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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 déc 2010Lecture 9 min

Quel avenir pour la rythmologie ?

W. AMARA, Unité de rythmologie. GHI Le Raincy-Montfermeil

La rythmologie est un des domaines de la cardiologie qui a le plus progressé ces dernières années. Un regard vers le passé nous montre que la plupart des techniques actuellement utilisées ont débuté il y a 10 ou 20 ans. Peut-on ainsi, à partir de ce qui se passe aujourd’hui, prévoir l’évolution des prochaines années ? Cet article dresse un portrait de ce que pourrait être l’avenir de la rythmologie. 

Diagnostic L’ECG sous toutes ses formes Sur le plan diagnostique, on s’oriente de manière inéluctable vers des outils diagnostiques miniaturisés d’accès plus facile et moins chers. L’ECG reste et sera au cœur du diagnostic. Holter ECG La miniaturisation des holters est déjà en cours. Dans l’exemple de la figure 1, un exemple de prototype holter ECG est présenté. La durée de l’enregistrement annoncée de ce modèle est de 7 jours. Actuellement, avec la miniaturisation des mémoires, la durée de l’enregistrement n’est plus un problème ; reste celui de l’adhésion du boîtier à la peau qui, avec les nouveaux matériels, ne devrait plus poser des difficultés. Figure 1. Prototype d’enregistreur holter. Enregistreurs d’événements, holters implantables Les holters implantables sont actuellement utilisés dans le diagnostic des syncopes. Ils pourraient également être utiles dans le bilan des palpitations. Le holter implantable actuellement disponible (Reveal XT, Medtronic) a une durée de vie de 3 ans et une taille équivalente à celle d’une clé USB standard (figure 2). Quel que soit le modèle ou la marque, il est évident que ces appareils vont évoluer vers trois directions incontournables : – miniaturisation (taille estimée inférieure à une pièce d’un euro), – longévité étendue, – télécardiologie. Figure 2. Holter implantable Reveal XT de Medtronic.   En effet, la télécardiologie permettra de contrôler ces appareils à distance sans reconvoquer le patient, ce qui est un avantage indéniable pour des patients, qui n’ont, le plus souvent, aucune cardiopathie. Quant aux enregistreurs d’événements, les évolutions actuelles de l’informatique ont augmenté le nombre d’appareils disponibles qui vont de l’appareil dont l’interrogation sera faite au cabinet du médecin à l’appareil permettant la télétransmission de l’ECG (figure 3). Figure 3. Exemple d’enregistreur d’événement de la taille d’une carte de crédit et fonctionnant en télécardiologie. Stimulateurs et défibrillateurs cardiaques Resynchroniser les patients peu ou asymptomatiques L’évolution semble se faire vers une indication plus précoce à la resynchronisation. Ainsi, si actuellement la resynchronisation cardiaque par stimulation biventriculaire est indiquée chez les patients sévèrement symptomatiques en classe NYHA III ou IV, ayant une fonction systolique altérée (FEVG ≤ 35 %) et des QRS larges (≥ 120 ms), plusieurs études s’intéressent ou se sont intéressées aux patients ne remplissant pas l’ensemble de ces critères. Trois études, REVERSE, MADIT CRT et RAFT ont montré l’intérêt de la resynchronisation dès le stade II de la NYHA. Les patients inclus dans REVERSE présentaient une insuffisance cardiaque peu ou asymptomatique (stade I ou II de la NYHA), une fonction systolique altérée (FEVG ≤ 40 %) et des QRS larges (≥ 120 ms). Tous les patients ont été implantés d’un stimulateur ou défibrillateur resynchronisateur (triple chambre). Les patients ont été randomisés. Dans le premier bras, la fonction de resynchronisation était activée, dans le second non. La durée de suivi était d’1 an pour la cohorte américaine et de 2 ans dans la cohorte européenne. Les résultats à 1 an (des deux cohortes) ont été publiés(7). S’ils n’avaient pas montré de bénéfice sur le critère primaire de jugement qui est le pourcentage de patients aggravés, un bénéfice net a été retrouvé sur les paramètres échographiques, notamment la fraction d’éjection et le volume ventriculaire gauche indexé. Dans la cohorte européenne, le résultat à 2 ans montre significativement moins de patients aggravés (critère primaire de jugement) (19 % vs 34 % ; p = 0,01). De même, on note une amélioration significative de la FEVG et du volume ventriculaire