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Insuffisance cardiaque

Publié le 06 mar 2007Lecture 8 min

L'insuffisance cardiaque du diabétique

P. GIBELIN, CHU de Nice

Le diabète et l’insuffisance cardiaque (IC) sont deux pathologies dont la très grande fréquence les classe dans le domaine de la santé publique. En effet, selon les études, 15 à 35 % des sujets insuffisants cardiaques présenteraient un diabète, et inversement l’insuffisance cardiaque serait plus fréquente chez le patient diabétique.

Fréquence   Du diabète dans l’IC L’analyse a posteriori de données issues de diverses études randomisées montre la grande fréquence du diabète en cas d’insuffisance cardiaque systolique : • 26 % dans l’étude SOLVD (Study Of Left Ventricular Dysfunction), • 19 % dans ATLAS (Assessment of Treatment with Lisinopril And Survival). Dans les études issues de registres, tel Epical, la fréquence retrouvée est de 26 %. Dans notre étude, nous avons retrouvé 28,9 % et Degroote retrouve 22 % de diabétiques. Ainsi la fréquence du diabète est multipliée par 4, voire 5 par rapport à une population sans insuffisance cardiaque (4 à 6 % en moyenne).   De l’IC dans le diabète Inversement, l’insuffisance cardiaque complique fréquemment la pathologie diabétique. En effet, 3 à 30 pour 1 000 patients diabétiques par an évoluent vers l’IC. • L’étude de Framingham a montré une très nette augmentation du risque d’insuffisance cardiaque chez les diabétiques : le risque relatif de survenue était de 2,2 chez les hommes et de 5,37 chez les femmes. • Iribarren a analysé 48 858 diabétiques adultes (25 958 hommes et 22 200 femmes). Sur un suivi de 2,2 ans, 1 035 cas d’insuffisance cardiaque ont été enregistrés. Chaque majoration de 1 % du taux d’HbA1c entraîne une majoration de 12 % du risque d’IC. Un taux d’HbA1c > 10 % comparativement à un taux < 7 % est associé à une multiplication du risque d’IC par un facteur de 1,8 chez les hommes et 1,3 chez les femmes. Il faut noter que, dans cette étude, aucune interaction significative n’a été retrouvée entre le taux d’HbA1c et les antécédents ischémiques et la présence d’HTA. • Enfin selon les grandes études, le risque de développer une insuffisance cardiaque chez un sujet diabétique est de : • 1,38, dans les études HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation) et MICROHOPE (MIcroalbuminuria, Cardiovascular and Renal Outcomes in the Heart Outcomes Prevention Evaluation), • 2,13 dans l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension), • 1,82 dans l’étude CAPPP (CAPtopril Prevention Project). Il faut souligner la valeur prédictive de la protéinurie (cela peut être dû au fait que l’albumine est un indicateur de la maladie vasculaire généralisée ou que l’insuffisance cardiaque provoque l’albuminurie par élévation des pressions).   Clinique L’insuffisance cardiaque du diabétique présente certaines caractéristiques. Dans un travail récent portant sur 268 patients insuffisants cardiaques (d’âge moyen 63,3 ans), nous avons retrouvé une fréquence de diabétiques citée plus haut de 28,9 %. Dans 76 % des cas, il s’agissait de patients ischémiques. Les patients diabétiques étaient plus sévères, avec une classe IV de la NYHA dans près de 30 % versus 15 % chez les non-diabétiques, et un pic de VO2 à 17,9 versus 23,5 ml/kg/min. En revanche, il n’y avait pas de différence significative concernant la fraction d’éjection, ni le taux de BNP à l’entrée dans le service. Enfin, le taux de créatinine n’était pas différent entre les deux groupes. Sur le plan thérapeutique, les non-diabétiques bénéficiaient plus souvent de traitements IEC et bêtabloquants (respectivement 83,8 et 63 %) comparativement aux diabétiques (69,9 et 45 %). Inversement, les diabétiques recevaient plus fréquemment un traitement antiagrégant.   