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HTA

Publié le 18 sep 2007Lecture 5 min

La préhypertension : des malades qui s'ignorent ?

B. WAEBER, CHU Vaudois, Lausanne, Suisse

Le concept de préhypertension a été introduit pour la première fois par des experts américains en 2003, dans les fameuses recommandations sur la prévention, le diagnostic, l’évaluation et le traitement de l’hypertension artérielle aux USA (JNC-7). Il a été créé pour désigner les individus présentant une PAS comprise entre 120 à 139 mmHg et une PAD entre 80 à 89 mmHg. Les experts européens parlent de PA normale haute et non de préhypertension. Les patients hypertendus se distinguent des normotendus par la plus grande fréquence associée des facteurs de risque, qui nécessite une prise en charge prioritairement non médicamenteuse. L’étude TROPHY (Trial of Preventing HYpertension) a permis de s’intéresser à cette population particulière.

La préhypertension : entre normo- et hypertension Les arguments qui ont conduit à proposer cette nouvelle catégorie de sujets ont été revus récemment. L’idée a été d’attirer l’attention sur un sous-groupe de la population à risque cardiovasculaire accru, chez lequel il est possible de prévenir, ou du moins de retarder, le développement d’une hypertension définitive. Les experts européens reconnaissent aussi l’importance de porter une attention particulière aux adultes ayant de manière répétée une pression artérielle allant de 120 à 139 mmHg pour la systolique et 80 à 89 mmHg pour la diastolique. Ils parlent alors de pression artérielle normale «haute » et non pas de « préhypertension ». Cela semble préférable. Poser le diagnostic de préhypertension peut en effet être lourd de conséquences lorsqu’un individu doit fournir un certificat de santé (souscription d’une assurance-vie, obtention d’un crédit bancaire, etc.). Cela peut également inquiéter exagérément certaines personnes et altérer ainsi indûment leur qualité de vie.   Préhypertendu aujourd’hui, hypertendu demain Les études épidémiologiques ont montré que la pression artérielle, tant systolique que diastolique, est en relation directe avec le risque cardiovasculaire, cela à tout âge et chez l’homme comme chez la femme. Plus basse est la pression artérielle, mieux cela vaut sur le plan cardiovasculaire, d’où la difficulté de trancher entre normo- et hypertension artérielle et la logique de créer une catégorie de pression artérielle (« préhypertension » ou pression artérielle normale « haute «) pour les individus se trouvant dans la zone grise entre normo- et hypertension. La prévalence de la « préhypertension » dans la population adulte est très élevée non seulement aux États-Unis (39,7 % chez les hommes et 22,9 % chez les femmes), mais également dans d’autres parties du monde comme à Taïwan (40,2 % chez les hommes et 30,9 % chez les femmes. À relever que la « préhypertension » se rencontre plus fréquemment chez les diabétiques que les non-diabétiques. La prévalence de la « préhypertension » tend à diminuer avec l’âge, parallèlement à une augmentation de celle de l’hypertension. Voilà un élément très important à considérer : présenter un niveau tensionnel dans les limites de la « préhypertension » accroît considérablement la probabilité de devenir hypertendu. La figure 1, tirée des données de l’étude de Framingham, illustre ce fait. L’incidence de l’hypertension (PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg, ou prise de médicaments antihypertenseurs) sur une période de 4 ans s’est avérée beaucoup plus grande chez les sujets étant au départ préhypertendus que chez ceux ayant initialement une pression optimale (<120/80 mmHg), voire normale (120-129 mmHg pour la PAS et/ou 80-84 mmHg pour la PAD). Il est aussi apparu que la progression vers l’hypertension, plus marquée après qu’avant 60 ans, est favorisée par l’obésité et/ou la prise de poids. Figure 1. Incidence de l’hypertension artérielle pendant une période de 4 ans chez des sujets présentant au début du suivi une pression artérielle optimale, normale ou normale « haute » (à partir de la