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HTA

Publié le 08 mar 2005Lecture 17 min

Conséquences de l'atteinte vasculaire silencieuse de l'hypertendu

P. BOUTOUYRIE, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

Le remodelage vasculaire correspond à toute modification de structure et de fonction artérielle au cours de processus physiologiques et pathologiques. Les modifications adaptatives sur le court terme peuvent entraîner des répercussions pathologiques à long terme. Au cours de l’hypertension artérielle, les conséquences sont différentes selon que l’on s’intéresse aux petites artères de résistance ou aux artères de conduction. Dans cet article, nous nous attacherons à montrer en quoi les propriétés de grosses et des petites artères s’intègrent comme un élément clef dans la physiopathologie des complications à long terme de l’hypertension et des maladies cardio-vasculaires.

    Qu’est-ce que le « remodelage » ? Le système artériel est, par définition, un acteur essentiel et primordial dans la pathogenèse des complications infracliniques et cliniques de l’hypertension. Le terme remodelage recouvre une réalité complexe. Au sens premier, remodelage avait un sens très restrictif, correspondant à la réorganisation d’une même quantité du tissu artériel autour d’un diamètre différent. Aujourd’hui, le sens est beaucoup plus large et désigne tout phénomène survenant au niveau de la paroi artérielle (de l’artériole aux artères de gros calibre), englobant toutes les modifications structurales et fonctionnelles des artères, observées au cours de processus pathologiques ou physiologiques. Le remodelage artériel implique au moins quatre processus cellulaires : croissance, migration cellulaire, production ou dégradation de la matrice extracellulaire, apoptose (mort programmée). Ces processus dépendent d’interactions dynamiques entre facteurs de croissance produits localement, substances vasoactives et stimulus hémodynamiques. Ce type de remodelage peut ainsi s’observer sur tous les sites vasculaires, qu’il s’agisse d’artérioles ou de gros troncs artériels, et non seulement au cours de l’hypertension mais aussi de l’insuffisance cardiaque, de l’athérosclérose et de la resténose après angioplastie. Plus spécifiquement, au cours de l’hypertension, le remodelage consiste en un épaississement de la paroi artérielle (de l’intima-média, c’est-à-dire les couches interne et moyenne de la paroi), que l’on suppose adaptatif et destiné à maintenir constante la contrainte pariétale. Le concept de remodelage artériel permet d’aborder, au plan physiopathologique, le problème du retentissement fonctionnel et structural de l’hypertension sur le système artériel. Les propriétés fonctionnelles doivent être envisagées en fonction du calibre de l’artère : • fonction de conduction du sang ; • fonction d’amortissement de la pulsatilité artérielle pour les artères de gros calibre ; • fonction de distribution du débit sanguin et de résistance à l’écoulement pour les petites artères et artérioles. Les propriétés structurales sont définies par la trophicité (hypertrophie, eutrophie ou hypotrophie), le caractère excentrique ou concentrique (figure 1). Gibbons, Dzau, NEMS 1994   Figure 1. Différents types de remodelage artériel, observés en pathologie. Le vaisseau A représente le remodelage hypertrophique, tel qu’il peut être observé dans l’hypertension artérielle ; B représente le remodelage eutrophique (impliquant une réduction structurale de la lumière artérielle) ; C (hypotrophique) et D (hypertrophique excentrique) représentent l’adaptation à une diminution ou une augmentation du flux artériel chronique ; E et F représentent les remodelages de l’athérosclérose, E : hyperplasie intimale (resténose postangioplastie), F : athérosclérose avérée. Remodelage artériel au cours de l’hypertension   Artères de conduction et de compliance Elles présentent une structure concentrique comprenant l’intima, la média et l’adventice. La média (couche moyenne) est la plus impliquée dans les phénomènes de remodelage de l’hypertension. La média des artères élastiques présente une apposition concentrique de lames élastiques circulaires. Entre chacune d’elles se trouvent des cellules musculaires lisses, des fibres de collagène, des microfibrilles d’élastine et des glycosaminoglycanes de la substance fondamentale. L’ensemble constitue les « unités lamellaires ». La contrainte