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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 11 mar 2008Lecture 8 min

Existe-t-il une limite d'âge pour l'ablation des tachycardies ?

X. COPIE, G. LASCAULT, O. PAZIAUD et O. PIOT, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis

L’ablation par radiofréquence est devenue la pierre angulaire du traitement des troubles du rythme. L’évolution et les améliorations de cette technique contrastent avec la stagnation du développement des traitements antiarythmiques. Avec un vaste champ d’application, doit-on fixer une limite d’âge pour pratiquer une ablation par radiofréquence ? La limite d’âge, qui peut s’entendre aux deux extrêmes de la vie, concernée ici sera l’âge avancé.

Un vaste champ d’application L’ablation par radiofréquence constitue l’un des traitements essentiels du flutter auriculaire, des tachycardies de Bouveret (par réentrée nodale ou sur voie accessoire), de la prévention des rythmes ventriculaires rapides dans le Wolff-Parkinson-White, des tachycardies ventriculaires récidivantes, et dorénavant aussi, grâce aux travaux de l’équipe de Bordeaux, de la fibrillation auriculaire (non seulement paroxystique mais aussi persistante, voire chronique). Même la fibrillation ventriculaire a fait l’objet de traitements par radiofréquence.   Quelle population ? Avec l’allongement de la durée de la vie, la frontière pour désigner les sujets âgés est à géométrie variable. Par convenance, surtout pour obtenir des cohortes importantes, les sujets âgés de la littérature cardiologique ont parfois 60 ans, plus souvent 70, voire 75 ans, mais l’âge limite est rarement fixé au-delà de 75 ans. Pourtant, si l’on se réfère aux tables de mortalité, à 60 ans l’espérance de vie est élevée : plus 26 ans chez la femme, et plus 21 ans chez l’homme. Une approche « épidémiologique » du sujet âgé consiste à le définir par l’âge auquel la progression de la mortalité devient exponentielle après une progression linéaire depuis la naissance. Ce point d’inflexion de la courbe de mortalité se situe vers 85 ans et signifie qu’à partir de cet âge, la médecine a peu de chance d’avoir un impact significatif sur l’espérance de vie. En revanche, notre rôle est essentiel pour maintenir la meilleure qualité de vie possible chez ces patients. En résumé, avant 85 ans, c’est l’âge physiologique qui compte pour décider d’une intervention. Après 85 ans, les indications peuvent être limitées par une espérance de vie qui tend à diminuer très rapidement, et c’est plutôt la qualité de vie qui devient la référence.   Une littérature peu abondante Dans les grandes séries pionnières démontrant l’efficacité de la radiofréquence pour le traitement des tachycardies, l’âge des patients est en moyenne de 10 ans inférieur à l’âge des patients que nous rencontrons en pratique clinique. Dans un travail récent de J. Kihel de l’équipe de Saint-Étienne, les patients > 75 ans traités pour une réentrée nodale était comparés aux patients plus jeunes(1). L’efficacité de la radiofréquence pour prévenir les récidives de tachycardies était similaire chez les patients les plus âgés et chez les plus jeunes avec un taux de succès dans les deux groupes à long terme de plus de 96 %. Le taux de complications importantes était faible et similaire chez les patients âgés ou chez les plus jeunes.   Que nous suggère l’expérience ? L’efficacité de la radiofréquence est grande. Son but est souvent de traiter des symptômes (tachycardie responsable de palpitations invalidantes), parfois de prévenir une insuffisance cardiaque (traitement de tachycardies rapides altérant la fonction ventriculaire gauche), parfois encore d’éviter un traitement invalidant et/ou dangereux sur le long terme (antiarythmiques, anticoagulants), plus rarement de prévenir la mort subite (faisceau de Kent dangereux, certaines tachycardies ventriculaires, etc.). Ces indications sont généralement aussi pertinentes, voire plus pertinentes chez le sujet âgé que chez le sujet jeune, en gardant bien sûr à l’esprit que prendre un risque pour prévenir une mort subite sur le long terme est plus adapté au sujet jeune qu’au sujet âgé. Revoyons pour les principales indications d’ablation des troubles du rythme, les limites et avantages potentiels chez les sujets âgés. Dans cette revue schématisée, nous rappellerons la technique d’ablation (voie d’abord) et les risques spécifiques que l’on peut attendre chez le sujet âgé.   