Pronostic Une analyse de sous-groupe de l’étude SOLVD a montré qu’en cas d’insuffisance cardiaque, le taux de mortalité à 3 ans est significativement plus élevé chez le patient diabétique. Plus récemment, Dries a montré que l’impact délétère du diabète ne s’observe que chez les patients présentant une insuffisance cardiaque ischémique (augmentation de 37 % de la mortalité) alors qu’aucun effet n’était noté chez ceux présentant une IC non ischémique. Ainsi, l’existence d’un diabète représente un facteur pronostique péjoratif de l’insuffisance cardiaque. Ces résultats sont retrouvés dans l’étude de Degroote sur une population de 1 246 patients hospitalisés pour bilan pronostique d’une insuffisance cardiaque par dysfonction systolique. Lors du suivi, l’existence d’un diabète a été associée à une augmentation très significative (54 %) de la mortalité cardiovasculaire. En revanche, le diabète n’était pas un facteur de risque d’évolution défavorable en cas d’insuffisance cardiaque non ischémique (avec même une tendance inverse). Ces résultats étonnants pouvaient peut-être s’expliquer simplement par un niveau d’éducation thérapeutique plus élevé du patient diabétique insuffisant cardiaque mais ceci reste un débat ouvert. Physiopathologie   Les mécanismes L’insuffisance cardiaque chez le diabétique a fait l’objet de nombreux travaux. Trois points essentiels sont à retenir. Le diabète est souvent associé à un certain nombre de comorbidités qui peuvent augmenter le risque d’insuffisance cardiaque : l’HTA est souvent associée au diabète et pourrait jouer un rôle important. Dans l’étude SOLVD, 54 % des diabétiques étaient hypertendus contre seulement 36 % des non-diabétiques. Mais on retrouve également de manière plus fréquente dans la population diabétique les dyslipidémies, les désordres de la coagulation, l’obésité, une inflammation et toute perturbation pouvant être reliée à une insulinorésistance. L’augmentation du risque d’athérosclérose coronarienne peut expliquer également la plus grande fréquence de l’insuffisance cardiaque en cas de diabète. En effet, dans toutes les études, près des deux tiers des insuffisances cardiaques chez les diabétiques sont ischémiques. De même, le risque d’infarctus du myocarde est nettement supérieur chez le diabétique (dans l’étude de Haffner, il est de 20 % chez le diabétique sur 7 ans par rapport à 3,5 % chez les non-diabétiques). Mais l’insuffisance cardiaque du diabétique peut être aussi la conséquence d’une cardiomyopathie diabétique spécifique. Il s’agit dans un premier temps d’une insuffisance cardiaque diastolique.   La cardiomyopathie du diabétique Trois anomalies peuvent contribuer à l’évolution de la cardiomyopathie : la microangiopathie , une fibrose myocardique et des anomalies métaboliques intracellulaires. Ainsi, on peut citer : Des anomalies du SRAA avec une augmentation de l’expression de l’ATII locale, responsable d’une hypertrophie des cardiomyocytes et d’une augmentation du phénomène d’apoptose. Une augmentation et une accumulation du collagène avec activation des protéines kinases. Cette augmentation de l’ATII est en rapport probable avec la résistance à l’action de l’IGF1 et à l’hyperglycémie. Des anomalies du calcium intracellulaire. On peut en effet observer des altérations des protéines contractiles avec réactivité anormale des fibres contractiles calciums dépendantes et des altérations du métabolisme de la relaxation entraînant une surcharge calcique des cardiomyocytes. Dans le diabète de type 1 cela est dû à un défaut d’élimination des ions calcium de la cellule alors que, dans le diabète de type 2, des anomalies des échanges sodium – calcium observés au cours de l’hyperglycémie seraient associés à l’activité de la protéine kinase C3. L’hyperglycémie favorise la fibrose, diminue d’environ 30 % l’ATP intracellulaire, entraîne une réduction de l’apport d’O2 et une baisse de l’activité de la créatine kinase. Une augmentation