circonférentielle, calculée selon l’équation de Lamé (sq = R/h, où P = pression, R = rayon et h = épaisseur ; équation dérivée de la loi de Laplace : tension = P.R), supportée par chaque unité lamellaire est relativement constante d’une artère à l’autre (figure 2). Figure 2. Organisation tridimensionnelle de la paroi artérielle (EL : élastine, Coll : collagène, SMC : cellules musculaires lisses, D : desmosomes, Ox : fibres oxytalans) L’hypertension entraîne une augmentation de l’épaisseur de la média (h) qui permet de maintenir constante la contrainte circonférentielle malgré l’augmentation de la pression intraluminale. Au cours de l’hypertension, le nombre d’unités lamellaires reste fixe et l’augmentation de l’épaisseur pariétale est obtenue grâce aux modifications des cellules musculaires lisses et de la matrice extracellulaire. Les effets de l’hypertension diffèrent selon les territoires artériels. Les grosses artères élastiques (comme la carotide primitive) présentent une hypertrophie excentrique, alors que celles des territoires musculaires (comme l’artère radiale) sont l’objet d’un remodelage « eutrophique interne », c’est-à-dire que le calibre de l’artère est réduit, avec augmentation de l’épaisseur pariétale, mais sans augmentation de la surface de section pariétale. Chez l’homme, le développement récent des techniques d’échotracking de haute résolution et la mesure automatique de la vélocité de l’onde de pouls permettent des mesures non invasives du diamètre de l’épaisseur du complexe intima-média (l’intima et la média sont impossibles à distinguer sur le plan échographique) et de la rigidité artérielle sur de grandes séries de patients. Cela a permis de définir les caractéristiques géométriques des artères de gros et moyen calibres dans de multiples conditions physiologiques et pathologiques. L’âge et la pression artérielle sont les deux principaux déterminants du remodelage artériel. Ainsi, à âge égal, le diamètre interne de l’artère carotide commune et celui de l’aorte thoracique et abdominale sont plus grands chez le sujet atteint d’hypertension essentielle permanente que chez le sujet normotendu, tandis que celui d’artères plus musculaires et distales, comme les artères fémorale commune, humérale et radiale, reste inchangé. Nous avons mis en évidence le rôle majeur des contraintes pulsatiles dans l’épaississement de l’artère carotide primitive. En effet, la pression pulsée locale est le plus puissant déterminant de l’épaisseur intima-média. L’épaisseur de l’intima-média est accrue chez l’hypertendu, comparativement au normotendu de même âge, tendant à normaliser la contrainte circonférentielle (cf. supra). Il est cependant à noter que la normalisation de la contrainte est totale pour les artères de petit calibre, comme l’artère radiale, mais qu’elle reste incomplète pour les artères élastiques de gros calibre comme l’artère carotide.   Artères résistives de petit calibre Les artères résistives sont définies par leur diamètre interne : < 500 µm. La comparaison des divers modèles d’hypertension permet de conclure que l’hyperplasie (augmentation du nombre des cellules musculaires lisses) prédomine lorsque la masse vasculaire est augmentée, tandis que ni hypertrophie ni hyperplasie ne sont observées lors du remodelage, qui ne constitue qu’un réarrangement d’une même quantité de tissu autour d’une lumière plus petite. Chez l’homme, les modifications géométriques des artérioles du tissu sous-cutané peuvent s’étudier au travers de vaisseaux isolés de biopsie de graisse sous-cutanée de la fesse. Chez l’hypertendu, un remodelage pur est observé (réduction de la lumière artérielle sans augmentation de la section pariétale). L’étude ultrastructurale montre qu’il n’y a ni hypertrophie ni hyperplasie cellulaire, mais réorganisation d’une même quantité de matériau autour d’une plus petite lumière.   