Le flutter auriculaire Le flutter auriculaire commun dépendant de l’isthme cavotricuspide est la tachycardie qui représente dorénavant la première indication d’ablation. La voie d’abord est veineuse (veine fémorale droite) où l’on met en place 1 à 3 cathéters. Chez le sujet âgé, une tortuosité excessive de la veine cave inférieure peut compliquer le positionnement des cathéters. Il existe aussi plus de risques de complications hémorragiques et thromboemboliques. Ces limites peuvent faire préférer une approche plus simple avec un seul cathéter chez le sujet âgé. En revanche, l’obtention du résultat électrophysiologique, c’est-à-dire un bloc complet dans l’isthme cavotricuspide n’est pas plus difficile chez le sujet âgé. Les avantages attendus de l’ablation du flutter auriculaire chez le sujet âgé sont la prévention d’une insuffisance cardiaque due aux cadences ventriculaires élevées et à la perte de la systole auriculaire (insuffisance cardiaque d’autant plus fréquente que les anomalies diastoliques et systoliques du ventricule gauche augmentent avec l’âge). L’ablation peut aussi permettre de limiter la durée du traitement par antivitamines K et diminue ou évite les antiarythmiques, souvent d’utilisation dangereuse chez les sujets âgés. En revanche, chez le sujet âgé, l’association fréquente du flutter auriculaire à la fibrillation auriculaire peut limiter le bénéfice escompté de l’ablation.   La tachycardie de Bouveret par réentrée nodale Là aussi, l’abord est veineux avec 1 à 3 cathéters, avec les mêmes limites chez le sujet âgé que dans le flutter auriculaire. L’ablation par radiofréquence crée un bloc dans la voie lente située dans la partie basse du nœud auriculo-ventriculaire, sous le site où l’on enregistre le faisceau de His. Le risque principal est de créer un bloc auriculo-ventriculaire complet, mais ce risque n’a pas les mêmes conséquences pour un sujet âgé que pour un sujet jeune. La mise en place d’un stimulateur cardiaque après ablation d’une voie lente chez un sujet âgé est certainement regrettable, mais cela n’aura pas les mêmes conséquences que chez un sujet jeune. Par ailleurs, les tachycardies par réentrée nodale qui aboutissent à la contraction simultanée des oreillettes et des ventricules, sont souvent mal supportées hémodynamiquement sur des ventricules âgés et peu compliants. Comme dans le flutter, le maniement des antiarythmiques est souvent difficile chez le sujet âgé. Pour ces raisons, l’ablation des tachycardies par réentrée nodale est souvent une très bonne indication chez le sujet âgé.   Les voies accessoires Par ordre de fréquence, il s’agit de faisceaux de Kent, situés le plus souvent à gauche. Le problème posé par le sujet âgé est ici plus complexe. Rarement, l’indication sera posée dans le cadre de la prévention de la mort subite, beaucoup plus souvent devant des tachycardies réciproques favorisant parfois la fibrillation auriculaire. Devant un faisceau de Kent gauche, la voie d’abord est l’artère fémorale droite, permettant de monter le cathéter dans l’aorte et de pénétrer le ventricule gauche en passant dans la valve aortique en rétrograde. Alternativement, une voie d’abord veineuse associée à une ponction transseptale permet d’aborder les voies accessoires gauches. Chez le sujet âgé, un athérome aortique ou un remaniement de la valve aortique rend la voie aortique rétrograde parfois dangereuse. Avant d’emprunter la voie aortique rétrograde chez un sujet âgé (limite d’âge que l’on modulera en fonction des antécédents, des facteurs de risque et de la clinique), une échographie transœsophagienne peut être réalisée, pour interdire cette voie en cas d’athérome à risque embolique. La voie transseptale peut alors être utilisée, mais son risque propre (tamponnade) doit aussi être bien mesuré. Pour les voies accessoires situées à droite, la problématique est plus proche des ablations de voie lente, en tenant compte d’une durée de procédure généralement plus longue.   