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Cardiologie générale

Publié le 02 mar 2010Lecture 7 min

Le dépistage et la surveillance des malades apnéiques par le cardiologue - L’interrogatoire est essentiel

P. GUÉRIN, Paris/Osséja

Les troubles respiratoires pendant le sommeil sont fréquents, et leurs complications essentiellement cardiaques et vasculaires. Cela permet d’expliquer la fréquentation importante des patients apnéiques en consultation de cardiologie. Ils viennent pour le bilan d’une HTA, pour un trouble du rythme ou de conduction, dans le cadre d’une dyspnée d’effort, avec ou sans insuffisance cardiaque, ou après un AIT (ou un AVC). L’intrication étroite de ces pathologies avec les troubles respiratoires pendant le sommeil, justifie la connaissance de ces maladies associées et dépendantes.

C’est dire le risque de passer à côté d’un diagnostic sérieux si la recherche des événements respiratoires pendant le sommeil n’est pas systématique ; il est, en effet, impératif de concevoir ce dépistage pour toutes les consultations, tant les manifestations cliniques sont variées, courantes et encore trop banalisées. Avant tout, il est important d’éviter une erreur classique, liée à la première forme décrite des conséquences de troubles respiratoires pendant le sommeil. En effet, le syndrome de Picwick n’est qu’une forme caricaturale et aggravée de troubles respiratoires pendant le sommeil. On parle aujourd’hui de syndrome obésité/hypoventilation. Cette représentation littéraire (Dickens) a malheureusement figé la présentation des malades apnéiques : obèses, mâles et somnolents. Ces troubles existent aussi, chez les patients maigres, les femmes et les enfants. L’obésité ajoute un facteur de risque, en aggravant la pathologie initiale. Mais respectons la logique médicale : dépistons tous les malades ! L'interrogatoire L’interrogatoire est fondamental. Il est simple et rapide, et ne doit en rien augmenter le temps de la consultation. Dans le cadre d’une première consultation, quatre questions initiales doivent être posées, souvent suffisantes pour évoquer le diagnostic. Ronflez-vous (ou plutôt, votre entourage a-t-il remarqué que vous ronflez) ? Le ronflement est la représentation sonore de turbulences au niveau des voies aériennes supérieures, donc d’un frein au passage de l’air dans ces mêmes voies. Avant tout arrêt, le ralentissement d’un objet en déplacement, air compris, est obligatoire. C’est dire l’importance du dépistage de tout ronflement. Vous réveillez-vous pendant la nuit et si oui, pourquoi ? Le malade apnéique se réveille souvent, après chaque cycle de sommeil (environ toutes les heures ou heures et demi) avec l’envie d’uriner. Cette polyurie est un des symptômes très évocateurs d’HTA nocturne. Les pics d’hypertension, induits par les micro-éveils provoqués par les apnées, provoquent une augmentation de sécrétion d’hormones natriurétiques, ce qui augmente le volume (nocturne) des urines dans le but essentiel de diminuer la PA. Êtes-vous en forme le matin au réveil ? La réponse des malades apnéiques est souvent « stéréotypée » : « Docteur, je suis plus fatigué(e) le matin en me levant que le soir en me couchant ». Le fractionnement du sommeil lié aux événements respiratoires et la diminution habituelle du temps de sommeil lent profond expliquent cette méforme. La PA haute nocturne, surtout en fin de nuit, ajoute un risque de céphalées matinales. Avez-vous envie de dormir dans la journée ? La somnolence diurne est un symptôme clef, cher aux neurologues, fréquente, et responsable de complications, tels les accidents de travail ou de la circulation. Mais la somnolence est, comme la dyspnée, un symptôme subjectif, mal évalué par certains, en plus ou en moins. Un court questionnaire (rempli en 30 secondes) peut aider à son évaluation, l’échelle d’Epworth (tableau 1), qui propose aux malades d’auto-évaluer le risque de s’endormir dans des situations courantes de la vie (mais assez propices à l’assoupissement). Ce n’est pas un outil diagnostique, juste une évaluation, intéressante lors de la première consultation et pour étudier l’évolution de la somnolence sous traitement. Il existe souvent une discordance entre le vécu du malade (qui nie sa somnolence, moins sa fatigue), et les résultats de l’échelle d’Epworth. Ces quatre symptômes doivent être systématiquement recherchés, mais souvent, le patient est incapable de répondre objectivement à ces questions. Le conjoint est alors un allié d’importance. Il (ou elle) rapporte des renseignements précieux qui précisent le diagnostic potentiel (tableau 2). Certains symptômes peuvent être découverts lors d’un interrogatoire moins spécialisé. Ils n’en sont pas moins suggestifs de troubles nocturnes : - la dyspnée (surtout si les épreuves fonctionnelles sont normales, avec souvent hypoxémie modérée inexpliquée), - la toux chronique (avec bilan standard négatif), - l’asthme (chez l’enfant, chez la femme après la ménopause...), - les courbatures matinales, - des malaises (non expliqués après bilan neurologique, cardiaque et ORL complet, suggestifs dans un contexte d’AIT), - les troubles de la libido, - toute symptomatologie cardiaque, surtout à prédominance nocturne (angor, troubles du rythme, HTA, etc.). Les troubles respiratoires pendant le sommeil sont à