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Coronaires

Publié le 16 mai 2006Lecture 6 min

Infarctus myocardique en phase aiguë : halte à la bobométrie !

S. WEBER, hôpital Cochin et P. SAUVAL, SAMU de Paris

Un infarctus myocardique cela fait mal…
Souvent très mal…
Parfois même extrêmement mal et tant mieux !
Une douleur franche, intense, aussi pénible soit-elle, est de nature à inciter le patient et son entourage à avoir très rapidement recours au système de prise en charge préhospitalier qui, dans notre pays, est l’un des plus performants au monde.

L'infarctus indolore, particulièrement prévalent chez le diabétique, est de pronostic médiocre, souvent diagnostiqué à l’occasion d’une complication évolutive, ce qui ne permet pas de mettre en route une thérapeutique de reperfusion. Les infarctus à manifestation clinique atypique, ou survenant chez les patients dont les capacités d’intégration de la douleur sont altérées (sujet très âgé, patient psychiatrique) ne bénéficient également que d’une prise en charge retardée, ce qui obère le pronostic.   Calmer la douleur   Un signal d’alarme douloureux, clair, net et correctement interprété par le patient représente donc un “ bienfait ”. Cela ne doit cependant pas signifier que cette douleur ne mérite pas d’être immédiatement et parfaitement traitée ! Lorsque, dans un service de soins intensifs, l’alarme d’un scope sonne, le bruit strident et intense ainsi généré est franchement désagréable pour le patient et l’équipe soignante, mais, à l’instar de la douleur de l’infarctus, parfaitement utile. Une fois arrivé au lit du patient, le premier geste est d’éteindre l’alarme et d’avoir ainsi plus de confort et de sérénité pour prendre en charge l’événement hémodynamique, ventilatoire ou rythmique ayant déclenché l’alarme… Calmer la douleur, le plus rapidement et le plus complètement possible, est un impératif à la fois éthique et médical. Laisser volontairement persister la douleur, ou ne l’atténuer qu’imparfaitement sous le prétexte naïf et fallacieux que son évolution après un traitement de reperfusion (thrombolyse ou angioplastie) représenterait un marqueur d’efficacité, nous paraît totalement inacceptable. Malheureusement, les données disponibles montrent qu’une prise en charge efficace de la douleur n’est pas toujours réalisée en phase aiguë d’infarctus.   Pourquoi faut-il calmer la douleur ?   L’analyse rétrospective de la prise en charge effective de la douleur en phase aiguë montre que moins d’un patient sur deux bénéficie d’une thérapeutique réellement efficace en la matière ; les chiffres se sont, certes, améliorés ces dernières années, passant de 37 % de prise en charge efficace en 2001 à 44 % en 2004, mais la marge de progression possible reste colossale.   La douleur : un mauvais paramètre de la reperfusion L’abord “ bobométrique ” de l’évaluation de la qualité d’une reperfusion est tout d’abord, d’un simple point de vue médical, lamentablement inefficace. Une fois que le processus de nécrose cellulaire a débuté, les produits du catabolisme, de la lyse des cellules myocardiques concernées, activent durablement les récepteurs viscéro-sensitifs myocardiques. La vitesse à laquelle ceux-ci se désactiveront lorsque le flux sanguin coronaire sera rétabli, permettant ainsi le wash-out de ces catabolites algogènes, est très différente d’un patient à l’autre. Parfois, en effet, la douleur se dissipera peu de temps après la restauration d’un flux coronaire efficace TIMI III. Parfois, en revanche, à qualité de reperfusion égale, à qualité de protection myocardique égale, la douleur pourra persister plusieurs dizaines de minutes voire plusieurs heures sans que cela n’ait la moindre influence pronostique sur le niveau de récupération finale de la force contractile du territoire menacé. La physiologie des récepteurs viscéro-sensitifs myocardiques, du cheminement des influx nerveux dans les voies sensitives et enfin, de l’intégration corticale de la douleur est complexe, très imparfaitement connue et très variable d’un sujet à l’autre. Imaginer que l’on puisse construire une corrélation, même approximative, entre l’évaluation de la douleur sur une échelle analogique visuelle et le flux coronaire et/ou la cinétique segmentaire est d’une touchante naïveté !   