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Risque

Publié le 04 avr 2006Lecture 6 min

Le syndrome métabolique existe-t-il ?

J. CHAPSAL, d'après une conférence de B. Charbonnel

Cœur et Diabète

La nécessité de réunir cardiologues et diabétologues autour de ce thème combiné moderne « cœur et diabète » a conduit à ces premières journées qui se sont déroulées à Paris les 17 et 18 février dernier. Les initiateurs de ces journées, B. Charbonnel et M. Komajda, alors respectivement présidents de la Société française de diabétologie et de la Société française de cardiologie, ont donc tout naturellement coprésidé ce congrès. À cette occasion, B. Charbonnel a ouvert les débats par une conférence sur le syndrome métabolique, sujet à une grande controverse.

Le concept du syndrome X Introduit en 1988 par G. Reaven, agrégeant en un seul syndrome différentes anomalies métaboliques et facteurs de risque cardiovasculaire autour de l’insulinorésistance, le syndrome métabolique a ensuite été défini par le NCEP-ATP III comme l’association d’au moins trois critères parmi les suivants (tableau 1). Plus récemment, l’IDF (International Diabetes Federation) a fourni une définition encore plus stricte, plus appropriée à l’Europe (tableau 2). Ces définitions du syndrome métabolique sont-elles utiles ? De nombreuses études de cohortes et une métaanalyse reprenant 11 études, montrent que l’existence d’un syndrome métabolique multiplie en moyenne d’un facteur de 1,7 le risque cardiovasculaire. Dans l’étude PROCAM (PROspective CArdiovascular Münster study), le risque absolu d’infarctus du myocarde passe de 5,2 à 12,1 % à 10 ans, selon l’existence ou non d’un syndrome métabolique. Ce risque est donc élevé, mais il n’est pas considérable, en tout cas moindre que le risque cardiovasculaire absolu du diabète de type 2.   Syndrome métabolique : une double utilité ? Pour B. Charbonnel, les définitions du syndrome métabolique permettent de prédire à la fois le risque cardiovasculaire et le risque de diabète. L’existence d’un syndrome métabolique multiplie le risque relatif de diabète d’un facteur 3. On sait pertinemment que l’addition des facteurs de risque cardiovasculaire augmente ce risque et qu’avec 3 facteurs, on arrive à un risque absolu de 10 % à 10 ans, comme l’a montré l’étude WOSCOPS (West Of Scotland COronary Prevention Study).   Mais qu’en est-il de leurs différentes combinaisons ? Il existe en effet 16 combinaisons possibles pour définir le syndrome métabolique et toutes ne représentent pas le même risque vasculaire. Le facteur glycémie apparaît important au sein des diverses combinaisons définissant le syndrome métabolique, si bien qu’on peut se poser la question de savoir s’il faut inclure le diabète dans la définition du syndrome métabolique. Il faut souligner l’arbitraire des définitions conduisant à une prévention cardiovasculaire différente selon les définitions. Si le syndrome métabolique est prédictif de survenue d’un diabète, il l’est beaucoup moins que l’intolérance au glucose ou la glycémie (figure 1). Figure 1. Arbitraire de la définition NECP : la valeur prédictive (CV) du risque est fonction du nombre des facteurs de risque (WOSCOPS). Le syndrome métabolique : un meilleur prédicteur du risque CV ? Pour B. Charbonnel, la réponse est clairement négative : certes, les patients présentant un syndrome métabolique sont à risque vasculaire, mais ce concept n’apporte rien en termes de prédiction des événements comparativement à l’usage classique des facteurs de risque individuels, dans des équations de risque, dont la plus utilisée est celle de Framingham. Si les études de cohorte ont montré que le syndrome métabolique est un prédicteur du risque cardiovasculaire dans les analyses univariées, ce n’est plus le cas dans les analyses multivariées où le modèle statistique intègre non seulement le paramètre syndrome métabolique, mais aussi les facteurs de risque individuels constitutifs de ce syndrome. Le syndrome métabolique perd alors son caractère prédicteur indépendant : en d’autres termes, la définition du syndrome métabolique n’apporte aucun « excès de risque »comparativement aux 5 facteurs de risque individuels rentrant dans sa définition. L’analyse multivariée montre, par exemple, que ce n’est pas le syndrome métabolique per se qui est prédicteur de la prévalence de la maladie coronarienne, mais les facteurs de risque individuels qui le constituent.   