publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Insuffisance cardiaque

Publié le 04 mar 2008Lecture 18 min

Bêtabloquants : il faut augmenter leur prescription

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Les bêtabloquants sont un traitement majeur et indispensable de l’insuffisance cardiaque associée à une fraction d’éjection < 40 %. Dans toutes les recommandations pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, tant en Amérique du Nord qu’en Europe, l’utilisation de cette classe pharmacologique est une recommandation de classe 1 et de niveau de preuve A. Les recommandations européennes de 2005 précisent que : « Les bêtabloquants sont recommandés chez tous les patients (classe II à IV NYHA) en insuffisance cardiaque stable légère, modérée ou sévère, ischémique ou non, avec diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche sous traitement standard, y compris par des diurétiques et des IEC, à moins qu’il n’existe une contre-indication (Classe de recommandation I, niveau de preuve A). »

Bénéfice global des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque   Une histoire en 5 phases Le bénéfice des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque a été largement démontré par plusieurs essais cliniques et plusieurs métaanalyses. Il est en effet possible de distinguer 5 périodes dans l’histoire de l’utilisation des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque : - la première phase est celle où ils ont été strictement contre-indiqués dans l’insuffisance cardiaque, même en cas d’hypertension artérielle et d’angor (années 60) ; - la seconde phase est celle où, au milieu des années 1970, des chercheurs scandinaves indiquent, en s’appuyant sur quelques cas cliniques et des séries non contrôlées, que les bêtabloquants pourraient être bénéfiques chez les patients ayant une insuffisance cardiaque ; - la troisième phase va du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, période où ont été conduits de nombreux essais contrôlés et randomisés, mais, de petite taille, de suivi court, évaluant des critères intermédiaires et utilisant parfois des posologies d’emblée élevées de bêtabloquant. Ces essais ont eu des résultats contrastés mais ont permis d’envisager l’existence d’un bénéfice et ont orienté la réflexion concernant le mode d’utilisation de ces molécules, notamment en termes de titration ; - la quatrième phase va du milieu des années 1990 au début des années 2000, et est caractérisée par les résultats d’essais cliniques pertinents et de puissance suffisante pour affirmer le bénéfice clinique net des bêtabloquants chez les insuffisants cardiaques à fraction d’éjection altérée ; - enfin, la dernière phase est celle de la période actuelle, caractérisée par la nécessité d’augmenter le taux de prescription des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque et ce, jusqu’aux posologies optimales. Une des conséquences paradoxales de cette histoire est qu’en termes d’AMM (autorisation de mise sur le marché), certains bêtabloquants, sous un nom commercial donné, ont une indication spécifique dans l’insuffisance cardiaque et, sous un autre nom commercial, ont une indication dans l’hypertension et/ou dans l’angor et une contre-indication dans l’insuffisance cardiaque, alors qu’il s’agit de la même molécule (cas du bisoprolol et du métoprolol).   Un bénéfice affirmé À partir de la seconde moitié des années 1990, plusieurs essais thérapeutiques, randomisés et contrôlés, conduits en double aveugle contre placebo, et des métaanalyses de ces essais, ont permis de démontrer le bénéfice des bêtabloquants chez des patients ayant une insuffisance cardiaque de stade NYHA II à IV et une fraction d’éjection altérée, c'est-à-dire < 40 %. Dans ces essais, tous les patients les tolérant, recevaient des IEC et, bien qu’un essai clinique récent, l’étude CIBIS III (Cardiac Insufficiency Bisoprolol Study III), indique que les bêtabloquants pourraient être proposés avant les IEC, ce sont les IEC qui sont reconnus comme le traitement de première intention, les bêtabloquants leur étant secondairement ajoutés. Les essais cliniques pertinents ont montré que, dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée et de stade NYHA II à IV, les bêtabloquants : - réduisent en moyenne de 33 % à 1 an, le risque de décès toutes causes ; - réduisent en moyenne de 33 % à 1 an, le risque de décès de cause cardiovasculaire ; - réduisent la mortalité par progression de l’insuffisance cardiaque ; - réduisent la mortalité subite ; - réduisent de plus de 30 % le risque d’hospitalisation (de toutes causes, de causes cardiovasculaires et pour insuffisance cardiaque) ; - améliorent la classe fonctionnelle ; - ralentissent l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Autre paradoxe de