télédiastolique. Le critère combinant les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la mortalité était également diminué dans le groupe resynchronisation (11,7 % vs 24,0 % ; HR 0,38 (0,20-0,73) ; p = 0,003). Les études MADIT CRT et RAFT ont montré l’intérêt d’un défibrillateur resynchronisateur (défibrillateur triple chambre) sur la réduction de la combinaison de la mortalité et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, chez des patients en majorité en classe NYHA II, ayant une dysfonction systolique ventriculaire gauche (FEVG ≤ 30 %). La durée de QRS moyenne des patients de ces études atteignait 150 ms. Ainsi, les dernières recommandations européennes de 2010 indiquent la resynchronisation chez les patients en classe II de la NYHA et ayant une durée de QRS d’au moins 150 ms. Resynchronisation et QRS fins : à quand une place pour l’échographie ? La principale étude randomisée menée chez les patients ayant des QRS fins est l’étude RETHINQ. Cette étude a inclus des patients ayant une indication standard pour un défibrillateur implantable. Les patients étaient en classe NYHA III, avaient une FE < 35 %, des QRS < 130 ms et des critères d’asynchronisme. La resynchonisation a été activée dans le groupe actif. Cependant, cette étude n’a pas retrouvé de différence significative sur le critère principal qui était le pic de VO2 ni sur la mortalité. À ce jour, il n’existe pas de critère d’asynchronisme « idéal » permettant de sélectionner les patients candidats à une resynchronisation. Ainsi, l’étude PROSPECT avait évalué plusieurs critères d’asynchronisme et n’avait pas retrouvé un seul facteur permettant de porter l’indication de la resynchronisation. Est-ce que les nouveaux outils échographiques (strain 3D) permettront d’aller plus loin ? L’avenir nous le dira. Longévité des prothèses Le remplacement du boîtier de stimulation ou défibrillation cardiaque n’est pas un geste anodin, il se complique trois fois plus souvent que la primo-implantation d’infection, d’érosions cutanées ou de complications liées aux sondes. De plus, pour les sondes de défibrillation, une altération de la sonde est fréquente dans les mois suivant le remplacement du boîtier. Travailler sur un allongement de la durée de vie des prothèses est donc un impératif. Si la taille des prothèses n’évoluera probablement pas vers l’augmentation, une moindre consommation des différents composants et le recours à différents algorithmes permettant de minimiser la stimulation (éviter la stimulation ventriculaire comme dans le mode AAIsafeR ou MVP ou diminuer l’amplitude de la stimulation par des fonctions de type autocapture adaptant l’amplitude de stimulation au seuil réellement existant) sont déjà une réalité actuelle. D’autres moyens appartenant au domaine de la recherche, existent. Il est, ainsi, techniquement possible de recharger la batterie. Cela a été démontré par M. Niehaus (Allemagne) (AHA 2008) (figure 4). Ce dernier a mené son expérimentation sur 10 moutons implantés d’un défibrillateur auquel a été rajouté un circuit pour permettre son rechargement en transcutané. Les résultats, encourageants, ont montré qu’il est possible de recharger entièrement le défibrillateur sur une période de 2 heures, et ce pour une durée de 6 mois à chaque fois. Le rechargement par voie transcutanée n’a pas eu d’effet délétère, notamment transcutané. Figure 4. Rechargement du défibrillateur par voie transcutanée dans le travail de Nieuhaus.   Une autre possibilité est de récupérer le surplus d’énergie du cœur grâce à une sonde spécifique. Cela a été présenté par P. Roberts (Royaume-Uni) (AHA 2008) (figure 5). Dans une expérience préliminaire chez le cochon, un microgénérateur alimenté par les battements cardiaques a produit une partie de l’électricité nécessaire au fonctionnement du pacemaker. Figure 5. Sonde permettant de récupérer l’énergie cinétique du cœur évaluée par Roberts. Défibrillateur sans sonde. Développement de la télécardiologie Les stimulateurs et défibrillateurs cardiaques modernes peuvent être équipés de la télécardiologie. En effet, ces prothèses sont équipées d’une antenne permettant soit d’envoyer directement le message, soit d’être interrogés par un boîtier externe qui est fourni au patient. Ce boîtier enverra ensuite les informations aux médecins soit sous forme de sms codés envoyés via le réseau GSM, soit par le réseau de téléphonie filaire (figure 6). Figure 6. Exemples de systèmes de télécardiologie.   