Un syndrome métabolique peut-il prédire la survenue d’un diabète ? S’il peut y contribuer, c’est avec beaucoup moins de pertinence que l’intolérance au glucose (IGT) (figure 2). À cet égard, les données de l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension) sont intéressantes : les composantes du syndrome métabolique sont des prédicteurs du diabète. Dans ce travail, on observe que c’est la composante hyperglycémie « modérée » qui pèse le plus largement (tableau 3). Figure 2. Le syndrome métabolique prédit la survenue d’un diabète mais beaucoup moins bien que l’intolérance au glucose (IGT). Figure 3. L’obésité abdominale et la lipotoxicité ? Quel est le véritable intérêt du concept « syndrome métabolique » ? Il n’y a pas de certitude pour penser qu’il existe un substratum étiopathogénique commun aux facteurs de risque associés dans ce syndrome métabolique et deux « candidats » peuvent être évoqués : – l’insulinorésistance, – l’obésité abdominale.   L’insulinorésistance Il existe des discordances entre l’insulinorésistance et le syndrome métabolique : 32 % des patients présentant un syndrome métabolique sont définis comme insulinorésistants et 20 % des patients insulinorésistants n’ont pas de syndrome métabolique. La définition du syndrome métabolique n’est donc pas la meilleure façon d’aborder l’insulinorésistance.   L’obésité abdominale Il existe une étroite corrélation entre obésité abdominale et morbidité coronarienne. La fameuse étude INTERHEART (A global study of risk factors in acute myocardial infarction) a montré que 9 facteurs de risque rendent compte de plus de 90 % des infarctus du myocarde dans le monde. Cinq de ces facteurs sont essentiels. On y voit que l’obésité abdominale augmente le risque relatif d’infarctus de 1,62. Ce phénotype très fréquent en Europe de l’Ouest explique son importance. L’obésité abdominale apparaît comme un facteur de risque de survenue d’un diabète, meilleur que l’indice de masse corporelle (IMC) (figure 3).   L’analyse par facteurs « L’analyse par facteurs » est une approche statistique multivariée susceptible de résoudre un grand nombre de variables intercorrélées en un seul ou un petit nombre de facteurs indépendants sous-jacents. Ainsi, dans le cadre du syndrome métabolique, les facteurs suivants sont intercorrélés entre eux : – glycémie à jeun, – glycémie 2 heures après charge en glucose, – insulinémie à jeun, – insulinémie 2 heures après charge en glucose, – triglycérides, – HDL-cholestérol, – rapport taille/hanche, – IMC, – pression artérielle. Il est donc difficile de déterminer s’il existe un facteur étiologique commun à ces différents facteurs, agrégés les uns aux autres. Cette méthode d’analyse a en revanche repéré 3 facteurs principaux interconnectés :    Le syndrome métabolique : un outil simple L’intérêt d’une définition du syndrome métabolique est de permettre de disposer d’un outil simple pour repérer au moins une situation à double risque cardiovasculaire et de survenue d’un diabète. Si les équations de facteurs de risque sont plus pertinentes, leur approche reste plus compliquée et s’avèrent peu utilisées en pratique.   L’intérêt d’une définition Le syndrome métabolique désigne une situation de risque cardiovasculaire globale qui inclut certains facteurs de risque traditionnels : HTA, diabète, etc., mais aussi de nombreux facteurs de risque non traditionnels : inflammation, thrombose, lipoprotéines de petite taille. Cela suggère un mécanisme commun à ces différentes anomalies : la lipotoxicité et/ou l’insulinorésistance. Mais cette définition a des limites : – les critères sont ambigus ou incomplets ; – faut-il inclure le diabète dans la définition ? – l’insulinorésistance n’est pas une base unificatrice certaine, le risque cardiovasculaire dépend des facteurs de risque effectivement présents ; – le risque cardiovasculaire, associé au syndrome métabolique, n’est pas supérieur à la somme de ses composantes ; – le traitement de ce syndrome n’est pas différent du traitement de chacun des composants, la valeur médicale du diagnostic de ce syndrome est incertaine.   En conclusion   Si le syndrome métabolique existe, il revient à la science fondamentale et à la recherche clinique, de mieux le définir.

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