l’histoire du traitement de l’insuffisance cardiaque, les bêtabloquants sont les seuls médicaments de l’insuffisance cardiaque qui améliorent de façon importante la FEVG chez des patients ayant une insuffisance cardiaque d’origine ischémique ou non. Mais cette amélioration de la fonction systolique n’est pas systématiquement associée à une amélioration de la capacité à l’effort. Principales questions posées Le bénéfice global des bêtabloquants, démontré dans plusieurs essais cliniques pertinents, a généré plusieurs questions relatives à leur potentiel d’utilisation dans la pratique quotidienne. Plusieurs questions seront abordées dans ce sous-chapitre mais il en est une qui ne connaît paradoxalement pas de réponse précise : quel est le bénéfice effectif des bêtabloquants à long terme dans l’insuffisance cardiaque ? En effet, les essais cliniques ayant établi le bénéfice des bêtabloquants ont, pour la plupart, eu un suivi moyen d’un an, ayant dû être arrêtés prématurément du fait d’un bénéfice significatif constaté sur la mortalité totale. Les raisons du bénéfice La première de ces questions est celle du mécanisme par lequel les bêtabloquants exercent leur effet bénéfique et notamment par lequel ils permettent une amélioration de la fonction cardiaque. Ce bénéfice est-il principalement la résultante de leur action sur le système sympathique ? Ou plus modestement est-il une conséquence du ralentissement de la fréquence cardiaque… ? Voire, ce bénéfice résulte-t-il d’un autre mécanisme ? Il existe plusieurs théories et de nombreuses inconnues dans ce domaine. Le modèle neuro-humoral de l’insuffisance cardiaque plaide pour un bénéfice en rapport avec un effet dirigé contre le système sympathique, les effets délétères de ce système sur la fonction cardiomyocytaire étant reconnus. Cependant, un essai conduit avec une molécule non bêtabloquante, la moxonidine dans l’étude MOXCON (MOXonidine CONgestive Heart Failure trial), qui permet de diminuer les taux sanguins de noradrénaline, a mis en évidence une augmentation de mortalité précoce avec cette molécule et suggère certaines limites au modèle neuro-humoral. D’autres théories sont plus en faveur de l’effet bradycardisant. Ainsi, une métaanalyse parue fin 2007, conduite à partir d’essais effectués dans le postinfarctus du myocarde suggère qu’à toute réduction de 10 battements par minute est associée une réduction relative du risque de décès cardiaque de 30 %. L’évaluation en cours d’un bradycardisant pur (l’ivabradine, qui n’est pas un bêtabloquant) dans les études SHIFT, conduite dans l’insuffisance cardiaque chez 5 500 patients, et BEAUTIFUL, conduite dans la dysfonction ventriculaire gauche ischémique chez 9 650 patients, devraient nous indiquer prochainement le crédit à accorder à cette hypothèse. Enfin, parmi les diverses théories, il existe un modèle faisant des bêtabloquants des épargneurs énergétiques, ce qui permettrait une protection cardiaque spécifique. L’effet dans divers sous-groupes C’est une question classique et légitime que de savoir quel est l’effet d’un traitement chez divers types de patients lorsqu’un bénéfice global a été mis en évidence dans des essais cliniques. Aussi est-il souhaitable de connaître l’efficacité et la tolérance des bêtabloquants dans divers sous-groupes pour pouvoir les utiliser largement. L’état des connaissances, fruit d’analyses en sous-groupes et de métaanalyses conduites à partir des essais cliniques disponibles est que le bénéfice des bêtabloquants a été mis en évidence dans tous les sous-groupes de patients sélectionnés selon l’âge, le sexe, la classe fonctionnelle (entre II et IV), la valeur de la fraction d’éjection du ventricule gauche, et l’étiologie ischémique ou non de l’insuffisance cardiaque. Chez le sujet âgé > 70 ans, un essai clinique spécifique, l’étude SENIORS (study of the effects of nebivolol intervention on outcomes and rehospitalization in seniors with heart failure), a montré un bénéfice clinique, en termes de réduction du critère combiné « hospitalisation pour insuffisance cardiaque et mortalité totale », sans bénéfice significatif sur la mortalité totale, mais il a été admis que l’étude manquait de puissance pour évaluer pertinemment ce critère. Quoiqu’il en soit, chez ces patients > 70 ans, le bêtabloquant évalué, le nébivolol, a été correctement toléré à une posologie correspondant au double de celle préconisée dans l’hypertension artérielle et a permis une amélioration significative du pronostic. Enfin, il est possible qu’au-delà de catégories de patients considérés de façon large, le bénéfice des bêtabloquants à l’échelle individuelle ne soit pas équivalent pour chaque patient. Plusieurs études indiquent, en effet, que le polymorphisme génétique du récepteur adrénergique bêta 1 pourrait influer sur