Raréfaction capillaire L’autre hypothèse avancée pour expliquer l’augmentation chronique, fixée des résistances périphériques dans l’hypertension artérielle, est la raréfaction artériolaire et capillaire. L’observation princeps a été réalisée sur des modèles animaux hypertendus, soit génétiques, soit secondaires. Elle implique à la fois une moindre densité artériolocapillaire et une disparition de réseaux existants. Les phénomènes d’apoptose sont au premier plan de la physiopathologie de la raréfaction vasculaire. Les conséquences sont multiples : augmentation fixée des résistances, rapport perfusion/masse tissulaire défavorable, source d’ischémie, augmentation des ondes de réflexion. Chez l’homme hypertendu, de tels phénomènes existent, avec un niveau de preuve moindre que chez l’animal, mais ont pu être démontrés au niveau de la vascularisation digitale et du tissu sous cutané graisseux. Plus récemment, l’existence d’une raréfaction capillaire chez les descendants d’hypertendus essentiel montre qu’il s’agit d’un mécanisme précoce. S’ajoute à cette raréfaction du lit artériolaire, une modification de la géométrie des bifurcations, dont l’angle tend à augmenter, ce qui génère une augmentation des ondes de réflexion.   Conséquences fonctionnelles du remodelage artériel au cours de l’hypertension Grosses artères Au cours de l’hypertension essentielle, les deux conséquences fonctionnelles majeures du remodelage artériel sont à court et moyen termes : la préservation des propriétés élastiques de la paroi artérielle, à long terme, la potentialisation de l’athérosclérose et l’augmentation de la morbi-mortalité cardio-vasculaire. Préservation des propriétés élastiques de la paroi artérielle. Les propriétés élastiques des gros troncs artériels jouent un rôle fondamental dans le couplage des activités du cœur et des vaisseaux et l’altération des artères de conduction conditionne l’atteinte des organes cibles : cœur, cerveau, œil et rein. Au cours de l’hypertension, l’augmentation de la rigidité des gros troncs artériels contribue à l’augmentation de la pression pulsée. Cette hyperpulsatilité est un facteur de développement de l’hypertrophie ventriculaire gauche et de l’augmentation de l’épaisseur intima-média des artères de gros calibre et artérioles. Un véritable cercle vicieux est ainsi réalisé. Le remodelage des petites artères de résistance contribue à l’augmentation des résistances périphériques, et donc de la pression artérielle moyenne. En retour, la rigidité artérielle augmente au prorata de l’augmentation de pression, et contribue à l’augmentation de la pression pulsée centrale, facteur principal de l’épaississement et de la dilatation artérielle. On ne peut toutefois pas assimiler l’hypertrophie pariétale des artères de conduction à une augmentation de rigidité car l’hypertrophie de l’intima-média n’augmente pas la rigidité du matériau constituant la paroi (module élastique de Young) au cours de l’hypertension artérielle essentielle. Nous avons démontré l’existence d’une autorégulation de la rigidité artérielle au cours de l’hypertension essentielle, grâce aux modifications structurales du tissu artériel compensant la perte de compliance liée à l’augmentation de la pression (figure 3). Figure 3. Pathogenèse du remodelage artériel et artériolaire dans l’hypertension : les composants moyens (PAM) et pulsé de la pression artérielle (PA) sont chacun des facteurs de remodelage des artérioles, des gros troncs artériels (GTA) et du ventricule gauche (hypertrophie ventriculaire gauche [HVG]). La vasoconstriction artériolaire, secondaire à l’augmentation du tonus vasomoteur, augmente les résistances périphériques, facteur d’hypertension. Le remodelage artériel est un facteur « structural » de l’augmentation des résistances périphériques, à l’origine d’un véritable cercle vicieux. Le remodelage des GTA n’entraîne pas d’augmentation de la rigidité artérielle, au cours de l’hypertension essentielle. L’augmentation de la rigidité artérielle est due essentiellement à l’augmentation de la pression artérielle. De fait, le remodelage artériel de l’hypertendu s’oppose en tous points à celui observé au cours du vieillissement normal et de l’insuffisance rénale chronique au cours desquels l’hypertrophie artérielle s’accompagne d’une augmentation de la rigidité du vaisseau dans son ensemble, et du matériau constitutif (figure 4). Figure 4. Relation entre la contrainte circonférentielle et la rigidité (module élastique) de l’artère carotide primitive, chez le normotendu et l’hypertendu. Dans les deux populations, le vieillissement s’accompagne d’une augmentation de rigidité. Chez l’hypertendu, il existe une augmentation de contrainte circonférentielle, avec une augmentation de rigidité proportionnelle, indiquant que les propriétés mécaniques du matériau ne sont pas modifiées. Seuls les hypertendus jeunes ont une augmentation de rigidité artérielle, sans augmentation de la contrainte circonférentielle, indiquant une altération