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Cardiologie générale

Publié le 11 jan 2011Lecture 5 min

Kyste hydatique du cœur - À propos d’une observation

W. OUECHTATI, K. BAJJAR, S. SIDHOM, L. BEZDEH, A. BELHENI, Hôpital Charles Nicolle, Tunis

Les auteurs rapportent l’observation d’une patiente âgée de 54 ans, hospitalisée pour explorations de douleurs thoraciques et dyspnée d’effort. L’échographie cardiaque montre un épanchement péricardique siège d’une masse hétérogène qui infiltre la paroi latérale du ventricule gauche. Cet aspect a été confirmé au scanner thoracique. Devant l’origine rurale de la patiente, le diagnostic de kyste hydatique du cœur a été posé puis confirmé par la sérologie hydatique. La patiente a été opérée avec suites opératoires simples.

La maladie hydatique est une pathologie universelle qui pose un problème médical et économique surtout dans les pays en voie de développement. L’atteinte cardiaque dans cette maladie est rare (0,2 % à 3 %)(1). La symptomatologie révélatrice est non spécifique. Les localisations cardiaques les plus fréquentes sont la paroi libre du ventricule gauche (VG) et le septum. Les oreillettes peuvent aussi être touchées. Le retard diagnostique ou thérapeutique peut aboutir à des complications sévères, voire fatales. Observation Nous rapportons l’observation d’une femme âgée de 54 ans, originaire d’un milieu rural, admise pour exploration d’une dyspnée stade II de la NYHA, accompagnée de palpitations et de douleurs thoraciques non spécifiques. L’examen somatique est sans anomalies. L’ECG montre des ondes T négatives en apico-latéral (figure 1). La radiographie du thorax révèle une voussure au niveau de l’arc inférieur gauche sans cardiomégalie ni anomalies du parenchyme pulmonaire (figure 2). Figure 1. ECG : rythme sinusal ; ondes T négative en apicolatéral. Figure 2. Radiographie du thorax de face : voussure de l’arc inférieur gauche. L’échographie transthoracique montre un épanchement péricardique de moyenne abondance avec une masse mesurant 37 x 37 mm infiltrant la paroi latérale du VG, d’aspect hétérogène, avec quelques zones anéchogènes (figure 3). Le Holter rythmique réalisé pour explorer les palpitations montre des épisodes de tachycardie sinusale sans autre trouble de l’excitabilité ni de la conduction. Figure 3. Echocardiographie transthoracique : coupe 4 cavités : Présence d’un épanchement péricardique de moyenne abondance (EP) et d’une masse polylobée accolée à la paroi latérale du VG (flèche). Devant l’origine rurale de la patiente, les constatations radiologiques et échographiques, l’atteinte hydatique est suspectée et une sérologie hydatique par ELISA est réalisée s’avérant positive. Le bilan radiologique est alors complété par un scanner cardiaque qui objective une masse bilobée de la paroi latérale du VG mesurant 43 x 27 x 23 mm, de densité spontanément hétérogène avec une membrane fine périphérique et intra-lésionnelle (figure 4). Après injection, il existe un rehaussement périphérique au temps tardif de la lésion, sans modification significative de la densité de celle-ci. La lésion bombe nettement dans la graisse péricardique, refoulant l’IVA et ses branches collatérales qui restent parfaitement perméables. Figure 4. A. Scanner cardiaque : masse bilobée de la paroi laté. B. Rehaussement périphérique de la lésion au temps tardif. La coronarographie montre un réseau coronaire normal avec encorbellement des artères diagonales mais sans retentissement sur le flux (figure 5). Un bilan d’extension de la maladie hydatique comportant une radiographie thoracique, une échographie abdominale, un scanner cérébral n’a pas révélé d’autres localisations. La patiente est opérée : l’acte a consisté en une ouverture et une aspiration du contenu du kyste, une résection de sa partie saillante, un nettoyage à l’eau oxygénée et la fermeture de la cavité par des points en U appuyés sur téflon. Les suites opératoires immédiates et tardives sont simples. Un traitement médical par l’albendazole est prescrit pendant 3 mois en postopératoire. L’échographie de contrôle montre la disparition du