l’effet des bêtabloquants. Ainsi, dans une analyse complémentaire de l’étude BEST (Beta-blocker Evaluation of Survival Trial), il a été montré que les patients arg289 homozygotes avaient une survie augmentée lorsqu’ils recevaient un bêtabloquant alors que cette même molécule n’avait pas d’effet sur la survie des patients gly289 homozygotes. Parmi les sous-groupes dans lesquels l’effet des bêtabloquants n’est pas connu figurent les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique, ceux ayant une insuffisance cardiaque décompensée et ceux ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Concernant ce dernier sous-groupe, les données apportées par l’étude SENIORS sont trop faibles pour établir qu’il existe un bénéfice chez ce type de patients pour deux raisons : la taille de la population ayant une fraction d’éjection préservée dans cette étude a été faible et, surtout, le critère indiquant une préservation de la fraction d’éjection était une valeur > 35 %. Enfin, les questions relatives à l’effet classe, à la posologie nécessaire et à l’effet dans le postinfarctus précoce fera l’objet des deux sous-chapitres suivants.   Probablement pas d’effet classe Parmi les essais cliniques pertinents, deux ont indiqué qu’il n’y a potentiellement pas d’effet classe des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque. Un premier essai, l’étude BEST, a évalué le bucindolol. Un second essai, l’étude COMET, a comparé deux bêtabloquants différents (le tartrate de métoprolol et le carvédilol) chez des insuffisants cardiaques et a mis en évidence une supériorité d’un bêtabloquant par rapport à l’autre, en termes de réduction de la mortalité totale. Ces essais et les explications potentielles de leurs résultats ont été largement discutés mais, quoiqu’il en soit des hypothèses émises, il en résulte pour la pratique que : tous les bêtabloquants ne peuvent garantir un même bénéfice clinique, voire garantir un bénéfice chez les insuffisants cardiaques. Cette conclusion impose de n’utiliser que les bêtabloquants ayant démontré un bénéfice dans des essais cliniques pertinents (ces bêtabloquants ont d’ailleurs tous une indication spécifique en France) selon les schémas posologiques utilisés dans ces études (tableau). Plus encore, il paraît nécessaire lorsqu’un patient développe une insuffisance cardiaque et qu’il reçoit un bêtabloquant n’ayant pas d’indication dans l’insuffisance cardiaque pour une autre indication que l’insuffisance cardiaque, d’interrompre ce bêtabloquant pour lui proposer un bêtabloquant parmi ceux ayant une indication spécifique dans l’insuffisance cardiaque.   Posologie nécessaire Il est recommandé que la posologie initiale soit faible puis augmentée lentement et progressivement jusqu’à atteindre la posologie-cible utilisée dans les études cliniques. Le problème posé en pratique est : dès lors qu’un bêtabloquant a été introduit, de faibles posologies peuvent-elles suffire à garantir un bénéfice clinique ou faut-il s’astreindre (avec les éventuels risques encourus) à augmenter la posologie jusqu’à la valeur cible des essais thérapeutiques ? La réponse à cette question n’est pas connue puisqu’il n’y a pas d’essai thérapeutique de puissance suffisante ayant comparé l’effet de différentes posologies d’un même bêtabloquant dans l’insuffisance cardiaque. L’étude MOCHA, ayant évalué le carvédilol est celle qui est régulièrement citée comme indiquant un effet d’autant plus bénéfique que la posologie est élevée mais sa conclusion n’est qu’indicative, du fait d’un manque de puissance net. A contrario, de nombreuses publications issues d’analyses complémentaires d’essais cliniques tendent à montrer que, même à faible posologie (par rapport au placebo), les bêtabloquants sont efficaces pour améliorer le pronostic de l’insuffisance cardiaque. Cela ne signifie cependant pas qu’il faut se contenter d’une faible posologie : ce type d’analyse rend seulement compte que, chez les patients ayant eu une faible posologie, il existe déjà un bénéfice du traitement bêtabloquant mais cette posologie était de fait la posologie le plus souvent maximale tolérée par ces patients. À titre indicatif, en 2007, est parue une analyse complémentaire de l’étude SENIORS, comparant l’ampleur de réduction des événements cardiovasculaires chez les patients randomisés pour recevoir le nébivolol en fonction de la posologie maximale atteinte, aux patients du groupe placebo. Dans cet essai, comparativement aux patients sous placebo, chez les patients qui ont pu recevoir une posologie de 5 à 10 mg/j de nébivolol, il a été mis en évidence une réduction du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de décès de 25 à 27 %, chez ceux n’ayant toléré que 1,25 à 2,5 mg/j, ce taux était de 12 % et chez ceux n’ayant pas toléré le traitement bêtabloquant, le risque d’événements était pratiquement le double de celui des patients randomisés dans le groupe placebo. Ainsi, même à faible posologie, un bêtabloquant a une certaine efficacité, la non-tolérance du traitement pouvant paraître comme un marqueur de sévérité de la maladie. L’introduction de bêtabloquants sera donc toujours tentée, même s’il faut allonger la période d’augmentation progressive des doses. La posologie à atteindre est la posologie maximale tolérée par le patient avec, comme cible, la posologie cible des essais thérapeutiques.   