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Coronaires

Publié le 13 nov 2007Lecture 9 min

La maladie coronaire du sujet jeune

J.-B. ESTÈVE, J.-P. COLLET et G. MONTALESCOT, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Unité Inserm 856, Paris

La maladie coronaire représente 10 % des patients coronariens. Cette pathologie concerne des sujets dont l’espérance de vie est longue et la mesure de l’épaisseur intima-média (EIM) fémorale pourrait constituer une méthode non invasive efficace dans le dépistage et la prévention cardiovasculaire de cette population.

Si le tabac, omniprésent, et l’hérédité sont les deux facteurs de risque cardiovasculaire les plus importants, nous verrons également que : – l’étude du facteur XIII dans son rôle sur la fibrinolyse endogène est une piste intéressante, – et que le syndrome des anticorps antiphospholipides doit être systématiquement recherché, tant en raison de sa fréquence que de son implication thérapeutique. Par ailleurs, cette pathologie concerne des sujets ayant une espérance de vie longue, dont la prise en charge repose sur deux piliers : – l’éducation du patient, afin d’obtenir un sevrage tabagique indispensable et une observance du traitement, – une prévention secondaire agressive.   Définition et épidémiologie La limite d’âge la plus souvent utilisée dans les études pour définir le jeune coronarien est de 45 ans et semble être un bon compromis : elle permet d’éviter d’avoir de trop faibles effectifs de patients (la pathologie coronaire est d’autant plus rare que les patients sont plus jeunes), et d’éviter également d’inclure des patients présentant une pathologie coronaire athéromateuse « classique ».   Facteurs de risque et prédispositions   Les facteurs de risque classiques Certains registres s’intéressant à l’épidémiologie du syndrome coronaire aigu (SCA) ont permis de faire ressortir de façon significative certaines caractéristiques des jeunes coronariens concernant les facteurs de risque cardiovasculaire classiques : notamment, 85 % des patients de moins de 45 ans admis pour SCA sont des hommes, et en dehors de l’intoxication tabagique omniprésente et l’importance de l’hérédité, les facteurs de risque traditionnels sont rares chez ces jeunes patients. Le tabac : facteur de risque majeur dans cette classe d’âge puisqu’on le retrouve chez plus de 80 % des sujets, contre 55 % chez les plus de 55 ans, et 30 % chez les plus de 85 ans. Si un sevrage tabagique est obtenu chez plus de 90 % de ces jeunes patients au moment de l’entrée dans la maladie, il n’est que temporaire puisqu’après 3 mois, plus de 50 % reprennent un tabagisme actif. L’hérédité coronaire définie par la survenue d’un événement coronaire avant 60 ans chez un parent du premier degré est le deuxième facteur de risque majeur de la maladie coronaire prématurée (figure 1). Figure 1. Hérédité coronaire en fonction de l’âge chez des patients ayant présenté un IDM, d’après Hoit et al. (Hoit BD, Gilpin EA, Henning H et al. Myocardial infarction in young patients : an analysis by age subsets. Circulation 1986 ; 74 : 712-21.). Prédispositions et polymorphisme génétique On ne sait pas à ce jour si la recherche de facteurs génétiques associés à la survenue précoce d’accidents coronaires doit être systématique. De nombreux gènes candidats codant pour des protéines de l’hémostase et de la fibrinolyse ont une contribution significative dans le déterminisme d’un phénotype intermédiaire prothrombotique (études des jumeaux en particulier). Cela est d’autant plus important que la physiopathologie de ces accidents thrombotiques aigus de la maladie coronaire du sujet jeune est caractérisée par une forte masse thrombotique et peu de lésions coronaires. La plus grande enquête sur la prédisposition génétique est rétrospective, et a porté sur 1 210 sujets jeunes ayant survécu à un infarctus qui ont été appariés sur l’âge et le sexe à 1 210 sujets sains (Circulation 2003, 107 : 1117-22). Globalement, le résultat est assez neutre et seul le polymorphisme du facteur XIII, impliqué dans la stabilisation de la fibrine semble être une piste intéressante. Ceci est conforté par le fait que ce même facteur XIII a été démontré comme étant un facteur prédictif indépendant de la résistance à la fibrinolyse initiée à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde (figure 2). Figure 2. Le polymorphisme génétique de 1 210 patients de moins de 45 ans ayant survécu à un SCA est comparé à une population témoin constituée de 1 210 patients sains de mêmes âge, sexe et ethnie. (Circulation 2003 ; 107 : 1117-22). Ces données sont parfaitement cohérentes avec la récente démonstration que la maladie coronaire du sujet jeune est caractérisée par une altération de