La fibrillation auriculaire La place de l’ablation dans la fibrillation auriculaire est grandissante. Dorénavant, les recommandations internationales situent l’ablation au même niveau que l’amiodarone pour la prise en charge des fibrillations auriculaires paroxystiques. Le traitement par radiofréquence progresse aussi dans les autres formes de fibrillations auriculaires, persistantes ou chroniques. L’efficacité de la procédure, devenue réelle, doit cependant être pondérée par les risques encourus. Pour l’instant, les sujets âgés et très âgés ne font pas partie des candidats à l’ablation de la fibrillation auriculaire. Chez ces patients, le contrôle du rythme ou de la fréquence cardiaque se discute au cas par cas, avec une place pour le contrôle de la fréquence qui devient prépondérante à mesure que l’on vieillit. Chez les sujets âgés dont on ne peut contrôler la fréquence cardiaque médicalement, il reste une place pour la mise en place d’un stimulateur cardiaque et l’ablation de la jonction auriculo-ventriculaire. En revanche, chez les sujets jeunes, l’ablation du substrat de la fibrillation auriculaire devient la cible privilégiée. Chez les sujets jeunes, l’ablation de fibrillation auriculaire devrait supplanter très rapidement l’ablation de la jonction auriculo-ventriculaire associée à la mise en place d’un stimulateur cardiaque. À moyen terme, les diverses associations de traitement médical et de stimulation cardiaque double-chambre devraient aussi être abandonnées au profit de l’ablation du substrat de la fibrillation auriculaire.   Les tachycardies ventriculaires Indications plus rares d’ablation, les tachycardies ventriculaires surviennent souvent sur des cardiopathies, notamment ischémiques, et sont fréquentes chez les sujets âgés. L’ablation des tachycardies ventriculaires est généralement indiquée en cas de récidives fréquentes, malgré la prescription de traitements antiarythmiques. Le défibrillateur n’est dans ce cadre qu’une protection, mais il ne peut généralement régler le problème de récidives incessantes (figures 1,2 et 3). Comme il s’agit généralement de maladies sévères menaçant le pronostic vital, on tient plus compte de l’âge physiologique et des possibilités techniques que de l’âge réel du patient. Chez ces patients athéromateux, la voie aortique rétrograde comporte le risque d’embolie systémique, et notamment cérébrale, mais les patients candidats à ce type d’ablation sont généralement dans une impasse thérapeutique qui justifie le surcroît de risque (contrairement à un Kent gauche par exemple). Figure 1. Tachycardie ventriculaire incessante chez un patient âgé de 78 ans, ayant une cardiomyopathie ischémique sévère et porteur d’un défibrillateur. La tachycardie persiste malgré le traitement par amiodarone. La stimulation antitachycardique du défibrillateur est inconstamment efficace et le patient a reçu 8 chocs avant son admission. On propose donc une ablation par radiofréquence de sa tachycardie ventriculaire. Figure 2. Le cathéter d’ablation enregistre des potentiels pré-systoliques, cible de l’ablation. Figure 3. L’ablation permet d’interrompre la tachycardie après 5 secondes d’application. La tachycardie ventriculaire ne sera plus inductible. En pratique   L’ablation des troubles du rythme n’est pas réservée aux sujets jeunes. Pour porter une indication d’ablation chez un sujet âgé, on doit mettre en balance l’efficacité de la radiofréquence par rapport au traitement médical, mais aussi le risque du traitement médical par rapport à l’ablation. Souvent la difficulté de la voie d’abord et la capacité à rester allongé pendant une à deux heures, peuvent limiter l’indication chez le sujet âgé.

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