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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 sep 2010Lecture 7 min

La FA en 2010 : un défi persistant, des nouveautés qui vont marquer

S. S. BUN et J.-C. DEHARO, CHU La Timone, Marseille

Le Printemps de la cardiologie

La fibrillation atriale (FA) pourrait se résumer en 2010 par l’acronyme DDDR.
D comme Défi tout d’abord, au niveau de sa prise en charge (médico-économique), au vu de l’épidémiologie galopante à laquelle les cardiologues et autres praticiens vont se trouver confronter. D comme Dabigatran, nouvel anti-thrombotique, bientôt disponible sur le marché français. D comme Dronedarone, nouvel anti-arythmique dont la sortie est également imminente. R comme Radiofréquence, approches ablatives sur lesquelles nous ferons un point pour terminer.

Un défi : épidémiologie galopante La FA est l’arythmie soutenue la plus fréquente dans la population générale (0,7 %) puisqu’elle n’atteint pas moins de 5 % de la population de plus de 65 ans et 20 % des patients de plus de 80 ans. La prévalence de la FA est en très forte augmentation, concernant 7 à 800 000 patients en France, certaines prévisions américaines projetant plus qu’un doublement d’ici 2020. Cette évolution est évidemment liée au vieillissement de la population, mais pas seulement, étant donné que sa prévalence est en hausse dans toutes les tranches d’âge. Ceci peut éventuellement être expliqué par la progression de certaines comorbidités favorisant sa survenue, comme l’obésité ou encore le syndrome d’apnées du sommeil. La FA est responsable d’une augmentation de la mortalité totale, des évènements CV parmi lesquels notamment les AVC. L’étude COCAF avait permis de montrer que la FA coûte environ 2,5 milliards d’euros par an en France, 50 % de ces coûts correspondant aux hospitalisations. La FA constitue bel et bien un défi en termes de prise en charge pour nous, cardiologues, mais également pour toutes les spécialités médicales : gériatres, urgentistes, neurologues... Défi enfin sur un plan purement économique avec la nécessité de développer des stratégies et thérapeutiques plus efficaces et si possible moins onéreuses. Dabigatran Cette année va être incontestablement marquée par une avancée majeure dans le domaine de la prévention thrombo-embolique dans la FA. Un nouvel inhibiteur direct de la thrombine, le dabigatran etexilate (Pradaxa), a montré une non-infériorité, voire une supériorité sur la warfarine avec une réduction significative des AVC emboliques et hémorragiques et une baisse significative des hémorragies dans l’étude RELY (Randomized Evaluation of Long term Anticoagulant Therapy), publiée dans le New England Journal of Medicine1. Cette dernière est une étude multicentrique prospective et randomisée, de non-infériorité comparant le dabigatran (deux groupes avec deux posologies différentes à 110 mg ou 150 mg en 2 prises quotidiennes), à un groupe traité par warfarine avec INR cible compris entre 2 et 3. C’est un total de 18 113 patients qui ont été randomisés entre ces trois groupes (6 000 patients dans chaque bras), avec un score de CHADS moyen de 2 : > 75 ans, ≥ 65 ans avec diabète, antécédent d’AVC, FeVG < 40 % avec en classe II au moins de la NYHA, hypertension artérielle, pathologie coronaire prouvée. L’objectif principal évalué portait sur le délai avant la survenue d’un premier évènement, AVC ou embolie systémique. Les objectifs secondaires portaient sur des critères composites : AVC, embolies systémiques, décès, embolie pulmonaire, IDM, décès cardiovasculaires et hémorragiques. Le dabigatran 150 mg s’est révélé plus efficace que la warfarine en réduisant de 34 % la survenue d’AVC, sans majorer le risque hémorragique par rapport à la warfarine. Le dosage à 110 mg a démontré de manière significative une efficacité identique à la warfarine avec un profil de sécurité supérieur à la warfarine. En effet, le pourcentage d’AVC et d’embolies systémiques était de 1,69 % par an dans le bras warfarine, 1,53 % par an dans le bras dabigatran 110 mg (p < 0,001 pour la non-infériorité) et 1,11 % par an dans le bras ayant reçu 150 mg de dabigatran (p < 0,001 pour la supériorité). La fréquence des AVC hémorragiques a été de 0,38 % par an sous warfarine, contre 0,12 % sous dabigatran 110 mg (p< 0,001) et 0,10 % par an sous dabigatran 150 mg (p < 0,001). Le résultat ayant le plus marqué les esprits des spécialistes est incontestablement l’effondrement des saignements intracrâniens sous dabigatran 110 mg, 0,23 % et dabigatran 150 mg, 0,30 % vs warfarine 0,74 %. Enfin, le taux de mortalité cardiovasculaire est diminué de manière significative avec le dabigatran 150 mg (2,28 % vs 2,69 % dans le groupe warfarine et 2,43 % dans le groupe dabigatran 110 mg).   