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Insuffisance cardiaque

Publié le 27 mar 2007Lecture 7 min

L'insuffisance cardiaque : aujourd'hui, demain

G. JONDEAU, hôpital Bichat, Paris

L’insuffisance cardiaque auparavant considérée comme la pathologie terminale en cardiologie car observée après que de nombreux événements cardiovasculaires soient survenus ; elle est aujourd’hui devenue une entité propre, dont la présentation clinique a changé et dont la fréquence est telle que l’ensemble de la communauté médicale, et non uniquement les cardiologues, doit s’y intéresser.

Aujourd'hui L’insuffisance cardiaque est devenue la première cause d’hospitalisation chez les patients de plus de 65 ans ; la part de dépense publique qui revient à cette pathologie est majeure du fait de la fréquence des hospitalisations, et l’importance épidémiologique de cette pathologie va croissant ! Entre-temps, une (ou des ?) nouvelle forme d’insuffisance cardiaque est apparue, telle l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée, et que, par ailleurs, tout ce qu’on croyait savoir sur l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique est devenu caduque, sauf peut-être dans le domaine de l’insuffisance cardiaque aiguë.   Épidémiologie de l’insuffisance cardiaque   La fréquence de l’insuffisance cardiaque (figure 1) par dysfonction systolique a tendance à reculer légèrement probablement du fait des avancées thérapeutiques dans le traitement de l’infarctus du myocarde. Les cardiopathies ischémiques restent les plus fréquentes et c’est ici que les avancées sont les plus nettes et les recommandations les plus variées. On commence à reconnaître l’importance de facteurs génétiques, au moins de susceptibilité des cardiopathies dilatées non ischémiques d’apparence primitive. Figure 1. Évolution du nombre de patients vus à la Mayo clinique en insuffisance cardiaque au cours des années : en bleu dysfonction systolique, en rouge: fonction systolique préservée. N Engl J Med 2006 ; 355 : 251-9. L’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée (à dysfonction diastolique selon d’autres) est en revanche en augmentation constante : ici les études sont rares, les recommandations silencieuses…   Physiopathologie de l’insuffisance cardiaque   La dysfonction systolique Nous ne reviendrons pas sur les mécanismes physiopathologiques déjà largement connus mais soulignons le rôle délétère du système neurohormonal et du remodelage dans l’IC systolique qui peut aboutir au déconditionnement, voire à la cachexis (figure 2). Plus récemment la notion d’asynchronisme de contraction a débouché sur une nouvelle voie thérapeutique validée chez certains malades. Figure 2. Les différentes cascades de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique : 1 correspond au remodelage, puis 2 au cercle vicieux classique hémodynamique, et 3 aux conséquences systémiques de l’insuffisance cardiaque. Toutes ces modifications sont favorisées par l’activation hormonale qu’il faut donc bloquer par le traitement médical. Le traitement va ainsi devenir un traitement antihormonal, bêtabloquant et inhibiteur du système rénine-angiotensine, qui effectivement augmente la survie des patients, et peut permettre une amélioration spectaculaire de la fonction ventriculaire gauche. Le traitement va également devenir un traitement global dans lequel le reconditionnement physique a logiquement acquis sa part.   Insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée Chez les patients présentant un épisode de décompensation cardiaque aiguë, on observait une fonction systolique normale au décours de l’épisode aigu de décompensation, mais aussi et surtout au moment même de l’épisode de décompensation aiguë (figure 3). Figure 3. Lors de l’OAP, alors que la pression artérielle est très élevée (240/144), la FEVG est la même qu’au décours de l’OAP (A) alors que la PA est normalisée (149/75) (B). Autrement dit, ce n’est pas une diminution brutale de la FEVG qui explique l’OAP mais une dysfonction diastolique aiguë. D’après Gandhi et al. NEJM 2004 ; 344 : 17. Le fait le plus marquant chez ces patients est qu’en dehors des épisodes de décompensation, ils sont très peu symptomatiques, et que les épisodes de décompensation sont très brutaux, souvent à l’occasion d’un événement aigu. De ce fait, la surcharge volémique est souvent limitée et il s’agit plus d’un problème aigu de répartition de la volémie ; le traitement diurétique est facilement responsable d’insuffisance rénale et le traitement vasodilatateur par nitrés devrait être préféré au cours des épisodes de décompensation. L’événement responsable peut être par exemple (mais non exclusivement) : - un passage en fibrillation auriculaire , - une poussée tensionnelle brutale. Il semble donc que l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée soit plus hétérogène, et que le meilleur traitement soit celui de son étiologie. On manque encore d’études pour valider ces concepts.   