intrinsèque des propriétés élastiques de la paroi artérielle. L’hypertrophie ventriculaire gauche est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité cardio-vasculaires, et le remodelage hypertrophique des gros troncs artériels favorise l’athérosclérose, source de complications cérébro-vasculaires, coronaires et artérielles périphériques. Potentialisation de l’athérosclérose. L’hypertrophie pariétale est un facteur largement reconnu d’athérosclérose. Les plaques d’athérosclérose carotidiennes sont plus fréquentes chez les sujets dont l’épaisseur de l’intima-média carotide est augmentée, tous autres facteurs de risque pris en compte, et semble liée à l’augmentation de la rigidité artérielle, notamment pour les plaques échogènes. Récemment une corrélation étroite a été montrée entre l’athérosclérose coronaire et la rigidité artérielle. Les anomalies hémodynamiques de l’hypertension favorisent à leur tour les complications de la plaque d’athérome : fissure, rupture et hémorragie, à l’origine d’une cascade d’événements biochimiques conduisant à la thrombose artérielle et à l’ischémie viscérale. La très grande complexité des relations entre facteurs mécaniques et processus de développement de l’athérosclérose pourrait expliquer le trop modeste impact du traitement de l’hypertension sur les complications de l’athérosclérose que l’on constate en pratique clinique. Conséquences de l’augmentation de la rigidité artérielle. L’augmentation de rigidité artérielle est la conséquence directe du vieillissement, l’hypertension déterminant essentiellement une augmentation indirecte de la rigidité par augmentation de la pression de distension. La pression pulsée, peut être considérée comme un index de rigidité artérielle ; c’est un marqueur de risque cardio-vasculaire indépendant de la pression moyenne. Il était important de tester si la rigidité des grosses artères est un facteur de risque de mortalité totale et cardio-vasculaire. Nous avons suivi à Broussais pendant 9 ans une cohorte de 1 980 patients hypertendus essentiels chez qui la rigidité aortique a été évaluée initialement par la vitesse de l’onde de pouls. Le résultat principal de ce travail est que la vitesse de l’onde de pouls prédit la mortalité totale et la mortalité cardio-vasculaire indépendamment de l’âge et de tous les facteurs de risque classiques. Sa valeur prédictive est supérieure à celle de la pression pulsée mesurée au bras. La rigidité artérielle est donc un marqueur de risque de mortalité totale et cardio-vasculaire, mais aussi de morbidité chez l’hypertendu essentiel. L’augmentation de risque de mortalité (toutes causes et cardio-vasculaire) est d’environ 60 % pour une déviation standard de VOP (4,5 m/s), avant ajustement, et de 40 % après ajustement sur les autres facteurs de risque. Nous avons pu démontrer que la valeur prédictive de la rigidité artérielle était comparable à celle donnée par le score de Framingham et que la combinaison des deux informations améliorait la prédiction du risque, notamment chez les sujets considérés à faible risque. Dans cette catégorie de patients (risque absolu à 10 ans < 12 %), les patients avec les artères les plus rigides ont un risque relatif de 5,80 de développer une cardiopathie ischémique pendant le suivi. Nous avons plus récemment démontré que la rigidité prédit la survenue d’accidents vasculaires fatals. Des résultats quantitativement équivalents ont été retrouvés chez l’insuffisant rénal chronique et chez le diabétique de type 2.   Artères résistives de petit calibre L’augmentation du rapport « média/lumière » a plusieurs conséquences fonctionnelles, les trois premières étant délétères et la quatrième, plutôt compensatrice. Augmentation structurale des résistances vasculaires périphériques. Au cours de l’hypertension, le tonus vasoconstricteur est augmenté. L’origine en est variable, d’un malade à l’autre, et associe à l’évidence plusieurs facteurs causaux : augmentation du tonus sympathique, augmentation de la réactivité vasculaire par rétention sodée, activation du système rénine-angiotensine, dysfonction des systèmes vasodilatateurs, en particulier endothéliaux comme le monoxyde d’azote... À cette réduction fonctionnelle de calibre des artérioles s’ajoute une diminution structurale du diamètre artériolaire. Le remodelage artériel apparaît donc comme un facteur « structural » de l’augmentation des résistances périphériques, à l’origine d’un