Dronedarone L’autre fait marquant de l’année 2010, sera l’arrivée d’un nouvel anti-arythmique, la dronedarone (Multaq®). Un nouvel anti-arythmique n’avait pas vu le jour depuis bien des années. Il est indiqué pour le traitement de la FA, qu’il s’agisse du maintien du rythme sinusal et/ou du contrôle de la fréquence ventriculaire. Cette molécule a donné lieu à la première étude de morbi-mortalité dans la FA : l’étude ATHENA, portant sur 4 628 patients de plus de 70 ans, atteints de comorbidités multiples. Il en ressort que, par comparaison à un placebo, la dronedarone réduit de 24 % le critère primaire d’évaluation, combinant les hospitalisations pour cause cardiovasculaire et la mortalité toutes causes. La mortalité CV est réduite de 29 % et les hospitalisations pour cause CV de 35 %. Une analyse post-hoc indique également une diminution de 34 % du risque d’AVC, indépendamment du traitement par AVK administré de façon comparable dans les 2 groupes. La tolérance de la dronedarone semble meilleure que celle des anti-arythmiques actuels avec une incidence de 3 % d’effets indésirables liés au traitement, essentiellement des effets digestifs. Le taux d’évènements indésirables graves a été identique dans les groupes recevant la dronedarone et le placebo et le taux d’arrêt de traitement de 12,7 % dans le groupe traité vs 8,1 % dans le groupe placebo. La dronedarone est indiquée chez les patients en FA sans cardiopathie, coronariens ou hypertendus. À noter toutefois une restriction d’utilisation, attendue en raison des résultats de l’étude ANDROMEDA réalisée chez des insuffisants cardiaques récemment décompensés de stade III ou IV avec fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 35 %3.C’est pourquoi la dronedarone est contre-indiquée chez les patients présentant des conditions hémodynamiques instables de stade III ou IV de la NYHA. L’étude DIONYSOS à paraître, a comparé l’efficacité et la tolérance de la dronedarone et de l’amiodarone. Le taux de récidive de FA était significativement plus bas dans le groupe amiodarone (24,3 %) que dans le groupe dronedarone (36,5 %), mais les patients sous amiodarone ont tendance à interrompre leur traitement plus souvent que ceux traités par dronedarone, en raison des effets indésirables. On est alors en droit de se demander si les anti-arythmiques de classe I ne vont pas tout simplement céder leur place au profit de la dronedarone. La dronedarone à 400 mg, en 2 prises, comporte des contreindications classiques telles que l’insuffisance hépatique sévère et l’insuffisant rénal avec clairance < 30 mL/min, les BAV des second et troisième degrés ainsi que les maladies de l’oreillette non appareillées, et bradycardies < 50/min. Attention au risque de torsade de pointe, et d’interaction avec les inhibiteurs puissants du cytochrome P450. Nécessité enfin de doser la créatininémie une semaine après l’initiation du traitement.   L’ablation par radiofréquence et/ou la cryothérapie Cela fait plus de 10 ans maintenant que la technique a été décrite pour la première fois. L’indication d’ablation de la FA est indiscutable selon les recommandations actuelles de l’ESC/ACC/AHA, dans sa forme paroxystique, en deuxième ligne, après échec d’un seul antiarythmique. Sa place est moins précise dans les formes persistantes et permanentes4. Les derniers travaux prospectifs réalisés dans ce domaine, incluent notamment l’étude A4, étude randomisée et contrôlée, comparant une stratégie d’ablation de la FA après échec d’au moins un traitement antiarythmique versus une stratégie médicamenteuse anti-arythmique5. L’objectif principal était l’absence de récidive de FA (documentée ou rapportée par le patient durant au moins 3 minutes) dans les 4 à 12 mois suivant l’inclusion. Un total de 112 patients a été randomisé. Après un an de suivi, 13 des 55 patients (23 %) dans le groupe traitement médicamenteux et 46 des 52 patients (89 %) dans le groupe ablation n’avaient pas présenté de récidives de FA (p < 0,0001). À noter toutefois que pour aboutir à ce résultat, les patients bénéficiaient de 1,8 ± 0,8 procédures par patient. Les paramètres de qualité de vie, de capacité d’exercice et de symptôme étaient améliorés dans le groupe ablation comparativement au groupe antiarythmique. Cette étude confirme les données d’études antérieures sur des patients relativement jeunes avec des techniques ablatives pratiquées par des équipes très entraînées et avec de fréquentes reprises d’ablation, la médiane étant à 2. On ne peut toutefois conclure de façon trop hâtive devant des études à faible effectif, et avec un faible recul. La méta-analyse de Calkins et al. publiée en 2009 met en évidence un taux de succès de 71 % après plusieurs procédures, à comparer avec 52 % sous antiarythmiques, avec un taux de complications plus élevé, mais moins sévères que pour l’ablation6. Le registre international dirigé par R. Cappato et al. a montré une efficacité de 80 % après 1,3 procédure (20 825 procédures chez 16 309 patients) avec un taux de complications de 4,5 %7. Il persiste des questions non encore résolues concernant l’effet de l’ablation sur la mortalité, l’incidence des accidents thrombo-emboliques et la possibilité de proposer une stratégie invasive de première intention. Sur ce dernier point, l’étude CABANA devant inclure 3 000 patients dans le monde, devrait permettre de répondre à la question d’ici 2 à 3 ans.   En pratique L’actualité sur la FA en 2010, c’est avant tout l’association à venir Dronedarone + Dabigatran pour les patients atteints de FA non valvulaire avec CHADS ≥ à 1, s’ils ne sont pas porteurs d’une insuffisance cardiaque décompensée, c’est-à-dire en stade III ou IV de la NYHA. De nombreuses questions pratiques vont se poser à l’usage : cardioversions électriques, passage des AVK au Dabigatran, patients très âgés sous Dabigatran, hématomes sous Dabigatran, gestion des troubles digestifs sous Dronedarone. L’ablation de la FA conserve une place de choix dans l’arsenal thérapeutique chez les patients, idéalement jeunes avec peu de comorbidités, et toujours symptomatiques sous traitement anti-arythmique pour une FA paroxystique ou persistante.

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