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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 nov 2005Lecture 11 min

En fibrillation auriculaire, peut-on faire du sport ?

G. CELLARIER, C. JÉGO, S KÉRÉBEL et R. CARLIOZ, service de pathologie cardiovasculaire, HIA Sainte-Anne, Toulon Armées

La fibrillation auriculaire (FA) est l’arythmie supraventriculaire la plus fréquente (prévalence de 0,4 % et de 4 % après 70 ans). Définie par une désorganisation de l’activité auriculaire avec une fréquence du massif atrial de l’ordre de 400 à 600/min, elle expose :
• au risque thromboembolique artériel,
• à une mauvaise tolérance (hémodynamique, coronarienne) liée à la cadence ventriculaire rapide.
Au total, les patients présentant une FA, paroxystique ou permanente, ont une surmortalité avec un risque relatif multiplié par deux et la FA est d’autant plus mal tolérée qu’elle émaille l’évolution d’une cardiopathie sous-jacente. Cette arythmie limite-t-elle cependant l’activité physique et sportive ?

Oreillettes et FA L’oreillette gauche (OG) est une cavité d’un volume variant de 18 ± 12 cm3 à 51 ± 15 cm3. Elle est située entre la circulation veineuse et capillaire pulmonaire (ondes S et D du flux veineux pulmonaire en Doppler) et le ventricule gauche (ondes E et A mitrale, onde A pulmonaire rétrograde). L’OG va devoir s’adapter aux anomalies de la compliance VG, aux pressions proto- et télédiastolique VG et à la pression veineuse et capillaire pulmonaire. La FA est la conséquence de multiples circuits de micro-réentrées dont la pérennisation est permise par l’existence d’une « masse critique » suffisante (dilatation OG), et le « trigger » une extrasystolie prenant souvent naissance au niveau des veines pulmonaires. La désorganisation de l’activité auriculaire en FA se traduit par une altération de la fonction mécanique auriculaire suivie par une dilatation des oreillettes et par une altération de la fonction ventriculaire gauche. La stase auriculaire et la réduction de la vélocité des flux intracavitaires peuvent être à l’origine de la formation de thrombus, le plus souvent au niveau de l’auricule gauche. Les études échographiques itératives ont pu montrer une augmentation progressive de la taille des deux oreillettes en arythmie (« la FA fait le lit de la FA »). À l’inverse, la restauration et le maintien du rythme sinusal étaient accompagnés d’une réversibilité de ce processus de dilatation. L’étude de Framingham a permis de recenser les paramètres échographiques prédictifs d’un passage en FA : diamètre de l’OG > 44 mm ; abaissement de la fraction de raccourcissement ventriculaire gauche ; hypertrophie ventriculaire gauche. L’oreillette participe de manière active au remplissage ventriculaire, de manière peu importante chez le sujet jeune au repos, et prépondérante en cas de trouble du remplissage (notamment chez les sujets âgés, en cas de cardiopathie restrictive ou hypertensive, expliquant la mauvaise tolérance hémodynamique de la perte de la systole auriculaire dans ces cas). L’accélération de la fréquence cardiaque a pour conséquence un raccourcissement proportionnellement plus important de la diastole que de la systole. Il en résulte une réduction de la phase de remplissage ventriculaire passive lente, compensée par un renforcement de la systole atriale (figure 1). En FA, la suppression de ce mécanisme de compensation majore les effets délétères de la tachycardie. Ceci est surtout marqué à l’effort avec une adaptation inappropriée de la fréquence ventriculaire. Cet hyperchronotropisme provient probablement d’une anomalie du système nerveux autonome, en réponse à des phénomènes réflexes provenant de récepteurs de tension atriaux. Figure. Évolution du flux mitral selon la fréquence cardiaque. Noter qu’au-delà de 90/min, il n’y a plus d’accélération du flux secondaire à la systole auriculaire (phase III). Pour une fréquence de 50/min, la phase de flux située entre les 2 pics correspond au « diastasis » classique. Pour une fréquence de 160/mn, la contribution auriculaire (phase III) au remplissage ventriculaire est importante. (D’après Nolan et coll. Am Heart J 1969; 77 : 784-91 Conséquences hémodynamiques de la FA Chez un sujet sain au repos, la systole auriculaire remplit environ 30 % du ventricule gauche (VG) ; chez le sujet âgé, la contribution auriculaire au remplissage ventriculaire peut atteindre 