Calmer la douleur améliore le pronostic En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’en dehors même du problème éthique sur lequel nous reviendrons, la persistance d’une douleur importante en phase aiguë d’infarctus est en soi dangereuse car susceptible de détériorer davantage le pronostic de cette nécrose : • une douleur intense participe (ce n’en est pas, bien sûr, le seul mécanisme déclencheur) au risque de choc vagal en phase aiguë d’infarctus ; cette hypertonie vagale génératrice de bradycardie extrême, de trouble conductif et surtout de vasoplégie avec risque d’accentuation de l’hypoperfusion coronaire est, en effet, délétère, particulièrement délétère, voire mortelle s’il s’agit d’une nécrose avec extension ventriculaire droite ; • à l’inverse, chez d’autres patients, la persistance d’une douleur intense est responsable d’une majoration de l’activation sympathique noradrénergique, déjà importante en phase aiguë d’infarctus, avec pour conséquence tachycardie, vasoconstriction périphérique, voire potentialisation d’un trouble du rythme ventriculaire à participation adrénergique. Le contrôle de la douleur participe donc à la réduction du risque vital et à la préservation de la fonction ventriculaire en phase aiguë d’infarctus. Reste enfin, et ce n’est pas la moindre de nos préoccupations, la qualité du service rendu aux patients.   Une prise en charge optimisée La prise en charge moderne de l’infarctus myocardique, passant le plus souvent possible par un stage de quelques dizaines de minutes, voire plus, en salle de cathétérisme est d’autant plus acceptable pour le patient que l’élément douloureux a été le plus précocement possible gommé. Sa coopération pendant l’examen n’en sera que meilleure, de même que sa réceptivité aux explications qui lui seront fournies et aux premiers conseils de prévention secondaire (éradication du tabagisme +++) prodiguées par le cardiologue interventionnel dès que le flux sanguin coronaire aura été rétabli. La prise en charge interventionnelle précoce est un moment crucial que le patient doit aborder le plus confortablement possible, débarrassé de sa douleur, éventuellement “ tranquillisé ” pharmacologiquement s’il le faut, mais dans toute la mesure du possible lucide. Nous n’oserons même pas envisager le cas de figure où l’on ferait signer à un patient restant hyperalgique, un protocole de consentement de participation à un essai thérapeutique d’une à deux pages… Le consentement est sensé être éclairé ; il est déjà difficile de s’assurer que le malade a bien compris ce qu’il signe lorsque l’élément douloureux a été bien contrôlé ; nous laissons aux lecteurs le soin d’imaginer à quel point cette démarche serait empreinte de la plus totale hypocrisie si la douleur infarctoïde n’a pas été contrôlée.   Comment le faire ? Rappelons pour conclure les règles élémentaires, simples à mettre en application, du maniement des analgésiques majeurs à la phase aiguë de l’infarctus. Le traitement optimal de la douleur est le chlorhydrate de morphine. Ses voies d’administration et ses posologies sont clairement définies. D’utilisation simple, la morphine peut être injectée soit par voie sous-cutanée (5 mg) soit par voie intraveineuse (une ampoule de 10 mg/1 ml, dilué dans 10 cm3). Le délai d’action est de 15 min pour une durée de 2 à 3 h. L’action de la morphine est triple, elle est à la fois antalgique et anxiolytique et elle diminue la consommation d’oxygène du myocarde. La première injection est en fonction du poids du patient. Les injections successives, si on utilise la voie intraveineuse, sont des bolus répétitifs de 1 à 3 mg jusqu’à sédation de la douleur. L’utilisation d’un antalgique opiacé fortement dosé comme la nalbuphine (Nubain®) 0,2 mg à 0,4 mg/kg en intraveineux est également tout à fait adaptée. Rappelons enfin que l’aspirine aux posologies antiagrégantes, la trinitrine, l’héparine et l’oxygénothérapie ne sont pas susceptibles de calmer rapidement et efficacement une douleur d’infarctus. Leur utilisation détournée à visée antalgique est non seulement illogique mais peut être responsable d’effets délétères, parfois graves comme l’hypotension, pouvant aller jusqu’à l’état de choc si l’on augmente progressivement le débit de perfusion de trinitrine dans le seul but, au demeurant illusoire, de calmer la douleur !

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