohorte trop bien connue des cardiologues et des urgentistes, des sujets naviguant de cardiologues en cardiologues, d’USIC en USIC, de SAU en SAU, accumulant au fil des années un nombre parfois impressionnant de coronarographies à visée diagnostique et finissant soit par subir un jour une complication iatrogène grave soit par développer au fil du temps un authentique problème psychiatrique « induit », alors qu’initialement leur pathologie correspondait bien à une souffrance myocardique.   Faire la part des choses n’est pas facile S’il existe une authentique ischémie reproductible quel que soit le test de provocation, c’est bien sûr l’hypothèse « cardiologique » qui doit être retenue en premier, les traitements antiangineux successivement essayés, ce qui n’empêche pas, si besoin, d’avoir recours en coprescription à un traitement anxiolytique ou psychotrope, notamment chez les patients ayant un seuil de perception de la douleur angineuse particulièrement bas. Si, en revanche, l’ischémie n’est pas inductible, ni par le simple test d’effort ni par les techniques non invasives plus « sophistiquées », l’enquête doit être menée dans deux directions : - rechercher un diagnostic différentiel, notamment une pathologie œsophagienne parfois très trompeuse ; - demander un avis psychiatrique.   Les éléments du traitement Aucun essai contrôlé, aucune banque de données digne de ce nom ne permettent d’émettre la moindre recommandation de type « médecine par les preuves ». S’il existe une ischémie inductible, les trois catégories d’antiangineux pourront être testées. Privilégier les bêtabloquants en première intention si l’ischémie a été induite par l’effort et s’il existe d’autres stigmates d’hyperadrénergie (fréquence cardiaque de repos élevée, variabilité sinusale au Holter). Les anticalciques, si la vasomotricité coronaire a été étudiée lors de la coronographie (éventualité en principe rare) et si elle est augmentée, méritent d’être precrits en premier. Les dérivés nitrés sont occasionnellement très efficaces mais peuvent, dans certains cas, donner des résultats paradoxaux avec aggravation des symptômes ou des signes électrocardiographiques sans que l’on ait d’explication bien convaincante à ces constatations. Il peut être utile de prescrire un psychotrope, même en présence d’une authentique ischémie, car souvent, chez un même patient, coexistent une authentique ischémie myocardique mais peu sévère et un seuil anormalement bas de perception de la douleur. Les imipraminiques sont la seule classe de psychotropes testée de façon rigoureuse dans cette indication. À la posologie de 50 mg par jour l’imipramine réduit de plus de 5 % la fréquence et la sévérité des symptômes comparativement au placebo. Une fois la symptomatologie contrôlée, il n’y a pas non plus de recommandation fiable concernant le suivi au long cours de ces patients. Si les symptômes répondent bien au traitement, il paraît raisonnable de les poursuivre pendant plusieurs mois, voire un an ou deux puis de tenter un sevrage progressif. Chez les patients asymptomatiques, il n’y a pas lieu de répéter des examens spécialisés cardiologiques (échographie, épreuve d’effort) à échéance régulière. En revanche, rappelons qu’il existe dans le syndrome X une prévalence élevée de calcifications coronaires au scanner, d’épaississement pariétal à l’échographie endocoronaire et de dysfonction endothéliale. Cela mérite une surveillance des facteurs de risque athéromateux et peut-être des seuils d’intervention thérapeutique un peu plus exigeante que dans la population normale.

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