Traitement de l’insuffisance cardiaque   Insuffisance cardiaque par dysfonction systolique Le traitement de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique a aujourd’hui deux buts (après l’élimination d’une cause brutale par la recherche d’une étiologie) : - limiter la progression de la maladie par les traitements neurohormonaux qui ont amélioré la survie mais nécessitant de surveiller étroitement la fonction rénale et la kaliémie notamment ; - traiter les signes de congestion avec les diurétiques dont il faut adapter les doses aux signes de congestion. La resynchronisation ne se discute que lorsque le patient reste grave malgré un traitement médical maximal. Sa place et celle du DAI ont été abordées dans ce numéro page 26. Les antiarythmiques ont complètement perdu la bataille, et même l’amiodarone n’a pu démontrer son bénéfice. Ne restent que les bêtabloquants qui sont de toutes façons indiqués.   Insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée Les indications sont moins claires : - traitement de l’étiologie, c’est-à-dire en pratique surtout le traitement de l’hypertension artérielle (pour limiter la rigidité artérielle et ventriculaire), - maintien du rythme sinusal si possible, - et traitement symptomatique des signes congestifs par diurétiques à adapter aux symptômes. La tachycardie est à éviter.   Demain Prédire l’avenir est toujours un exercice dangereux. L’examen du passé suggère que tout ce qui est vrai aujourd’hui sera faux demain, alors la prudence est de règle. Il semble logique de penser que l’insuffisance cardiaque va devenir une pathologie encore plus fréquente demain qu’aujourd’hui du fait du vieillissement de la population essentiellement. C’est dire que l’insuffisance cardiaque de demain sera probablement surtout à fonction systolique préservée. Sur le plan thérapeutique, il est probable que de grands progrès soient réalisés. D’abord parce que la marge de bénéfice potentielle est grande, l’insuffisance cardiaque restant à ce jour une pathologie de très mauvais pronostic (mortalité à 5 ans > 50 % ; figure 4). On ne peut donc qu’améliorer les choses ! Figure 4. Le pronostic de l’insuffisance cardiaque reste très sévère, que la fraction d’éjection soit préservée ou non. Dans l’insuffisance cardiaque systolique En dehors de l’aspect prévention qui rejoint le traitement de la cardiopathie ischémique, les pistes pourraient être : - un blocage hormonal plus complet, des médications qui limitent l’apoptose des cellules myocardiques (les molécules restent à trouver), des molécules qui limitent le remodelage ventriculaire (inhibiteurs des métalloprotéases mais limités par leurs effets secondaires); - un traitement médical individualisé non seulement en fonction de la cardiopathie en cause, mais aussi en fonction du terrain génétique : l’importance croissante de la génétique devrait toucher la cardiologie comme toutes les autres spécialités médicales. Certains marqueurs biologiques pourraient permettre d’adapter plus finement le traitement (BNP) ; - une prise en charge non seulement de la cardiopathie responsable, mais aussi de ses conséquences sur l’organisme : outre le réentraînement, le traitement de l’anémie, de la cachexie… - de même l’importance donnée à l’éducation du patient, à l’infirmière, la diététicienne, la prise en charge en réseau va probablement augmenter de façon très importante au grand bénéfice du patient ; - un traitement électrique plus ciblé : les critères échographiques de désynchronisation font l’objet de nombreux travaux, entre autres échographiques, des critères de fibrose du myocarde conditionnant les chances de récupération commencent à s’y associer ; - une amélioration des machines d’assistance ventriculaire qui permettent d’attendre la récupération du myocarde après un épisode aigu. L’assistance pourrait aussi permettre l’introduction d’un traitement médical optimal non toléré sans assistance et d’attendre son effet bénéfique sur les myocytes. Les machines d’assistance pourraient même devenir une option définitive. Les machines récentes non pulsatiles permettent de grands espoirs ; - la cardiomyoplastie cellulaire sera peut-être couronnée de succès, même la technique n’en est encore qu’à ses balbutiements.   Dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée L’avenir sera probablement encore plus riche, la compréhension que l’on en a aujourd’hui étant très partielle. La rigidité artérielle joue un rôle clé dans l’apparition de la rigidité ventriculaire ; des molécules qui cassent les connections intermoléculaires responsables de cette rigidité pourraient être bénéfiques sur les artères comme sur le ventricule (le de-stiffening strategy des auteurs anglo-saxons). Ce fourre-tout recouvre probablement différents sous-groupes dont la reconnaissance permettra un traitement plus individualisé.   L’insuffisance cardiaque aiguë Elle fait l’objet de beaucoup de travaux actuellement, et il est probable que la stratégie de prise en charge évoluera grandement au cours des années à venir, notamment selon la présentation clinique (décompensation aiguë ou subaiguë, avec ou sans hypoperfusion périphérique), la cardiopathie sous-jacente (systolique ou non), avec le recul là aussi des inotropes positifs.   Conclusion   L’insuffisance cardiaque évolue rapidement. Son importance va croissant avec le vieillissement de la population, et sa complexité n’est encore que partiellement appréhendée, ce qui permet d’espérer de grands progrès dans les 10 ans à venir, avec alors une amélioraton réelle du pronostic.

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