l’architecture de la fibrine (diminution de l’élasticité, augmentation de la densité du réseau), responsable d’une hypofibrinolyse endogène. Le déterminant génétique de cette fibrine anormale et de cette fibrinolyse anormale est encore le polymorphisme du facteur XIII (Val34Leu) (Arterioscler Thromb Vasc Biol 2006, 26 : 1914-9) (figure 3). Figure 3. Architecture de la fibrine obtenue au microscope électronique chez un patient sain (à gauche), et chez un jeune patient ayant présenté un SCA (au milieu). Les concentrations plasmatiques sont identiques. Reconstruction en 3D à droite. Le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) Le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL), défini par l’association d’un événement thrombotique clinique (thrombose veineuse ou artérielle, fausses couches spontanées répétées dans les 10 premières semaines de grossesse) et la présence soit d’un anticorps anticardiolipine soit d’un anticoagulant lupique circulant (objectivé à deux reprises à 6 mois d’intervalle) doit être recherché systématiquement. En effet, on sait que le risque d’infarctus du myocarde est augmenté, et le pronostic aggravé, en présence d’anticorps antiphospholipides chez des pa-tients d’âge moyen ou élevé. Chez les jeunes coronariens, des données préliminaires indiquent une prévalence 3 fois supérieure du SAPL, soit près d’un quart de nos coronariens jeunes. La recherche de SAPL chez des coronariens de moins de 45 ans semble donc légitime en raison de sa fréquence et de ses implications pronostiques qui justifient une prise en charge thérapeutique particulière et plus agressive par une anticoagulation efficace seule.   En résumé La maladie coronaire du sujet jeune constitue un modèle physiopathologique de thrombose où la contribution respective de l’effet de l’environnement et des gènes est particulièrement évidente. Les facteurs de risque mais aussi les découvertes physiopathologiques les plus récentes l’attestent parfaitement. Des études plus pointues à l’aide des techniques de génotypage à très haut débit devraient permettre d’y voir plus clair très rapidement et de valider certaines hypothèses physiopathologiques. Ce qu’il faut retenir : Se battre pour obtenir le sevrage du tabac et rechercher un SAPL : il s’agit en effet, en dehors du traitement de prévention secondaire, des seuls leviers de pouvoir ayant un impact pratique majeur établi.   Présentation clinique La maladie coronaire du sujet jeune a une présentation clinique assez caractéristique, avec un syndrome coronaire aigu inaugural dans 65 % des cas et un sus-décalage du segment ST dans 2 cas sur 3.   Caractéristiques angiographiques Les coronarographies normales (14 à 20 % chez le jeune coronarien contre 1 à 4 % dans la population générale) et les atteintes monotronculaires sont les plus fréquentes chez le jeune coronarien (figure 4). Figure 4. Distribution des lésions coronaires chez le patient de moins de 40 ans, d’après Fournier et al. Des angioscanners coronaires réalisés chez des patients après un IDM et ayant des coronarographies subnormales montraient la présence de plaques athéromateuses importantes jugées responsables de l’événement coronaire chez la plupart des patients (résultats vérifiés par échographie endocoronaire), montrant ainsi que la luminographie ne permet pas de détecter une maladie infraclinique au départ. Ainsi, la normalité des coronarographies, plus fréquemment observée chez les jeunes patients, n’implique pas l’absence de maladie coronaire sous-jacente.   Prise en charge et traitement Le registre GRACE (n = 24 165) a montré les disparités de prise en charge du SCA en fonction de l’âge. Les traitements agressifs de la phase aiguë (thrombolyse, anti-GPIIb/IIIa, aspirine) mais aussi les traitements de prévention secondaire (bêtabloquants et statines) sont plus souvent utilisés chez les jeunes patients, à l’inverse des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des inhibiteurs calciques. De la même façon, les patients jeunes ont plus souvent bénéficié que leurs aînés des traitements de reperfusion invasifs. Cela, associé à des délais de prise en charge plus courts, en partie expliqués par une symptomatologie plus typique, à des comorbidités plus rares et à un meilleur état général de cette population plus jeune, explique sa meilleure survie intra- et extrahospitalière. L’observance du traitement constitue un véritable point d’achoppement. Il s’agit d’un traitement à vie d’une maladie chronique révélée précocement chez des patients ayant une espérance de vie longue. Environ 50 % des patients n’observent plus correctement leur traitement 6 mois après son instauration. Le défaut d’éducation et la minimisation de l’accident en sont les principaux responsables. Par ailleurs, il s’agit d’une population qui reste fortement dépendante du tabac, puisque 70 % des patients ayant présenté un SCA continuent de fumer. La question de la gestion du traitement antiagrégant plaquettaire se pose donc naturellement : faut-il maintenir une bithérapie compte-tenu de la poursuite de l’exposition au tabac ? Faut-il maintenir l’antiagrégant le plus puissant compte-tenu de la meilleure tolérance dans cette tranche d’âge et du stimulus thrombogène plus puissant ?   