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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 avr 2008Lecture 5 min

La FA : savoir prescrire les AVK

J.-Y. LE HEUZEY, K. CHACHOUA, A. LEPILLIER, X. WAINTRAUB, F. MONSEL, T. LAVERGNE et M. PORNIN, HEGP, Paris

En l’état actuel des connaissances, les conséquences thérapeutiques d’une constatation de fibrillation atriale (FA) asymptomatique sont relativement claires : aucun traitement à visée antiarythmique, voire même ralentisseur, n’est indiqué si la fibrillation n’est pas trop rapide ; en revanche, la présence éventuelle de facteurs de risque thromboembolique impose l’anticoagulation selon les mêmes règles que pour une fibrillation symptomatique. Au-delà de ces considérations peu discutables, se pose un grand nombre de questions, principalement sur la signification pronostique de la FA asymptomatique.

Définition de la FA asymptomatique, ou silencieuse On entend par FA asymptomatique ou silencieuse une fibrillation non associée aux symptômes habituels que sont les palpitations, la dyspnée, les vertiges, l’intolérance à l’effort, la douleur thoracique ou la syncope. On peut rattacher à cette notion de FA asymptomatique les fibrillations non ressenties par le patient mais révélées par une complication au premier rang desquelles figure l’accident vasculaire cérébral ischémique. On peut observer des épisodes silencieux sur un électrocardiogramme systématique, un enregistrement Holter ECG ou un enregistreur d’événements type R test, une transmission transtéléphonique ou un dispositif implantable avec mémoire comme le Reveal®, un stimulateur cardiaque avec mémoires Holter ou un défibrillateur.   Données épidémiologiques Elles sont excessivement difficiles à réunir, principalement du fait du caractère asymptomatique de la fibrillation. Dans un registre canadien publié en 1996, environ 20 % des patients étaient asymptomatiques au moment de la découverte de leur FA. Dans l’étude prospective de Kopecky (1987) sur la FA isolée, environ un quart des patients ne rapportaient aucun symptôme. Dans l’étude ALFA réalisée par S. Lévy, 5 % des fibrillations paroxystiques étaient asymptomatiques, de même que 16 % des fibrillations permanentes. Dans une étude faite par F. Roche en 2002 avec un système R test, à peu près la moitié des patients victimes de fibrillation paroxystique étaient asymptomatiques. Sur les mémoires Holter de stimulateur, dans l’étude AIDA, P. Defaye en 1998 avait constaté qu’environ 20 % des patients avaient des troubles du rythme supraventriculaire méconnus et asymptomatiques. Un certain nombre de patients victimes d’épisodes de FA ont à la fois des épisodes symptomatiques et des épisodes asymptomatiques. Cela a été constaté dans de nombreuses études. Après une cardioversion, dans l’étude PAFAC réalisée en 2004 par nos collègues allemands, on constate que 70 % des épisodes de première récidive après la cardioversion sont asymptomatiques. Dans les suites de l’ablation par radiofréquence on sait aussi, si l’on effectue par exemple des enregistrements transtéléphoniques, qu’un grand nombre de patients vont être victimes de rechutes asymptomatiques.   Quelle est la signification de ces épisodes de FA asymptomatique et la conduite à tenir ? On sait donc que la FA peut être d’emblée asymptomatique, qu’elle peut être à la fois symptomatique et asymptomatique chez le même patient et qu’enfin un certain nombre de malades dont la fibrillation va récidiver le feront d’abord ou seulement sur un mode asymptomatique. Un certain nombre de problèmes se posent une fois que l’on a considéré ces points comme acquis : faut-il alors ne jamais arrêter les anticoagulants, quelle est l’efficacité réelle des antiarythmiques dans le maintien du rythme sinusal, l’existence d’épisodes asymptomatiques doit-elle nous amener à modifier la stratégie préventive ?   Attitude vis-à-vis du risque thromboembolique Concernant les anticoagulants, la fibrillation asymptomatique n’est ni plus ni moins emboligène que la fibrillation symptomatique. Toute la problématique est donc de traiter les patients par antivitamines K s’il existe des facteurs de risque thromboembolique. On considère que les antivitamines K s’imposent s’il existe un facteur de risque considéré comme élevé ou plus d’un facteur de risque modéré. Les facteurs de risque modérés sont : • l’âge > 75 ans, • l’hypertension artérielle, • le diabète, • l’insuffisance cardiaque, • une fraction d’éjection ≤ 35 %. Sont considérés comme facteurs de risque élevés : • la présence d’un accident vasculaire cérébral ou d’un accident ischémique transitoire préalable, • des antécédents d’embolie systémique, • une sténose mitrale • et bien entendu les prothèses valvulaires mécaniques. On peut rappeler ici qu’un grand nombre des accidents vasculaires cérébraux observés dans les études AFFIRM et RACE l’ont été chez des patients pour lesquels l’INR était < 2 ou pour lesquels l’anticoagulation avait été stoppée du fait du rétablissement du rythme sinusal.   Attitude concernant le traitement antiarythmique La plupart des essais thérapeutiques qui ont testé les antiarythmiques dans le maintien du rythme sinusal étaient basés sur une surveillance électrocardiographique ponctuelle. Le critère d’efficacité était un électrocardiogramme en rythme sinusal à la date choisie. Il faut préciser ici que s’il est tentant de considérer que moins il y aura d’épisodes de fibrillation auriculaire, meilleur sera le pronostic, il n’a jamais été clairement démontré que le fait de supprimer les épisodes asymptomatiques, notamment par des médicaments antiarythmiques, améliorait le pronostic. C’est une démonstration qu’il aurait été nécessaire de faire, mais qui n’a pas pu être réalisée pour le moment. Actuellement, compte tenu des données concernant la survie dans les études AFFIRM et AF-CHF qui ne montrent pas de différence significative selon que la stratégie de contrôle du rythme ou de contrôle de la fréquence a été choisie, on a de plus en plus tendance à faire des choix de thérapie principalement antiarythmique (au sens large, en incluant les procédures ablatives), sur des critères de symptomatologie. La question que l’on peut se poser est de savoir si la mise en évidence de ces épisodes silencieux doit faire reconsidérer cette attitude. C’est possible, mais pour le moment il n’y a aucune preuve scientifique que c’est bien la voie qu’il faille choisir. L’analyse a posteriori de l’étude AFFIRM qui montre que le rythme sinusal est un facteur de bon pronostic pousse bien entendu à un maintien du rythme sinusal mais il faut que ceci puisse se faire sans facteur iatrogénique supplémentaire, qu’il s’agisse des complications apportées par les médicaments antiarythmiques ou par les méthodes ablatives.   En pratique   Les épisodes de FA silencieux sont fréquents au sein d’une population de patients souffrant de cette arythmie. Ils incitent au respect des règles de prescription des anticoagulants fondés sur la présence de facteurs de risque thromboembolique plutôt que sur l’histoire clinique et la fréquence des récidives mises en évidence. Ils devraient être pris en compte dans les études évaluant l’efficacité des différentes stratégies de prévention de la FA mais actuellement, l’attitude vis-à-vis de ces épisodes dans la pratique clinique reste à définir. L’anticoagulation est la règle s’il y a des facteurs de risque thromboembolique, mais concernant les traitements à visée antiarythmique la symptomatologie doit dicter la conduite à tenir ; si le patient est totalement asymptomatique, il n’y a pas de raison d’envisager une telle thérapie. Seule l’option d’utilisation de médicaments ralentisseurs peut être proposée si la FA est rapide (ce qui est rarement le cas) pour éviter l’évolution vers la cardiomyopathie rythmique.

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