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Insuffisance cardiaque

Publié le 23 mar 2004Lecture 5 min

La prise en charge de l'insuffisance cardiaque il y a 20 ans et aujourd'hui

A. COHEN SOLAL, hôpital Beaujon, Clichy

En 20 ans, non seulement la présentation clinique de l’insuffisance cardiaque a profondément changé, mais son exploration aussi, de même que la prise en charge s’est codifiée.

En 1984 On était insuffisant cardiaque relativement jeune, à 50 ans de moyenne d’âge, en raison d’une valvulopathie non corrigée (il s’agissait alors souvent de sujets d’Afrique du Nord), d’un infarctus du myocarde sévère étendu (on ne parlait pas d’infarctus vu tardivement, les recanalisations par thrombolyse ou angioplastie étaient débutantes, voire d’efficacité discutée) ou plus rarement d’une myocardiopathie. Le diagnostic était fait sur la clinique car les patients arrivaient à un stade souvent avancé : - dyspnée d’effort avec orthopnée et crépitants ; - œdèmes nets des membres inférieurs ; - ascite, tous signes ne prêtant pas trop à discussion.   Les explorations Le cœur était toujours augmenté de volume à la radiographie pulmonaire. L’électrocardiogramme et l’enregistrement Holter montraient souvent des « horreurs » avec de très nombreuses salves de tachycardie ventriculaire. L’exploration essentielle était l’exploration hémodynamique par cathétérisme droit ou gauche. Tout le monde savait réaliser un cathétérisme droit par sonde de Swan Ganz. On savait interpréter une pression capillaire pulmonaire ; on connaissait les limites de la mesure du débit cardiaque par thermodilution par rapport à une méthode de référence comme de celle Fick ou du vert d’indocyanine. Les services spécialisés nous fournissaient des paramètres sophistiqués comme le dp/dt max, la Vmax, la VCF, obtenus grâce à une sonde Millar, voire des paramètres incompréhensibles pour la majorité des cardiologues comme la pente ETS de la relation pression-volume télésystolique… En 1984, l’échocardiographie TM était de pratique courante et l’échocardiographie bidimensionnelle faisait son entrée dans la pratique. Tout patient avait en général une mesure de son diamètre ventriculaire gauche et de son pourcentage de raccourcissement systolique. On s’essayait aux mesures approximatives de la fraction d’éjection en échocardiographie bidimensionnelle. Le Doppler n’existait pas encore et nul n’aurait osé critiquer les données de l’hémodynamique. Il aurait été risible d’envisager faire une épreuve d’effort chez ces patients ! Risqué et sans intérêt… Il n’y avait que 2 ans que l’article de Weber et Franciosa était paru dans Circulation sur l’intérêt d’un test d’effort cardiorespiratoire et aucun service de cardiologie ne disposait d’un appareillage de mesure de la VO2 max.         Les traitements • Le traitement se résumait à la digoxine et au diurétique ; la spironolactone n’était pas discutée. • Les vasodilatateurs étaient à la mode : prasozine, dérivés nitrés, hydralazine. • Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion n’étaient pas encore utilisés (première étude dans l’insuffisance cardiaque chez l’homme en 1979). • Des scandinaves, qui n’avaient probablement pas toute leur raison, rapportaient des résultats favorables avec un traitement bêtabloquant, alors que tout le monde savait bien que ces médicaments étaient dangereux et formellement contre-indiqués… • Tous les patients avaient naturellement des antivitamines K en raison d’un risque majeur de complications thromboemboliques et l’amiodarone ne se discutait pas à chaque fois qu’il existait un trouble du rythme. L’insuffisance cardiaque était une contre-indication formelle à la réadaptation ; il n’était pas imaginable d’implanter un défibrillateur chez des patients au pronostic si réservé (quel gâchis financier !) et la transplantation, en plein essor, représentait la seule alternative thérapeutique en cas d’échec du traitement médical, ce qui était fréquent : près de 500 transplantations annuelles en 1984.   Aujourd’hui, la situation a changé   Le patient a pris 15 ans de plus et c’est souvent une femme. Les patients viennent de partout et inondent les lits de cardiologie comme de médecine. Les symptômes sont plus bâtards : patient qui ne se plaint de rien, essoufflement de cause multifactorielle, œdèmes plus discrets… Un nombre non négligeable de ces patients ont une fonction systolique relativement préservée, fameuse insuffisance cardiaque diastolique, qui n’existait pas dans les manuels de cardiologie il y a 20 ans. Le sens clinique a diminué ; la radiographie pulmonaire est le plus souvent ininterprétable en réanimation et le cœur est souvent de taille normale. Plus personne ne réalise de cathétérisme gauche et nos jeunes cardiologues ne connaissent plus grand-chose à l’hémodynamique. Les indices de fonction systolique sophistiqués ont disparu de notre enseignement et nos collègues coronarographistes, qui se disent « hémodynamiciens », répugnent à réaliser des cathétérismes droits chez nos patients.   Les explorations L’examen roi est devenu l’échocardiographie Doppler, donnant une estimation du volume systolique, des pressions de remplissage, mais également de la fonction musculaire globale et régionale avec le DTI ; l’existence ou non d’un asynchronisme intra- et interventriculaire ; et la réserve contractile par des épreuves de stress… On réalise, sans crainte aucune, un test d’effort cardiorespiratoire chez un patient potentiellement candidat à une transplantation cardiaque. On fait appel à des marqueurs biologiques, comme le dosage du BNP, avec tous les excès auxquels ce type d’attitude peut conduire.   Les traitements Le traitement médical est maintenant codifié par l’evidence based medicine et consiste, comme dans le SIDA ou le cancer, en une véritable polychimiothérapie où les médicaments s’empilent ici les uns sur les autres. La chimiothérapie comporte l’addition successive de diurétiques, d’IEC et de bêtabloquants (en cas de FE basse). La digoxine est discutée au grand dam de nos anciens maîtres. La spironolactone a du mal à retrouver sa place chez des patients prenant des IEC et, comme si cela ne suffisait pas, nous sommes incités à prescrire des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II à tous les patients ! L’amiodarone et les AVK sont moins utilisées. Le nombre de greffons cardiaques a diminué et la transplantation a vu ses résultats stagner. On assiste, en revanche, à des stratégies thérapeutiques nouvelles : - la prise en charge ambulatoire en réseau de soins ; - l’éducation thérapeutique ; - la réadaptation ambulatoire ; - la resynchronisation ventriculaire ; - une utilisation de plus en plus large des défibrillateurs implantables. Le pronostic est amélioré de même que la qualité de vie.   En bref     On ne peut pas dire qu’il y a 20 ans, nous étions à l’âge de pierre. Mais les changements sont notables. Vingt ans après, on assiste à : - l’émergence d’une nouvelle forme d’insuffisance cardiaque avec le vieillissement : la dysfonction diastolique ; - l’éclipse progressive des méthodes invasives au profit des méthodes non invasives pour le diagnostic ; - l’étoffement de l’arsenal thérapeutique pour traiter une maladie dont le pronostic s’est indiscutablement amélioré, mais qui est prise en charge toujours beaucoup trop tard.

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