véritable cercle vicieux, bien décrit par le physiologiste scandinave Björn Folkow. Un exemple en est donné par la réaugmentation de la pression artérielle à l’arrêt du traitement antihypertenseur, qui s’avère proportionnelle au degré de correction du rapport média/lumière. La normalisation de celui-ci s’accompagne d’une lente remontée tensionnelle, tandis qu’une remontée rapide est observée quand le rapport n’a pas été corrigé. Réactivité artérielle excessive aux stimulus. La vasoconstriction en réponse aux agents vasopresseurs est potentialisée par la réorganisation de la masse musculaire lisse autour d’une plus petite lumière. Fait intéressant, rapportée à l’unité de volume pariétal, la force maximale développée par l’artère de l’hypertendu n’est pas augmentée par rapport à celle du sujet normotendu, confirmant le caractère « structural » de l’excès de réactivité artérielle de l’hypertendu, et excluant une exagération du couplage excitation-contraction au niveau de la cellule musculaire lisse, qui pourrait au contraire être diminué. Diminution de la réserve de perfusion des organes cibles. Chez les hypertendus, les résistances vasculaires minimales, calculées dans des conditions de vasodilatation maximale ischémique, restent élevées par rapport à celles des sujets normotendus (première observation de Folkow). Ces phénomènes pourraient expliquer l’ischémie myocardique à l’effort malgré la normalité des gros troncs artériels coronaires à l’angiographie (baisse de la réserve coronaire). L’hypertrophie pariétale du myocarde aggrave encore l’hypoperfusion tissulaire puisque les besoins sont augmentés pour un réseau artériolaire insuffisant. Modifications de l’autorégulation des débits régionaux. Le remodelage artériolaire permet aux circulations locales de s’autoréguler pour des niveaux de pression systémique plus élevés, protégeant le réseau d’aval. Le remodelage vasculaire s’observe au niveau de toutes les circulations, en particulier rénale, coronaire et cérébrale. Ainsi, chez le sujet hypertendu, une hypoperfusion cérébrale, coronaire ou rénale, peut survenir, même pour des chiffres considérés comme normaux, parce que la baisse tensionnelle aura été trop rapide pour être compensée par les phénomènes d’autorégulation (liés au remodelage). Pour illustrer ces phénomènes, au niveau coronaire, le cercle vicieux suivant est observé : • hypertrophie myocardique, facteur d’augmentation de la consommation d’oxygène ; • augmentation structurale des résistances artériolaires, facteur d’accroissement des résistances à la perfusion tissulaire ; • éventuelle chute excessivement rapide de la pression de perfusion (orthostatisme, hypovolémie, médicament antihypertenseur). Ce phénomène peut conduire au dépassement des capacités de l’autorégulation engendrant les manifestations ischémiques sans atteinte des grosses coronaires (angor fonctionnel de l’hypertendu). Le rôle pronostique du remodelage des petites artères résistives a récemment été démontré par l’équipe de E. Agabeti-Rosei de Brescia, au cours du suivi longitudinal d’un groupe de 128 patients présentant une hypertension artérielle secondaire, essentielle et 20 normotendus, ayant eu une biopsie de tissu glutéal et une étude du remodelage artériolaire. Malgré le faible effectif et la durée de suivi réduite, la présence d’un remodelage concentrique est associée à un pronostic péjoratif indépendant des facteurs de risque classiques. Dans ce travail, seul le remodelage artériolaire et la pression pulsée a prédit la survenue d’événements cardio-vasculaires.   Dysfonction endothéliale Il s’agit probablement de l’altération la plus précoce observée dans l’hypertension artérielle (et pour les autres facteurs de risque artériels). Elle est déjà altérée (de même que l’épaisseur intima-média) chez de jeunes sujets sains dont les parents ont présenté une cardiopathie ischémique précoce. Les données démontrant clairement que l’endothélium des patients hypertendus ne présente pas une fonction normale ne sont pas si nombreuses, mais c’est communément accepté. Les papiers démontrant que l’existence d’une dysfonction endothéliale prédit la survenue des événements cardio-vasculaires commencent à paraître, sur de petites populations (lourdeur des explorations, caractère invasif dans certains cas), souvent très spécifiques (angor à coronaires saines). La conjonction des difficultés techniques de l’exploration de la fonction endothéliale et de l’absence de définition claire de la dysfonction rend illusoire son utilisation de routine chez le patient.   