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Cardiologie générale

Publié le 18 avr 2006Lecture 4 min

Chimiothérapie par anthracyclines : la place du cardiologue

F. BAUER, chu de Rouen

Les anthracyclines, médicaments anticancéreux largement utilisés en France dans le traitement de certaines tumeurs solides (cancer du sein, sarcomes) ou du tissu hématopoïétique, se fixent sur un récepteur cardiaque de la famille des facteurs de croissance, ErbB2, impliqué dans l’architecture myocardique et de la survie des cardiomyocytes. Le risque pour ces patients de développer une myocardiopathie aux anthracyclines est alors majoré et le cardiologue devient un partenaire incontournable de leur suivi.

Avant la mise en route du traitement Un examen clinique conventionnel couplé à un ECG est de rigueur. La mesure de la fraction d’éjection (FE) ventriculaire gauche est l’autre paramètre nécessaire. La FE calculée en prétraitement conditionnera en partie le type de chimiothérapie, la dose d’antimitotique à utiliser, la durée du traitement et la fréquence des surveillances. La méthode utilisée pour la mesure de la FE fait encore l’objet d’un débat. Il est vrai que la FE isotopique est le gold standard car elle dispose d’une excellente reproductibilité. En revanche, son coût et sa disponibilité limitent sa réalisation au profit de la FE échographique qui n’a de valeur qu’en utilisant la méthode du Simpson biplan. En définitive, une FE < 30 % contre-indique l’utilisation des anthracyclines.   Pendant le traitement Le cardiologue peut être sollicité pour de multiples problèmes. L’administration d’une ligne de chimiothérapie peut s’accompagner de troubles du rythme et conductifs de sévérité variable. L’échographie cardiaque prend une place de choix car ces arythmies peuvent avoir comme substrat une péricardite liquidienne, une myocardite, voire une myopéricardite. L’atteinte myocardique s’accompagne volontiers d’une élévation de la troponine, du BNP et d’une détérioration de la FE. Un ajustement thérapeutique carcinologique et cardiologique permet une stabilisation, voire une récupération de la FE. L’incidence de l’atteinte sous traitement est dose-dépendante. Elle est nulle en dessous de 300 mg/m2 pour atteindre 18 % à 700 mg/m2. Afin de dépister cette atteinte, la Société française de cardiologie a édité en 2003 des recommandations sur le suivi échographique en cours de traitement. Lorsque la FE est normale, une échographie est réalisée avant une dose cumulée de 300 mg/m2 puis 450 mg/m2 puis systématiquement au-delà de ces doses. En présence d’une FE modérément altérée, l’échographie est de rigueur avant chaque cure.   Au décours du traitement C’est le cœur du problème de la myocardiopathie liée au traitement par anthracyclines. La vigilance doit être renforcée car cette myocardiopathie peut débuter invariablement dans l’année qui suit ou très tardivement. La symptomatologie fonctionnelle, l’examen clinique et l’ECG n’ont aucune sensibilité. Le cardiologue doit alors recourir à l’échographie cardiaque qui pourra mettre en évidence une altération de la FE à un degré variable. Le rôle du cardiologue est de mettre en route le traitement adapté aux recommandations nationales sur l’insuffisance cardiaque afin que le pronostic cardiologique ne soit pas plus péjoratif que le pronostic carcinologique. Cependant, en présence d’une FE normale, le problème est plus complexe car l’incidence à 10 ans de la dysfonction VG est multipliée par 4. L’échographie conventionnelle n’est pas discriminante et il faut recourir à des indices précoces et prédictifs d’une altération de la fonction systolique. L’analyse de la fonction diastolique par la modification du rapport E/A est utile. L’échographie de stress permet de mesurer la réserve contractile. L’épreuve d’effort évalue les capacités fonctionnelles et le Holter caractérise la variabilité sinusale. Plus récemment, certaines équipes ont utilisé le Doppler tissulaire afin d’analyser directement le myocarde. Il a ainsi été démontré une baisse significative des vélocités télédiastoliques alors même que la FE est conservée. La détérioration des vélocités myocardiques systoliques et protodiastoliques à deux examens différents est un critère en faveur d’une myocardiopathie liée aux anthracyclines. Des résultats similaires ont été rapportés sur la déformation myocardique en systole. La figure montre un exemple d’altération des vitesses de déplacement et de la déformation myocardique. Malheureusement, ces études préliminaires n’ont pas encore d’incidence sur la prise en charge de ces anomalies. Il est certain qu’une surveillance cardiologique annuelle est souhaitable. Figure. Vitesses de déplacement systolodiastolique et déformation systolique dans la vue petit axe VG et 4 cavités apicale. Les flèches jaunes montrent la valeur observée chez un patient après une cure d’anthracyclines et les flèches blanches indiquent la valeur théorique. En conclusion   L’utilisation des anthracyclines expose à un double problème : - diagnostiquer précocement une altération de la FE pour effectuer un meilleur ajustement thérapeutique ; - la nécessité de soumettre les patients à FE normale mais considérés à risque (présence de cofacteurs cardiovasculaires, femme, sujets jeunes ou âgés, dose cumulée et durée du traitement) à des examens cardiologiques et échographiques répétés, voire spécifiques sur plusieurs années. En définitive, la myocardiopathie liée aux anthracyclines impose au cardiologue une vigilance à tous les stades du traitement.

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