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HTA

Publié le 04 avr 2006Lecture 5 min

Derniers grands essais sur l'HTA : quelles leçons peut-on en tirer ?

M. BEAUFILS, hôpital Tenon, Paris

Les « grandes études » se succèdent et se contredisent. Le dernier épisode majeur avait été la publication de ALLHAT (Antihypertensive and Lipid Lowering treatment to prevent Heart Attack Trial) fin 2002, aussitôt contredite par ANBP2 (Second Australian National Blood Pressure Study) . Cette dernière étude n’avait guère eu l’honneur des médias car c’était une moins « grande » étude (comment se mesurer aux 45 000 patients de ALLHAT ?) et parce qu’elle n’avait pas les immenses moyens publicitaires (n’ayons pas peur du mot) mis en jeu par le National Institute of Health américain pour promouvoir ALLHAT. Mais ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomes) était déjà en route. Dès 2003, les résultats du bras lipides de ASCOT ont été publiés, montrant un bénéfice évident pour les patients recevant une statine, au contraire de ALLHAT qui s’était totalement fourvoyé sur ce registre et n’avait pu aboutir à aucune conclusion, faute d’une rigueur minimale dans la conduite de l’essai. Les résultats de l’étude ASCOT sur la pression artérielle viennent d’être publiés, et (qui en sera surpris ?) contredisent ceux de ALLHAT. Contradiction ? Au fond, pas à ce point, ce sont surtout les conclusions des auteurs qui sont opposées, plus que les données des études !

Quel est l'enjeu de ces "grandes études" ? Nous savons depuis longtemps déjà que l’abaissement de la pression artérielle des hypertendus réduit de manière importante l’incidence des « événements » cardiovasculaires, et c’est heureux. Il semble non moins acquis que plus on réduit la pression artérielle, plus ce bénéfice est marqué. Ces certitudes reposent sur des études déjà anciennes, utilisant des médicaments qualifiés, eux aussi, d’anciens, pour l’essentiel diurétiques et bêtabloquants. Depuis lors, de nouvelles classes d’antihypertenseurs sont apparues, avec de nouveaux mécanismes d’action et des promesses de moult bienfaits supplémentaires. Pourtant, les recommandations restaient verrouillées sur l’usage prioritaire des « anciens » médicaments, puisqu’eux seuls avaient fait la preuve d’un bénéfice en termes de morbi-mortalité. Il fallait donc tout recommencer avec les nouveaux, et même les comparer aux anciens. Nous avons donc eu droit à des études inhibiteur calcique « vs autre » chose, IEC « vs autre chose », ARB « vs autre chose ». Nous ne retracerons pas ici cette longue histoire. De métaanalyses en métarégressions, il apparaît que les « modernes » ne font au moins pas plus mal que les « anciens » et peut-être parfois mieux. Certaines nuances suggèrent néanmoins que les inhibiteurs calciques protégeraient moins de l’insuffisance cardiaque, et que les IEC pourraient protéger moins des AVC.   Les études ALLHAT et ASCOT se singularisent En effet, elles ont traité le sujet en grand, en comparant des « stratégies » thérapeutiques, fondées sur l’usage en première intention d’une classe thérapeutique, puis sur les associations, que l’on sait nécessaires chez plus de la moitié des patients. ALLHAT a comparé la stratégie fondée sur un diurétique, un inhibiteur calcique, un IEC ou un alpha-bloquant, le traitement de seconde intention étant commun à ces quatre stratégies initiales. Les faiblesses de cette approche ont été suffisamment soulignées, point n’est besoin d’y revenir. ASCOT a utilisé une démarche différente, testant réellement les « anciens » contre les « modernes ». En effet, un groupe recevait de l’amlodipine, le traitement de seconde intention étant le perindopril, l’autre recevait de l’aténolol, le traitement de seconde intention étant un thiazidique. Les résultats sont connus : la différence entre les groupes pour le critère de jugement primaire (infarctus non mortel ou maladie coronaire fatale, puisque la mode est aux critères combinés) n’est pas significative. Néanmoins, la différence marquée et significative sur tous les critères secondaires, voire tertiaires (entre autre tous événements CV, et mortalité), a été jugée suffisamment importante pour justifier un arrêt prématuré de l’étude et conclure à la supériorité de la stratégie amlodipine + perindopril. Les statisticiens puristes apprécieront. La « cerise sur le gâteau » est déjà un classique : il y a moins de nouveaux cas de diabète (RR = 0,70) lorsque le traitement ne comporte pas de diurétique ni de bêtabloquant. Certains diront que, lorsqu’il y a réellement une vérité, celle-ci n’est pas longue à apparaître, et il n’y a pas de discordances entre études. Autre résultat prévisible, il existait une différence entre groupes, faible mais significative (grands nombres obligent), du niveau de pression artérielle atteint.   Que faire maintenant, nantis de ces résultats ? Dans l’industrie pharmaceutique, le triomphe a changé de camp, certes. Mais ces belles différences ne sont-elles pas dues tout simplement à la baisse un peu plus importante de pression dans un groupe ? La question n’est pas nouvelle, elle s’est posée pour ALLHAT, pour VALUE, sans parler des innombrables études antérieures (HOPE…). Pour ASCOT, un article adjacent dans le même numéro du Lancet réanalyse les données à l’aide d’une méthodologie statistique sophistiquée avec appariement de patients à pression artérielle identique, et conclut que le bénéfice en termes d’AVC est lié pour l’essentiel à la baisse de pression, tandis que des covariables indépendantes jouent un rôle majeur dans la prévention de la maladie coronaire. Dans la forêt des essais publiés, la métaanalyse est devenue un sport très en vogue. Les métarégressions de Staessen, périodiquement mises à jour, indiquent que le principal facteur associé à la prévention cardiovasculaire est, de loin, la baisse de la pression artérielle systolique. La dernière version montre que les odds ratio constatés dans les études sont parfaitement prédits par la baisse de la PAS, et l’application de ce paradigme à ASCOT est édifiante. Certes, quelques nuances persistent, telle la supériorité des bloqueurs calciques sur les IEC en prévention des AVC, et l’inverse en prévention de la maladie coronaire. Ces différences sont néanmoins minimes par rapport à l’impact de la baisse de pression. La dernière métarégression des Trialists (présentée à l’ESH 2005) apporte des indications similaires.   L'essentiel est la normalisation de la pression Dans l’ensemble, force est de conclure qu’en termes de cardioprotection, aucune classe thérapeutique n’a fait la preuve décisive d’une supériorité sur les autres, « au-delà de la pression ». Cela valide les recommandations françaises et européennes laissant le choix avisé du premier médicament à la logique médicale du praticien. L’essentiel étant la normalisation de la pression, le recours à une association est très souvent indispensable. La dernière recommandation de la HAS (voir site www.sfhta.org) apporte des conseils précis sur ces associations. Pour reprendre le mot de Staessen, « l’industrie pharmaceutique doit se faire à l’idée que les antihypertenseurs… marchent d’autant mieux qu’ils excellent dans ce qu’ils sont supposés faire : abaisser la PA ». N’oublions pas enfin le contraste frappant avec le sujet de la néphroprotection. Sur ce point, les données sont sans ambiguïté,  le blocage du système rénine-angiotensine-aldostérone apporte une protection spécifique, dont doivent bénéficier les patients porteurs de néphropathie et les diabétiques avec au moins une microalbuminurie.

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