50 %, et elle augmente encore lorsque la fonction diastolique du VG est altérée, en cas de bloc gauche, d’hypertrophie VG ou d’ischémie. Chez les sujets âgés ou dont la fonction VG est altérée, l’oreillette est sollicitée en permanence et sa participation à la fonction cardiaque devient prépondérante ; la perte de la systole auriculaire en FA a donc deux conséquences délétères : – la diminution du remplissage ventriculaire, favorisant un désamorçage de la pompe cardiaque, – l’élévation des pressions pulmonaires. Par ailleurs, une fréquence auriculaire rapide tend à raccourcir le remplissage ventriculaire qui peut, si ce phénomène dure ou en cas de perturbations de la perfusion coronaire, engendrer une ischémie des tissus sous-endocardiques et un épuisement des réserves énergétiques du myocarde. Le passage en FA peut s’accompagner d’une perte de conscience, probablement due à un réflexe vasoplégique ; de plus, à l’effort, l’inadaptation de la fréquence cardiaque en FA peut engendrer une tachycardie initiale excessive, puis une accélération insuffisante, voire une réponse anormalement basse. La perte de la systole auriculaire entraîne une baisse du débit cardiaque de 15 à 20 %, aux conséquences mineures sur un cœur sain, marquées en cas de dysfonction VG ou trouble du remplissage. Sur le plan hémodynamique, la restauration du rythme sinusal entraîne une augmentation du débit cardiaque de 20 % au repos, de 30 % à l’effort.   Sport et système cardiovasculaire Chez un sujet en rythme sinusal, l’effort entraîne une augmentation de la fréquence cardiaque, de la contractilité, de la pression artérielle systolique (jusqu’au double), et du débit cardiaque (jusqu’au quadruple) ainsi qu’une baisse des résistances périphériques ; à l’arrêt de l’effort, il s’ensuit un à-coup vagal avec baisse rapide de la fréquence cardiaque dans un premier temps, puis plus lente ensuite. L’effet de l’entraînement sportif sur le système cardiovasculaire provoque : – une majoration de la réserve coronaire, de la densité capillaire, du débit cardiaque, du volume plasmatique et du retour veineux (au repos et à l’effort) ; – pour un entraînement important : une dilatation cavitaire et une augmentation de l’épaisseur pariétale (réversibles à l’arrêt de l’entraînement) ; – au repos et pour un niveau d’effort identique : une diminution de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, des résistances périphériques, de la MVO2 ; – une diminution de l’agrégation plaquettaire à l’effort, une majoration de l’activité fibrinolytique ; une augmentation du HDL-C et une diminution du LDL-C ; diminution de l’insulinorésistance.   FA et sport   Retentissement de l’activité sportive sur les oreillettes et relation sport-FA Chez le sportif occasionnel et modéré : il n’y a pas de retentissement du sport sur l’anatomie et l’électrophysiologie atriales. On ne note pas plus de FA chez les sportifs occasionnels et modérés que chez les sédentaires. Chez le sportif intensif et/ou de haut niveau (> 10 h/ sem d’entraînement, notamment en endurance) : il existe un remodelage anatomique avec dilatation bi-auriculaire (majoration du retour veineux et de la masse plasmatique) et électrophysiologique, pouvant faire le lit de la FA. Chez les cyclistes et les marathoniens, des ESA à l’effort de plus en plus fréquentes, puis des accès de FA paroxystiques en fin d’effort sont souvent constatés après 50 ans et une FA permanente peut s’installer, favorisée par la vagotonie de repos et la dilatation auriculaire. Chez le jeune athlète, des lambeaux de FA peuvent se voir pendant l’effort, tout comme à l’arrêt de l’effort par à-coup vagal ; ces arythmies surviennent le plus souvent sur un cœur encore non remodelé et peuvent témoigner d’un surentraînement. Dans tous les cas, le médecin devra rechercher un éventuel dopage, d’autant plus qu’il observe une élévation des chiffres tensionnels. Une publication récente de Pellicia concernant 1 777 athlètes de haut niveau, pratiquant 38 sports différents, semble remettre en cause les publications antérieures faisant état d’une augmentation de prévalence des arythmies supraventriculaires chez ces athlètes, liée à une dilatation de l’OG entrant dans le cadre du « cœur d’athlète ». Dans cette série, la dilatation de l’OG Ž 40 mm est assez habituelle (20 %) avec des limites supérieures à 45 mm chez la femme et 50 mm chez l’homme. Cette dilatation s’observe particulièrement lors de la pratique de sport dynamique, tels que le cyclisme et le canoeing. Malgré la fréquence de cette dilatation, la fibrillation auriculaire paroxystique et les arythmies supraventriculaires sont ici rares avec une fréquence respective de 0,3 et 0,5 %, proportion similaire à celle de la population générale.   