Toutes les marques ne sont pas équipées de la télécardiologie. Le système le plus utilisé actuellement est celui de la société Biotronik. Il permet d’utiliser le réseau GSM (pas de connectique chez le patient qui peut déplacer le cardiomessenger à sa guise) et de concerner à la fois les stimulateurs et les défibrillateurs cardiaques. Plusieurs études ont montré l’intérêt de la télécardiologie pour permettre le suivi au long cours des stimulateurs (COMPAS) et défibrillateurs (TRUST et ECOST). Dans l’avenir, toute prothèse devra être équipée de la télécardiologie. En effet, actuellement, les stimulateurs cardiaques simple chambre doivent être contrôlés tous les ans et les stimulateurs cardiaques double chambre et les défibrillateurs doivent être contrôlés au moins tous les 6 mois. Les recommandations ont précisé que ce contrôle peut se faire par télécardiologie évitant au patient de revenir au centre pour des consultations inutiles. Le défibrillateur et le pacemaker sans sonde Les premières études concernant le défibrillateur sans sonde viennent d’être publiées. Ainsi, dans l’exemple de la figure 7, un défibrillateur équipé d’une sonde sous-cutanée (commercialisé par Cameron Health) a montré son efficacité sur le traitement des arythmies ventriculaire au prix de chocs plus puissants et de l’absence de stimulation antibradycardique permanente. Figure 7. Exemple de défibrillateur équipé d’une sonde sous-cutanée.   De même, l’avenir de la stimulation cardiaque semble s’orienter vers le pacemaker sans sonde. Des capsules (figure 8), d’une taille un peu plus importante qu’une gélule, ont été développées par Medtronic. Elles sont largables par voie endocavitaire et permettent une stimulation endocavitaire. L’un des problèmes sera leur longévité et la nécessité d’injecter plusieurs capsules chez les patients ayant besoin d’être stimulés dans plusieurs cavités. Figure 8. Exemple du pacemaker sans sonde – prototype Medtronic. Ablation : plus simple et plus sûre ? Si l’ablation par radiofréquence est la méthode de référence du traitement interventionnel des troubles du rythme, de nouvelles méthodes physiques sont soit disponibles (c’est le cas de la cryoablation), soit en cours de développement (ablation par ultrasons ou laser, par exemple). La cryoablation est possible grâce à la délivrance par le générateur (appelé cryoconsole) de protoxyde d’azote liquide injecté au sein du cathéter de cryo. Dans l’électrode, le protoxyde d’azote se vaporise et passe de l’état liquide à l’état gazeux. C’est ce changement d’état qui engendre le froid. La cryoablation par son effet initialement réversible permet de réaliser des ablations plus sécuritaires telles que pour les ablations des tachycardies par réentrée intranodale et ablations des voies accessoires localisées à proximité des voies de conduction physiologiques ou dans le sinus coronaire. Ainsi, lors de la cryothérapie, le site de l’ablation est testé, de manière réversible, par cryomapping permettant d’évaluer le risque de trouble conductif auriculo-ventriculaire. L’intérêt de la technique est renforcé par la stabilité de la sonde (la formation du glaçon permet de stabiliser la sonde au bout d’une dizaine de secondes). L’ablation de la fibrillation atriale est en plein essor. Le recours à l’ablation se fait plus tôt dans les dernières recommandations européennes. La déconnexion des veines est au cœur du traitement de la FA paroxystique. Elle peut se faire par radiofréquence ou par des sondes de cryoablation à ballonnet (figure 9) (d’autres méthodes physiques ont également été étudiées telles que les ultrasons ou le laser). Enfin, il semble inéluctable que l’électrophysiologie se concentrera dans des centres disposant de toutes les techniques, y compris de la possibilité de réaliser les ablations les plus complexes et disposant d’un système de cartographie. Figure 9. Cryoablation à ballonnet. En pratique La rythmologie va certainement continuer à évoluer vers une spécialité de plus en plus technique et de plus en plus dépendante des technologies modernes. Un avenir passionnant à suivre et une voie à conseiller aux internes.

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