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Cardiologie générale

Publié le 08 sep 2009Lecture 7 min

Le nouveau concept du diaphragme sous-aortique

B. B. HASSANI Soumaya, A. TAMDI, J. RHISSASSI, R. AMRI, M. ARHERBI, CHU Avicennes, Rabat

Le diaphragme sous-aortique est une entité pathologique caractérisée par la présence d’une membrane semi-lunaire s’insérant à la fois sur la paroi septale du ventricule gauche et sur la base ou la partie adjacente de la face ventriculaire de la grande valve mitrale. Ce concept s’intègre le plus souvent dans une véritable atmosphère congénitale à l’origine de sa constitution. L’intérêt de ce travail est de mettre l’accent sur la nécessité de la prise en charge simultanée des malformations congénitales associées, dont certaines sont impliquées dans la genèse du diaphragme sous-aortique.

Le diaphragme sous-aortique est une entité pathologique caractérisée par la présence d’une membrane semi-lunaire située à moins d’1 cm sous les valves aortiques, s’insérant à la fois sur la paroi septale du ventricule gauche et sur la base ou la partie adjacente de la face ventriculaire de la grande valve mitrale(1). Cette malformation concerne environ 10 % des cas de sténose aortique congénitale et constitue la forme la plus fréquente des sténoses sous-aortiques. Elle se produit deux fois plus fréquemment chez les garçons que chez les filles. Le diagnostic est rendu facile grâce à l’échographie couplée au Doppler permettant également la recherche systématique d’anomalies associées. Néanmoins, la résection isolée de la membrane sous circulation extracorporelle se solde par un nombre non négligeable de récidives. Ainsi, le but de ce travail est de mettre l’accent sur l’intérêt de la prise en charge simultanée des malformations congénitales associées, dont certaines sont impliquées dans la genèse du diaphragme sous-aortique. Le mécanisme d’apparition du diaphragme sous-aortique Le diaphragme sous-aortique a été longtemps considéré comme étant une lésion congénitale(1). Il est actuellement défini comme une lésion acquise, s’intégrant dans une véritable « atmosphère congénitale ». Le mécanisme d’apparition répond à plusieurs théories(2). La théorie des turbulences Elle regroupe toutes les anomalies favorisant l’apparition de turbulences au niveau de la chambre de chasse du ventricule gauche, lesquelles sont responsables de la stimulation de facteurs de croissance à l’origine de la constitution du diaphragme sous-aortique : Les anomalies de l’appareil mitral sont fréquemment associées aux diaphragmes sous-aortiques. Ce constat récemment démontré reste néanmoins méconnu par de nombreux praticiens. Dans la série de Y. Lecompte, sur 82 patients recrutés pour correction chirurgicale du diaphragme sous-aortique(3), 44 (54 %) ont présenté à l’échocardiographie différents types d’anomalies de la grande valve mitrale, dont : - la muscularisation de la grande valve mitrale (GVM) : la portion sous-aortique de la GVM, épaisse et presque immobile, décrit une angulation marquée engendrant des turbulences au niveau de la voie de chasse du ventricule gauche (figure 1). Ce type d’anomalie a été décrit par Rosenquist(6) et plus récemment par Di Donato(7) ; - les anomalies d’attache de la valve mitrale représentées par : • le muscle Normand, défini comme un muscle papillaire émanant du pilier antérolatéral et s’insérant sur la base du septum inter-ventriculaire, gênant l’éjection du ventricule gauche. Ce type d’anomalie aurait un rôle également dans l’obstruction de la chambre de chasse. Il a été décrit par Vairo(5). • le muscle « Bretand » défini comme un muscle papillaire partant du pilier antérolatéral et s’insérant directement sur le corps de la grande valve mitrale obstruant manifestement la voie de chasse sous-aortique (figure 2). Il est observé également chez 83 % des patients dans la série de Lampros et Cobanoglu(4) ; Figure 1. En Parasternal grand axe, diaphragme sous aortique avec muscularisation de la grande valve mitrale. Figure 2. En coupe 5 cavités diaphragme sous aortique avec muscle Bretand. La communication interventriculaire est considérée comme une forme étiologique isolée pouvant générer des turbulences du flux dans la chambre de chasse par le biais de l’hyperdébit(9,10). Dans le cadre des shunts gauche - droite on peut avancer que l’hyperdébit mitral serait responsable de la création de turbulences au niveau de la chambre de chasse du ventricule gauche. Le mal-alignement du septum interventriculaire a été décrit par Zelinsky en 1987(2). L’angle aorto-septal, défini par l’angle formé par l’axe longitudinal de l’aorte ascendante et le plan du septum, est anormalement < 130°. Cette anomalie anatomique a été observée chez un grand nombre de patients dans la série de Kleinert et Geva. Il en résulte des turbulences de flux dans la chambre de chasse du ventricule gauche, lesquelles induisent une prolifération endothéliale anormale en regard. La présence d’une communication interventriculaire va accroître le stress endothélial déjà provoqué par l’angulation aortoseptale. Par ailleurs, il a été démontré que cette dernière est présente dans les cas de sténose sous-aortique avec ou sans communication interventriculaire. Théorie génétique et stress mécanique Cape et coll.