Pronostic Le pronostic des patients jeunes après un infarctus est classiquement bon, à court et moyen termes. À long terme, seule une étude prospective réalisée par Fournier et coll. a montré un taux de mortalité à 15 ans de 25,5 %, imputable à la maladie coronaire, chez les moins de 45 ans avec une mortalité à long terme significativement plus basse chez les patients thrombolysés (11 vs 29 %). De façon intéressante, la dysfonction ventriculaire gauche (FE < 45 %) et l’atteinte artérielle des membres inférieurs constituaient les deux facteurs prédictifs de la survie à 15 ans. Ces résultats confortent la nécessité d’une prévention secondaire agressive sur le long terme chez ces patients dont l’espérance de vie est importante.   Cas de la femme jeune Dans cette classe d’âge, la proportion de femmes est faible. Le pronostic après un IDM est plus péjoratif chez la femme jeune que chez l’homme dans la même classe d’âge, avec un taux de mortalité au septième jour deux fois supérieur à celui de l’homme chez les jeunes femmes de moins de 50 ans. Cela peut s’expliquer par une présentation clinique et électrocardiographique plus fruste et souvent plus grave, une prise en charge moins agressive en phase aiguë, un plus grand nombre de complications aiguës, en particulier liées aux traitements antithrombotiques, et l’importance de la prédisposition génétique (plus grande fréquence d’antécédents familiaux).   Dépistage et prévention : intérêt de l’EIM Le dépistage précoce de cette population à risque est un autre élément essentiel. Il est bien établi que l’accumulation des facteurs de risque constitue un facteur majeur de survenue d’événements cardiovasculaires. Cependant, nous manquons d’outils fiables, en particulier chez les jeunes fumeurs, pour identifier ceux qui vont faire un événement cardiovasculaire. Il a été récemment démontré que, chez ces patients, la mesure de l’EIM (épaisseur intima-média), en particulier au niveau fémoral, est un excellent marqueur de substitution de l’existence d’une athérosclérose précoce chez le sujet jeune sain. La Bogalusa Heart Study a montré que l’EIM chez le sujet jeune sain est proportionnelle au nombre de facteurs de risque cardiovasculaire. Cependant, il n’existe pas de données chez les jeunes coronariens. Notre groupe a récemment montré que la mesure de l’EIM fémorale est un facteur indépendant de la maladie coronaire prématurée, à l’inverse de l’EIM carotidien. Cette étude a été conduite chez de jeunes coronariens appariés à des sujets sains sur l’âge, le sexe et le tabagisme. Il est apparu que l’aspect de la fémorale en échographie pourrait mimer la maladie coronaire. Ces résultats suggèrent que, dans une population jeune à haut risque cardiovasculaire, l’EIM fémorale pourrait être un bon indicateur de la maladie coronaire et qu’elle pourrait constituer ainsi une méthode non invasive efficace dans le dépistage et la prévention cardiovasculaire de cette population. Cela reste à démontrer de façon prospective. Figure 5. Intérêt de la mesure de l’EIM carotidenne et fémorale chez le jeune coronarien. Figure 6. Mesure de l’EIM carotidienne par échographie. En pratique   La maladie coronaire du sujet jeune est rare, et touche l’homme dans plus de 80 % des cas. Tabagisme et hérédité sont les deux facteurs de risque les plus importants. La recherche d’anticorps antiphospholipides doit être systématique en raison de sa fréquence et de ses implications thérapeutiques. C’est à la fois une maladie de l’environnement et une maladie héréditaire. La symptomatologie est plus typique avec le plus souvent un syndrome coronaire aigu inaugural avec sus-décalage du segment ST. Le délai de prise en charge est plus court et la thérapeutique initiale plus agressive que chez les coronariens plus âgés. Les coronarographies normales sont fréquentes.  Le pronostic à court et moyen termes est bon, mais plus réservé à long terme. Le pronostic est plus mauvais chez la femme que chez l’homme. L’évaluation échographique de l’EIM fémoral chez des jeunes sujets sains présentant plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire devrait pouvoir permettre de stratifier le risque coronarien de ces patients.

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