Conséquences de la FA sur l’activité sportive La FA a des conséquences directes sur le niveau de performance. Le niveau métabolique atteint, dont témoigne la VO2, est identique pour tous les niveaux d’effort en FA et en rythme sinusal. Mais, pour un même palier, la fréquence cardiaque est plus basse et le débit cardiaque supérieur en sinusal. Le débit par litre d’O2 consommé est donc supérieur en sinusal. Par ailleurs, la relation entre VO2 et fréquence cardiaque en FA n’est pas bonne, du fait d’une adaptation inappropriée de la fréquence, proportionnellement plus marquée lors du premier palier d’exercice comparativement aux suivants. À long terme, la FA retarde la récupération des capacités à l’effort lorsque le rythme sinusal est rétabli.   En cas de FA permanente : il existe une baisse modérée des performances sportives chez le sujet exempt de cardiopathie, et une activité physique hors compétition est possible (et souhaitable !). Il n’y a pas de risque cardiovasculaire supplémentaire dû au sport sur un cœur morphologiquement sain. En cas de cardiopathie, l’exercice physique en endurance à des niveaux adaptés à la cardiopathie et à l’âge du sujet est souhaitable, idéalement initié en milieu de rééducation cardiovasculaire après un événement aigu comme un IDM. L’important concernant la FA est de s’assurer du contrôle de la fréquence ventriculaire, avec une valeur cible moyenne < 75/min au repos et < 120-130/min à l’effort. Bien entendu, tous les sports à risque traumatique seront contre-indiqués chez les patients sous anticoagulants et les activités en situation d’isolement ou à risque particulier (plongée sous-marine…) exclues. Lors de FA paroxystique : l’arythmie est responsable d’une baisse ponctuelle des performances lors du passage en FA catécholergique, préjudiciable chez l’athlète en compétition ; mais le plus souvent la FA est très bien tolérée sur le plan fonctionnel et fréquemment asymptomatique chez le sportif à cœur « sain ». Il en sera bien sûr tout autrement en cas de cardiopathie sous-jacente. Dans ce cas, le sport intensif sera contre-indiqué et le maintien d’une activité physique recommandé, guidé par une épreuve d’effort. La FA vagale lors de l’arrêt de l’effort se présente souvent plus bruyamment, avec possibilité de lipothymie ou syncope, qui pourra être rattachée par erreur à un simple « malaise vagal » en l’absence de documentation de l’arythmie. En cas de nécessité de traitement antiarythmique, les sports « à risque » (escalade, plongée, parachutisme…) seront contre-indiqués.   La réglementation et les aptitudes médicales au sport La délivrance d’un certificat d’aptitude médicale à la pratique du sport chez un patient en FA doit bien évidemment tenir compte du type d’activité sportive (loisirs ou compétition). Lors de la 26e conférence de Bethesda en janvier 1994, des recommandations pour déterminer l’éligibilité à la compétition des athlètes porteurs d’anomalies cardiovasculaires ont été publiées, elles viennent d’être mises à jour par le groupe d’étude de la Cardiologie du Sport de l’ESC. Ces recommandations s’imposent pour la délivrance d’une aptitude au sport d’un athlète et doivent également servir de support pour déterminer l’aptitude à la pratique du sport de loisir. Dans tous les cas plusieurs éléments devront être pris en compte par le médecin pour délivrer une aptitude médicale au sport chez un sujet porteur d’une FA : – le caractère paroxystique ou permanent de la FA, – la présence d’une cardiopathie sous-jacente car, le plus souvent, l’aptitude dépend directement de la nature de la cardiopathie plus que de la FA, – l’âge physiologique du patient, – la nature des traitements justifiés par la FA, notamment la présence d’un traitement anticoagulant oral et les différents traitements antiarythmiques. Outre l’examen clinique et l’électrocardiogramme, plusieurs examens complémentaires sont indispensables avant toute détermination de l’aptitude : une échocardiographie, une épreuve d’effort, et un Holter de 24 h. L’échocardiographie permettra