(2) ont mis l’accent sur le rôle du stress mécanique dans le développement de la sténose sous-aortique, par altération des propriétés fonctionnelles et structurales des cellules par transduction mécanique ; de plus, les modifications électrophysiologiques et biochimiques seront responsables d’une adaptation cellulaire aux contraintes extérieures par altération du gène expressif. Selon Cape, il existerait un facteur prédisposant génétique potentialisant l’exposition cellulaire endothéliale au stress mécanique. Ce concept explique probablement les cas de récidives rapportés dans certaines séries malgré une cure jugée parfaite du diaphragme sous-aortique et des anomalies causales. Ces cas de récidive constitueraient un terrain fertile de recherche génétique. Conséquences du diaphragme sous aortique Le diaphragme sous aortique est responsable le plus souvent d’un retentissement en amont avec une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique par élévation de la postcharge. Un degré modéré d’insuffisance valvulaire aortique est fréquent chez les patients ayant une sténose sous-aortique et semble être lié à l’épaississement de la valve et à l’altération de la mobilité des cuspides, secondaire aux traumatismes créés par le jet passant à travers le diaphragme sous-aortique. L’insuffisance aortique résulterait d’une perte de souplesse de la valve due à l’envoi de spicules à partir du diaphragme sous-aortique. Par ailleurs, la présence d’une insuffisance aortique même minime constitue un « malaise » dans l’indication chirurgicale du diaphragme sous-aortique modérément ou moyennement serré. En effet, la résection de ce dernier éviterait l’aggravation de l’insuffisance aortique et le recours à un éventuel remplacement valvulaire aortique(11). L’évolution spontanée se fait habituellement vers l’aggravation du gradient, surtout dans les périodes de croissance. L’apparition d’un syndrome d’effort, des troubles de la repolarisation à l’ECG d’effort puis au repos peuvent être observés. Par ailleurs, le développement d’une cardiomégalie, corrélé à l’indice de détérioration myocardique progressive, peut évoluer vers l’insuffisance ventriculaire gauche. Prise en charge du diaphragme Le traitement médical ne s’adresse qu’aux complications, en particulier de l’insuffisance cardiaque. Les diurétiques sont toujours indiqués. Le traitement digitalique doit être prescrit avec prudence et peut être remplacé par d’autres inotropes positifs. L’indication opératoire est fonction de la tolérance à l’obstacle : - triade : dyspnée, syncope, angor d’effort ; - gradient moyen supérieur à 50 mmHg. L’apparition d’une insuffisance aortique même minime, surtout si elle est progressive, dans les contrôles successifs constitue une indication à la résection de la membrane sous-aortique, quelle que soit la sévérité de l’obstruction. L’intervention évitera la progression des lésions de la valve aortique. L’obstruction sous-valvulaire est abordée par aortotomie (figure 3). La résection de la membrane sous-aortique se fait par une incision au sein de la membrane, qui sera complétée à l’aide d’une spatule en suivant un plan de clivage jusqu’à ablation de toute la membrane (figure 4)(12). Figure 3. Visualisation du diaphragme sous aortique par voie trans aortique. Figure 4. Diaphragme sous aortique réséqué (pièce anatomique). Une attention particulière est nécessaire pour ne pas léser le tissu de conduction et le tissu mitral(13). Une incision profonde du septum interventriculaire en regard de la commissure entre le feuillet droit et le feuillet non coronaire peut être responsable d’un bloc auriculo-ventriculaire 2e degré voire même un bloc auriculoventriculaire complet, ce qui est le cas d’un patient ayant présenté un bloc auriculoventriculaire complet suite à une résection en monobloc de la partie antérieure septale de la sténose. La cure chirurgicale devrait donner plus de souplesse à la grande valve mitrale, afin de pouvoir mieux libérer la chambre de chasse et par conséquent éviter les turbulences à ce niveau. La mise en place d’un patch péricardique s’impose en cas de muscularisation de la grande valve mitrale ou en cas de fuite mitrale suite à une perforation du grand feuillet antérieur, le plus souvent après résection du muscle Normand. Le traitement chirurgical doit se focaliser sur la cure des malformations étiologiques incriminées dans la genèse du diaphragme, afin d’éviter les récidives postopératoires. Selon les séries, 17 à 20 % des patients développent une récidive de sténose sous-valvulaire aortique(14,15). Selon A. Serraf(14), les facteurs prédictifs de la récidive seraient un gradient résiduel après résection entre le ventricule gauche et l’aorte > 30 mmHg et la présence d’une coarctation de l’aorte, ce qui est le cas de 15 % de la série de Serraf. Ce gradient résiduel est expliqué en partie par la présence de cellules dysplasiques au niveau de la voie de sortie gauche. Par ailleurs, selon Browner, les patients présentant un gradient > 40 mmHg doivent être opérés précocement afin d’éviter la réintervention et l’opération doit être plus extensive par la myectomie. Certaines études ont suggéré que des flux anormaux pourraient prédisposer à la prolifération pathologique du tissu valvulaire sous-aortique, ce qui justifie une exploration échocardiographique transœsophagienne peropératoire afin de mieux guider le geste chirurgical(16). En pratique Le diaphragme sous-aortique est une anomalie acquise ; la recherche d’anomalies congénitales à l’origine de sa constitution est impérative en préopératoire. Leur correction chirurgicale s’impose lorsqu’elles sont diagnostiquées afin d’éviter les éventuelles récidives.

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