de l’oxydation avec augmentation de la production de radicaux libres favorisée par l’inflammation. La glycosylation et l’oxydation accrue du collagène VI, qui est la principale composante glycoprotéique de la matrice extracellulaire, conduisent à une rigidification du myocarde. Une anomalie locale du système nerveux sympathique avec augmentation des récepteurs B3 inotropes négatifs aux dépends des autres bêtarécepteurs (cette anomalie a été constatée sur le rat). Une altération de la myosine et des troponines. Ces altérations consistent (comme dans d’autres cardiomyopathies) en une augmentation des isoformes lentes. Dans la cardiopathie diabétique, l’isoforme V3 prédomine et ralentit le raccourcissement des fibres myocardiques. Enfin, il faut noter que ces insuffisants cardiaques semblent plus sensibles à l’insulinorésistance.   Stratégies thérapeutiques Les analyses des sous-groupes ont montré que le bénéfice des traitements classiques de l’insuffisance cardiaque est maintenu chez le diabétique. Les études SOLVD et ATLAS n’ont pas montré de différence en ce qui concerne l’effet des IEC. L’étude CIBIS n’a pas montré non plus de différence d’efficacité des bêtabloquants. Le sous-groupe des patients ischémiques bénéficiera des thérapeutiques de prévention secondaire visant à réduire le risque athérothrombotique (antiagrégant, statine). Un geste de revascularisation myocardique peut permettre une réduction des symptômes et une amélioration de la fonction ventriculaire gauche, surtout s’il existe une viabilité résiduelle du myocarde hypoperfusé. La technique de revascularisation est débattue. Dans l’étude BARI (Bypass Angioplasty Revascularization Investigation), l’évolution des diabétiques avec dysfonction ventriculaire gauche traités par pontage coronaire était meilleure que celle des patients traités par angioplastie. Mais il s’agit d’une étude de sous-groupe déjà ancienne et les progrès des techniques de revascularisation (stent nu, stent actif) pourraient bien les remettre en cause. L’impact du traitement du diabète sur le pronostic de l’insuffisance cardiaque doit être évalué. Briba a montré qu’un équilibre très rigoureux du diabète pourrait permettre, dans une certaine mesure, de faire régresser les signes de cardiomyopathie diabétique. Ces résultats encourageants sont à confirmer. Enfin, le problème des glitazones chez les diabétiques insuffisants cardiaques n’est pas résolu. En effet, d’une part, les glitazones sont contre-indiqués en cas d’insuffisance cardiaque quel que soit le stade NYHA (rétention hydrosodée, décompensation cardiaque) et, d’autre part, dans l’étude d’un sous-groupe de MEDICARE (Massoudi), les glitazones prescrites chez le diabétique insuffisant cardiaque diminuent la mortalité (RR : 0,82) ; à l’inverse les patients sous insuline ont une mortalité accrue (effet de l’insuline ou malades les plus sévères ?).   Conclusion   La fréquence du diabète chez les patients insuffisants cardiaques est grande et l’apparition d’une insuffisance cardiaque chez un diabétique est un facteur de mauvais pronostic, particulièrement chez les ischémiques. • Le mécanisme de l’insuffisance cardiaque est dû : - à la fréquence des comorbidités, - à l’atteinte athéroscléreuse, - à une authentique cardiomyopathie diabétique liée à une microangiopathie, une fibrose myocardique et des anomalies métaboliques intracellulaires entraînant des atteintes précoces de la fonction diastolique.   En pratique   Le traitement de l’insuffisance cardiaque des diabétiques est identique au traitement des non-diabétiques avec une mention particulière pour l’importance de la revascularisation chez les insuffisants cardiaques ischémiques. L’équilibre rigoureux du diabète semble important dans l’évolution de la cardiomyopathie et le rôle exact des glitazones reste à préciser.

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