l’origine de nombreux symptômes, de nombreuses gênes, considérées souvent, mais à tort, par les patients et parfois par les médecins comme non significatifs, voire fonctionnels. Il nous appartient, après une meilleure connaissance de ces symptômes, de ne plus passer à côté de malades qui seraient améliorés, tant sur le plan du confort que de la sécurité, par un traitement adapté. L'examen clinique Un examen clinique, rapide mais complet, peut, avec un peu d’expérience, renforcer l’impression diagnostique de l’interrogatoire. Cet examen ne doit pas prendre plus d’une minute. Il doit rechercher : – une obésité (plus évocatrice si de type androïde), – un score de Mallampati élevé (figure 1), très évocateur, si égal ou supérieur à 3 (le malade ouvre au maximum, sa bouche, langue tirée), – un nez bouché chronique, – un palais de forme « romane » ou « ogivale (figure 2), – un tour du cou > 43 cm chez l’homme, > 39 cm chez la femme, – toute forme d’HTA, surtout diastolique, à prédominance nocturne (MAPA à la recherche de malades non dippers), « essentielle » ou réfractaire à un traitement optimal, – un syndrome métabolique (tour de hanche, bilan biologique… et HTA). Figure 1. Score de Mallampati. Figure 2. Palais « roman ». Ce dépistage clinique, associant interrogatoire et examen, suffit à trier les malades candidats à la pratique d’un examen diagnostique, polygraphique ou polysomnographique. Le premier est un examen simple, suffisant chez un malade adulte typique (c’est-à-dire symptomatique et compliqué), l’autre en introduisant l’enregistrement du sommeil, demande un appareillage et une structure plus complexes, et une formation du praticien plus spécialisée. Les différentes indications de l’un et l’autre de ces examens sont résumés dans le tableau 3. Il est indispensable de rappeler qu’un examen polygraphique négatif, nécessite la pratique d’une polysomnographie chez tout malade symptomatique. La surveillance La surveillance de pathologies aussi graves que celles entraînées par les troubles respiratoires pendant le sommeil nécessite la vigilance de tous les praticiens responsables concernés, du médecin traitant aux spécialistes. Comme de nombreuses pathologies chroniques, l’organisation des soins doit s’articuler autour du malade. Il est impératif de traiter les troubles respiratoires pendant le sommeil, ce qui inclut des thérapies nouvelles comme la PPC ou les orthèses d’avancées mandibulaires, mais aussi de traiter, les complications comme l’HTA, le diabète et autres dyslipémies. Dans le cadre du syndrome des apnées du sommeil, ces dernières années l’équilibre habituel entre le malade, le pneumologue et le prestataire, semblait suffire. L’augmentation permanente (et exponentielle) du nombre de patients, la complexité des modes de ventilation et de leur observance, enfin, l’intrication quasi obligatoire avec d’autres pathologies sévères exigent l’intervention de tous. Il s’agit de pathologies chroniques. Comment peut-on espérer qu’une surveillance rigoureuse d’un malade apnéique et hypertendu soit possible si le pneumologue ne s’assure pas auprès de son collègue cardiologue du bon contrôle de la PA, de jour comme de nuit ? Comment un cardiologue qui prend en charge un malade insuffisant cardiaque peut-il être certain d’être efficace sans avoir vérifié l’existence d’apnées centrales ? Comment proposer une sécurité maximale aux malades avec syndrome métabolique, sans traiter les événements respiratoires pendant le sommeil ? Comment peut-on continuer à surveiller les malades avec des mesures diurnes, en niant les effets nocturnes de la plupart des pathologies chroniques ? Le rôle du cardiologue est donc aussi, capital. Cela impose, pour celui-ci, une meilleure connaissance de ces pathologies nouvelles. Un enseignement obsolète, malgré plus de 30 ans de publications (plus de 20 000 articles) sur le sujet, doit être réformé à tous les niveaux, tant sur le plan universitaire que sur le plan des pratiques de ville. La formation médicale continue propose souvent un enseignement sur le thème du syndrome des apnées du sommeil. Ce sont des formations, généralement basiques, théoriques, peu adaptées à la pratique libérale. On pourrait parler d’information. Il est temps d’insister sur ces formations, qui au mieux devraient être pluridisciplinaires, en FMC, en congrès de toutes spécialités et dans les revues. Des formations pratiques sont indispensables, encore en trop petit nombre. Les réseaux et les parcours de soins ne pourraient être efficaces et cohérents qu’en s’engageant à surveiller et à traiter les patients dès la naissance, et sur tous les fronts. Cela demande, en France, la création d’une véritable médecine du sommeil. La formation alors adaptée permettrait aux médecins concernés de maîtriser les diagnostics et les traitements, mais les engagerait dans les actions de prévention. En soignant un adulte, il est criminel, par méconnaissance, de ne pas dépister ses enfants. Obésité infantile, troubles de la croissance maxillofaciale, sédentarité augmentée, autant de facteurs de notre société moderne, responsables d’augmentation du nombre de nos malades. Il est urgent de s’adapter. Apprenons ensemble à inverser l’évolution de cette pathologie pernicieuse et dramatique !

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