kyste avec une fonction VG conservée. Figure 5. Coronarographie, incidence OAD 30°: encorbellement des artères diagonale. Discussion Le kyste hydatique du cœur (KHC) est secondaire au développement intracardiaque d’Echinococcus granulosis. L’hôte intermédiaire de ce parasite est le mouton. L’homme, hôte définitif, s’infeste en ingérant les œufs embryonnés qui souillent le pelage d’un chien ou les aliments. L’embryon, libéré dans l’estomac, traverse la paroi de l’intestin, le filtre hépatique et pulmonaire pour parvenir au cœur gauche. De là, il peut être distribué dans la circulation coronaire et finir sa course dans le myocarde où il s’enkyste. La distribution des localisations kystiques est parallèle à l’importance du débit sanguin coronaire : 60 % au niveau du VG, 15 % au niveau du ventricule droit et 15 % au niveau du septum interventriculaire. L’atteinte auriculaire est rare. Le péricarde est atteint dans 2 à 10 % des cas (2,3). La présentation clinique du KHC est très peu spécifique. La notion d’exposition aux chiens et aux moutons, le contexte endémique ou les antécédents personnels d’autres localisations hydatiques doivent faire évoquer le diagnostic. Sur le plan biologique, une hyperéosinophilie peut être notée. La sérologie hydatique est d’un grand apport diagnostique mais elle souffre de faux négatifs et de réactions croisées avec d’autres parasitoses. La radiographie du thorax peut montrer diverses anomalies (cardiomégalie, déformation d’un arc, calcifications, localisation kystique intrapulmonaire, etc.). L’échographie cardiaque (ETT) est l’examen de référence et représente un moyen simple pour le diagnostic du kyste hydatique du cœur ; celui-ci se présente sous forme d’une masse trans-sonore contenant fréquemment des vésicules filles ou des trabéculations(3-5). Plus rarement, un kyste rompu se présente comme une masse pleine, ce qui rend la différenciation des autres tumeurs cardiaques plus difficile. L’ETT permet aussi de préciser le nombre, la taille et les localisations des kystes. L’apport de l’échographie transœsophagienne (ETO) a été souligné dans les localisations intra-auriculaires(4,5). La tomodensitométrie est utile dans le bilan des échinococcoses polyviscérales ainsi que des atteintes cardiaques multiples(6). Cependant, des faux négatifs ont été rapportés du fait d’artefacts osseux ou des mouvements cardiaques. L’IRM cardiaque est actuellement d’un grand apport pour le diagnostic. Elle fournit une image plus complète de l’anatomie cardiovasculaire, sans irradiation ni injection de produit de contraste(5). L’évolution du KHC peut être grevée de complications sévères telles que : - rupture intracardiaque avec des accidents emboliques systémiques ou pulmonaires, choc anaphylactique, - rupture intrapéricardique, - troubles conductifs (surtout localisation septale), - ischémie myocardique(1,3). Pour cela, le traitement du KHC doit être rapide. Il repose sur l’exérèse chirurgicale. L’échographie de surface peropératoire apporte une aide importante au chirurgien ; elle permet un diagnostic définitif et aide à déterminer la zone d’abord du kyste. Une cardioplégie est conseillée afin de faciliter l’excision du kyste et de minimiser le risque de déversement accidentel du liquide intracavitaire. Un traitement postopératoire par albendazole pendant 3 à 6 mois est recommandé afin de minimiser le risque de récidive locale(7). L’option du traitement médical isolé a été proposée comme alternative à la chirurgie dans certains cas tels que le kyste calcifié ou de petite taille ou chez le sujet âgé ou encore en cas de refus de la chirurgie(8,9). En pratique La localisation cardiaque de la maladie hydatique est rare. L’échographie cardiaque transthoracique, le scanner ou l’IRM cardiaque sont de grand apport diagnostique. La gravité des complications impose une prise en charge rapide. Le traitement de première intention est la chirurgie et les résultats postopératoires sont encourageants. Un traitement par albendazole est prescrit en postopératoire afin de prévenir les récidives.

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