Interaction entre les gros et les petits vaisseaux Les études épidémiologiques ont souligné le rôle important de la pression pulsée comme marqueur de risque, plus puissant que la diastolique et la systolique. Il est plus commode de décrire la pression artérielle au travers de sa composante pulsatile (pression pulsée) et de sa composante moyenne (la pression moyenne), dont les déterminants sont très différents. En effet, les déterminants de la pression pulsée sont : • la rigidité artérielle, • le volume d’éjection cardiaque, • les ondes de réflexion. La pression moyenne, qui représente la pression qui régnerait dans le système artériel si le débit était continu, dépend quant à elle des résistances artériolaires périphériques et du débit cardiaque. Alors que la pression moyenne est identique en tous points au système artériel (jusqu’aux artérioles de 5e à 6e niveau), la pression pulsée est différente en tous points du fait de la réflexion de l’onde de pression. La pression pulsée la plus importante est la pression aortique, puisque c’est elle qui conditionne le travail cardiaque (pendant la systole) et la pression de perfusion coronaire pendant la diastole. L’intensité des ondes de réflexion dépend de multiples paramètres (figure 5) : • résistances périphériques, • angles de branchement, • conisation artérielle, • sténoses et plaques, • taille corporelle, • fréquence cardiaque. Figure 5. Schématisation de l’effet des ondes de réflexion sur la pression artérielle aortique. Pour le sujet jeune, les ondes de réflexion surviennent en diastole et participent à générer la pression de perfusion coronaire. Chez le sujet âgé, à artères rigides, elles surviennent en systole, augmentent le travail du VG, et génèrent un déficit de perfusion coronaire (SPTI : surface sous la courbe de pression systolique, DPTI, surface sous la courbe de pression diastolique). Les données plus récentes montrant que la rigidité artérielle est un facteur prédictif plus puissant que la pression pulsée périphérique suggèrent que tout ou partie de l’augmentation de risque attribuée à la pression pulsée correspond à une altération de la rigidité. Cependant, il a été démontré chez l’insuffisant rénal chronique dialysé que l’intensité des ondes de réflexion prédit la survenue d’événements cardio-vasculaires, indépendamment et en complément de la rigidité. Les interactions entre les phénomènes micro- et macrocirculatoires sont donc importantes à prendre en compte et peuvent conditionner les approches thérapeutiques. Par exemple, il a été démontré que la bradycardie induite par les bêtabloquants peut influer de manière inadéquate sur la pression pulsée centrale (en augmentant le temps systolique pendant lequel les ondes de réflexion peuvent revenir), comparativement à un traitement par IEC. Ces effets différentiels peuvent interférer avec des effets structuraux (les bêtabloquants étant régulièrement moins efficaces que les vasodilatateurs pour faire régresser le remodelage artériel) et expliquer leur moindre efficacité en première intention dans l’hypertension.   Conclusion   L’ensemble de l’arbre artériel est impliqué dans l’hypertension, à la fois en tant qu’acteur causal, au travers de l’altération de la fonction endothéliale et du remodelage artériolaire, dans la pathogenèse de l’atteinte des organes cibles (augmentation de rigidité artérielle, hypertrophie ventriculaire gauche, lésions cérébrales), et dans l’évaluation du pronostic de l’hypertension. Les relations sont complexes, associant l’effet à court terme de l’élévation tensionnelle et l’effet à long terme de valeurs élevées de pression, lesquelles ont des conséquences distinctes sur la biologie de la paroi. Il n’est plus possible de considérer l’hypertension comme un vieillissement artériel prématuré puisque l’hypertrophie artérielle, conséquence de l’hypertension n’est pas responsable d’une augmentation de rigidité, contrairement à l’hypertrophie du vieillissement. Les approches pharmacologiques du remodelage artériel sont indirectes, puisqu’elles se limitent pour l’instant au meilleur contrôle tensionnel, et à la prise en charge des facteurs de risque. Des approches plus spécifiques, visant à « moduler le remodelage », sont en cours d’évaluation.

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