référence). La « préhypertension » : un facteur de risque cardiovasculaire Le risque de développer une complication cardiovasculaire augmente régulièrement en passant d’une pression optimale à une pression normale ou normale « haute » (correspondant à la « préhypertension »). La figure 2 illustre ce fait chez l’homme. L’augmentation du risque associée à la « préhypertension » est manifeste en ce qui concerne l’infarctus du myocarde, mais pas les accidents cérébrovasculaires. Figure 2. Incidence cumulative d’événements cardiovasculaires chez des hommes suivis pendant une période de 10 ans. Les sujets ont été divisés en 3 groupes en fonction de leur niveau tensionnel lors de l’examen initial (à partir de la référence). Les sujets « préhypertendus » semblent avoir une rigidité aortique accrue. L’accélération du processus athéromateux se manifeste aussi chez eux par une augmentation des taux circulants de marqueurs inflammatoires comme la CRP ultrasensible et le TNF-a. En réalité, la « préhypertension » représente plus qu’un simple problème de pression artérielle : les sujets « préhypertendus » ont, en effet, plus souvent que les normotendus un facteur de risque cardiovasculaire associé, en particulier, la prévalence des anomalies caractéristiques du syndrome métabolique. Cela suggéèr que la résistance à l’insuline est un facteur favorisant le passage de la «préhypertension » à l’hypertension établie.   Mieux vaut prévenir que guérir Actuellement, la priorité, dans la prise en charge des malades « préhypertendus », doit être donnée aux mesures non médicamenteuses, notamment un apport limité en sodium alimentaire, une baisse de poids en cas de surcharge pondérale, un exercice physique régulier et une consommation modérée d’alcool. L’adoption d’une hygiène de vie saine est en attendue ralentir le passage de la « préhypertension » à l’hypertension.   Faut-il envisager aujourd’hui d’associer aux mesures non-médicamenteuses un traitement pharmacologique ? L’étude TROPHY publiée récemment donne un premier élément de réponse : l’administration d’un antagoniste de l’angiotensine à des sujets « préhypertendus » a un effet préventif significatif sur le développement de l’hypertension artérielle. Dans cet essai clinique, des sujets « préhypertendus » ont été alloués au hasard du candésartan (16 mg/jour, n = 391) ou un placebo (n = 381), des conseils pour améliorer l’hygiène de vie étant par ailleurs prodigués à chacun. Au terme d’un suivi de 2 ans, 154 sujets dans le groupe placebo étaient devenus hypertendus, contre 53 dans le groupe candésartan (p < 0,001), en l’absence toutefois de différence entre les deux groupes en ce qui concerne l’incidence des effets indésirables.   Faut-il sur la base de ces données prescrire un bloqueur du système rénine-angiotensine à tous les sujets « préhypertendus » ? Répondre affirmativement à cette question serait, bien sûr, prématuré. Les experts d’ailleurs s’accordent sur ce point. Il paraît toutefois justifié d’ores et déjà de bloquer le système rénine-angiotensine chez les sujets « préhypertendus » à haut risque cardiovasculaire, lorsqu’il existe par exemple un diabète, une atteinte rénale ou une coronaropathie. Souvenons-nous, entre autres, de l’étude HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation) !   Que penser du concept de "préhypertension" ?   Certains pensent qu’il est « utile aux marchands, pas aux patients ». Ce n’est pas mon avis et je remercie les laboratoires de nous donner l’occasion de mieux comprendre ce qui se passe dans cette « boîte noire » que constitue la période de développement silencieux de l’hypertension. Les sujets « préhypertendus » méritent d’être pris en charge avec une attention toute particulière sur le plan de leur hygiène de vie. L’étude TROPHY a également permis de montrer de manière prospective que nous devons suivre les sujets « préhypertendus » de manière régulière du fait de leur grande probabilité de devenir hypertendus et qu’ils aient besoin, à un moment ou à une autre, d’un traitement antihypertenseur.

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