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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 21 fév 2006Lecture 5 min

La fibrillation auriculaire paroxystique du sujet jeune

J.-F. LECLERCQ, C.M.C. de Parly II, Le Chesnay

Un patient âgé de 45 ans, sans antécédents notables, consulte car depuis plusieurs mois, il a des battements de cœur forts et rapides, survenant habituellement la nuit. Ces palpitations le réveillent et durent jusque vers 9 ou 10 h du matin. Il n’a pas de douleurs thoraciques.

Observation Un patient âgé de 45 ans, sans antécédents notables, consulte car depuis plusieurs mois, il a des battements de cœur forts et rapides, survenant habituellement la nuit. Ces palpitations le réveillent et durent jusque vers 9 ou 10 h du matin. Il n’a pas de douleurs thoraciques. À l’examen, le cœur est normal, la pression artérielle est à 140/90 mmHg. L’électrocardiogramme est dans les limites de la normale. Le Holter de 24 h confirme le diagnostic de fibrillation auriculaire paroxystique en montrant un démarrage nocturne vers minuit, précédé par un ralentissement progressif de la fréquence sinusale. L’échocardiographie est normale. Notamment, l’oreillette gauche mesure 39 mm en antéro-postérieur. La fonction VG est normale. Il s’agit donc d’une fibrillation auriculaire (FA) sur cœur sain. L’interrogatoire révèle que le patient a un passé sportif récent important avec athlétisme pratiqué de 16 à 37 ans, essentiellement des courses d’endurance. Actuellement, il court encore deux fois par semaine une à deux heures. Ordonnance • Limiter les boissons alcoolisées à deux verres de vin par jour. • Limiter la pratique sportive à la gymnastique et à un jogging de 15-20 minutes par semaine, sans minutage. Interdiction formelle de faire du sport en arythmie : vérifier la cadence et la régularité du pouls avant l’effort avec un cardiofréquencemètre. • Flécaïne LP 100 mg, 1 cp/j. • Aspirine 330 mg/j.   Commentaires   Activité sportive Cette FA paroxystique survient sur cœur normal chez un sujet < 50 ans. Elle est à déterminisme vagal, ce qui est habituel. Elle est favorisée par deux éléments à prendre en considération : • l’activité sportive de type endurance, particulièrement génératrice d’une hypervagotonie, • la pression artérielle limite pour l’âge. Un tonus vagal important va favoriser la répétition des accès d’arythmie. C’est pourquoi une modération de l’activité physique est souhaitable. Une activité physique modérée est toutefois conseillée à ce patient, compte-tenu de sa pression artérielle trop élevée. Il est très important d’expliquer au patient que plus il fera de sport de façon prolongée, plus il augmentera son tonus vagal et plus il aura de crises. Enfin, d’exceptionnelles observations de mort subite pendant l’effort en cours de FA ayant été décrites, même sur cœur sain, il faut lui expliquer qu’il doit prendre les moyens de vérifier que son rythme est normal avant d’entreprendre son exercice favori. Figure. Enregistrement Holter d’une FA démarrant vers minuit. Noter le ralentissement préalable du rythme sinusal. Les excès d’alcool, en particulier l’alcoolisation aiguë, sont très connus comme étant générateurs d’accès de fibrillation auriculaire dans la nuit qui suit. Ce « holiday heart » des Anglais peut se voir même chez nous… C’est le seul facteur de risque environnemental démontré pour la fibrillation auriculaire. Le flécaïnide acétate, en raison de ses propriétés de classe III, sa bonne tolérance à long terme et sa cinétique d’action longue, est le traitement antiarythmique de choix chez un patient jeune à ECG normal. La forme retard permet d’avoir une couverture optimale. Le seul effet secondaire sérieux que l’on peut redouter est le passage en flutter 1/1. Cela paraît peu vraisemblable mais néanmoins possible chez ce patient dont la fréquence ventriculaire moyenne est de 130/min la nuit en arythmie. On peut imaginer qu’à l’effort maximal, il puisse conduire à 200/min. C’est une raison supplémentaire pour interdire le sport en période d’arythmie. La prescription d’aspirine à petite dose à visée antithrombotique est justifiée car le risque embolique est très faible chez ce patient jeune à oreillette gauche de taille normale. Une faible dose est celle dont l’efficacité a été démontrée dans des études contrôlées. Y a-t-il des alternatives thérapeutiques ? Oui, bien sûr. La prescription la plus discutable est certainement celle de l’aspirine. On peut ne pas donner d’antithrombotique en se disant que le risque embolique est tellement faible qu’aucun traitement au long cours ne se justifie. Et on peut envisager de prescrire une HBPM sous-cutanée si la crise de FA dépasse 12 h (délai à partir duquel apparaissent des modifications de l’hémostase). La prescription d’un antihypertenseur se discute, particulièrement celle d’un sartan : ces produits ont montré un intérêt dans la prévention de la FA dans plusieurs circonstances, mais il n’y a pas d’étude contrôlée dans ce cadre précis de la FA paroxystique juvénile. Ce serait logique dans la mesure où l’on sait que le facteur déterminant essentiel de la FA chez les sujets à cœur sain est l’augmentation de la rigidité du ventricule gauche. Un sartan ou un IEC peut permettre de limiter l’impact de ce facteur qui retentit sur l’oreillette gauche. Diminuer le tonus vagal ne peut guère s’obtenir que par la modification des habitudes sportives. En particulier, les médicaments vagolytiques sont mal tolérés chez l’adulte et se révèlent inutilisables au long cours. On peut prescrire un autre antiarythmique : • le disopyramide par exemple, qui est surtout intéressant par son effet secondaire vagolytique. Mais il est souvent moins bien toléré et nécessite deux prises quotidiennes, même avec la forme retard ; • la propafénone, elle, en nécessiterait trois et, de plus, est peu efficace sur les arythmies vagales, probablement en raison de son effet bêta-freinateur ; • quant à l’amiodarone, elle paraît exclue en première intention chez ce sujet jeune, compte tenu de la grande fréquence de ses effets secondaires à long terme ; • enfin, donner un bêtabloquant associé est envisageable dans le but de limiter la fréquence ventriculaire en cours de crise, mais ce serait probablement très mal toléré chez ce sportif ; • seuls le vérapamil ou le diltiazem paraissent éventuellement utiles. La technique d’ablation par radiofréquence dans l’oreillette gauche est la véritable alternative thérapeutique chez ce sujet jeune. Dans la FA paroxystique, les résultats sont bons avec un geste relativement simple qui est l’isolement des 4 ostia des veines pulmonaires. Pourquoi ne pas le proposer d’emblée ? Ce serait, en l’état actuel de nos connaissances, abusif chez un patient qui n’a jamais été traité, en l’absence de recul à long terme de cette technique récente. Mais cela changera très certainement dans les années qui viennent…

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