d’écarter la présence d’une cardiopathie sous jacente, l’épreuve d’effort et le Holter de 24 h permettront de renseigner sur la nature de la FA (paroxystique, permanente), l’influence de l’activité sportive sur celle ci, et notamment d’évaluer la fréquence cardiaque ventriculaire lors de l’épreuve d’effort. Chez les sujets porteurs d’un syndrome de Wolf-Parkinson-White, comme chez les patients porteurs d’une préexcitation asymptomatique, il semble indispensable de réaliser une évaluation électrophysiologique pour mesurer les périodes réfractaires dans les conditions de repos et après injection d’Isuprel‚ (mesure de l’intervalle RR préexcité le plus court en FA) ; en cas de malignité de la voie accessoire, l’ablation est recommandée avant toute autorisation à la pratique sportive. Chez les sujets porteurs d’une FA paroxystique idiopathique, sans cardiopathie sous jacente décelable ni syndrome de Wolf-Parkinson-White, et dont le rythme sinusal est stable depuis plus de 3 mois, l’autorisation à la pratique du sport peut être donnée sans restriction, après une évaluation initiale et une réévaluation annuelle. En cas de FA permanente, idiopathique et sans syndrome de Wolf-Parkinson-White, l’autorisation à la pratique du sport ne pourra être délivrée qu’après évaluation de fréquence cardiaque et de la fonction ventriculaire gauche à l’exercice, et l’aptitude au sport sera délivrée au cas par cas après évaluation initiale et réévaluation tous les 6 mois. Lorsque la fréquence ventriculaire en arythmie est comparable à celle d’une tachycardie sinusale appropriée durant l’activité physique (que ce soit sans traitement ou avec un traitement digitalique, bêtabloqueur ou calcium-bloqueur), l’autorisation à l’activité sportive est possible, sachant que l’utilisation des bêtabloqueurs est interdite pour les sportifs de compétition. Lorsqu’un traitement anticoagulant est nécessaire, la pratique sportive doit se limiter au sport sans danger de contusion ou collision. Chez les sujets porteurs de FA ayant justifié un traitement d’ablation des veines pulmonaires, un délai de plusieurs mois semble indispensable entre la réalisation de la procédure et la reprise de l’activité sportive afin de s’assurer du succès à moyen ou long terme de la thérapeutique et de l’absence de complication notable (sténose veineuse pulmonaire, etc.).   En conclusion La pratique du sport reste possible avec la FA. L’autorisation médicale sera basée sur une évaluation non invasive initiale (échographie et épreuve d’effort) et une réévaluation périodique. L’existence d’un traitement exclut le plus souvent la pratique du sport en compétition ; une cardiopathie sous-jacente ne doit pas entraîner un déconditionnement du patient, et le médecin guidera, avec le bon sens clinique et le résultat des examens paracliniques, le niveau d’activité autorisé.   En pratique   La fibrillation auriculaire conduit à la perte du remplissage actif de l’oreillette et expose au risque thromboembolique artériel. Sa tolérance sera fonction d’une éventuelle cardiopathie sous-jacente et de la cadence ventriculaire. L’activité sportive n’a pas d’effet délétère sur la survenue d’une FA paroxystique en dehors de l’entraînement très soutenu en endurance qui peut favoriser la dilatation atriale et les arythmies vagales. La survenue d’une FA paroxystique et brève pendant l’effort est souvent asymptomatique et sans risque important sur un cœur sain, où l’abstinence thérapeutique doit rester la règle chez le jeune sportif. On peut conseiller le maintien d’une activité physique (modérée et hors compétition) chez les patients en FA permanente, en s’assurant du contrôle de la cadence ventriculaire. On exclura les sports à risques (traumatiques ou en situation d’isolement …) en cas de traitement anticoagulant.    Paramètres échographiques prédictifs de risque thrombotique en FA. Échographie transthoracique : • taille de l’OG (surface indexée > 25 mm/m2 dans SPAF I), • existence d’un contraste spontané. Échographie transœsophagienne : • morphologie favorisante avec une forme oblongue, un apex étroit et une surface irrégulière par les muscles pectinés, • dilatation avec une surface > 6 cm2, • diminution des vélocités (< 0,2 m/s), d’autant plus marquée que la FA est ancienne, • flux absent ou chaotique, • présence d’un contraste spontané.

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