Effets des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque du post-IDM récent Les bêtabloquants ont été largement évalués dans la prise en charge de l’infarctus aigu du myocarde, dans le postinfarctus du myocarde et, de façon moins importante, dans le postinfarctus du myocarde précoce, compliqué de dysfonction ventriculaire gauche. Les essais conduits dans l’infarctus aigu du myocarde l’ont été avant 1990 et à une époque où la fibrinolyse n’était pas d’usage courant mais, en 2005, est paru un essai ayant évalué le métoprolol chez plus de 45 000 pa-tients inclus lors des premières 24 heures de la survenue d’un infarctus aigu du myocarde, la moitié de ces patients ayant eu une fibrinolyse. Cette étude n’a pas montré de bénéfice significatif concernant les deux critères primaires évalués : la somme des décès, réinfarctus et arrêts cardiaques, et les décès toutes causes. Il y a eu un effet favorable sur le risque de réinfarctus du myocarde et sur celui de fibrillation ventriculaire, mais cet effet a été contrebalancé par un excès de chocs cardiogéniques. Le risque du traitement est apparu plus important chez les patients en état hémodynamique instable. Ces données indiquent et renforcent la notion que les bêtabloquants doivent être proposés dans l’insuffisance cardiaque chez un patient dont l’état hémodynamique est stable. Dans le postinfarctus, les essais disponibles avant l’étude CAPRICORN (Carvedilol Post-Infarct Survival Control in LV Dysfunction) ont essentiellement inclus des patients sans insuffisance cardiaque et/ou dysfonction ventriculaire gauche et les données concernant les études BHAT et APSI, sur ces derniers éléments, quoique favorables à l’utilisation des bêtabloquants chez des patients ayant une altération de la fonction cardiaque dans le postinfarctus précoce, ne pouvaient être considérées que comme indicatives. L’étude CAPRICORN, publiée en 2001, a évalué contre placebo, l’effet du carvédilol, associé à la prise en charge actualisée de l’infarctus du myocarde, chez des patients ayant eu un infarctus du myocarde lors des 3 à 21 jours avant l’inclusion, et ayant une dysfonction ventriculaire gauche, avec ou sans signes cliniques d’insuffisance cardiaque. Ces patients devaient avoir soit une fraction d’éjection ventriculaire gauche ≤ 40 %, soit un score de motilité pariétale ≤ 1,3. Ils devaient par ailleurs recevoir des IEC à posologie non modifiée depuis au moins 24 heures ou avoir une intolérance démontrée aux IEC. Les patients ayant des signes d’insuffisance cardiaque nécessitant une poursuite du traitement diurétique et/ou inotrope positif par voie intraveineuse, ou ayant un angor instable ou une insuffisance cardiaque non contrôlée ne pouvaient être inclus. Cette étude a montré que, chez des patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche en postinfarctus du myocarde récent, avec ou sans signe d’insuffisance cardiaque, un traitement par un bêtabloquant, le carvédilol, permet de diminuer significativement la mortalité toute cause à 1,3 an, sans diminuer la somme des décès totaux et des admissions hospitalières pour une cause cardiovasculaire. Il est donc possible et bénéfique d’utiliser les bêtabloquants au décours immédiat d’un infarctus du myocarde chez des patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche, dès lors qu’ils sont hémodynamiquement stables et que la molécule est le carvédilol. En règle générale et en considérant les études conduites dans le postinfarctus du myocarde, dont l’étude CAPRICORN, et dans l’insuffisance cardiaque, il peut être conclu que le traitement par bêtabloquant peut être envisagé chez tous les patients (hors contre-indications) ayant une dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique et une FEVG < 40 %. À cette recommandation, en 2007, la Société canadienne de cardiologie attribuait une classe I et un niveau de preuve B en cas d’antécédent d’infarctus du myocarde et une classe IIa et un niveau de preuve C en l’absence d’antécédent d’infarctus du myocarde.   Modalités d’utilisation des bêtabloquants dans l’IC Les grands principes suivants sont issus des recommandations préconisées par la Société européenne de cardiologie en 2005, et reconnus par la Société française de cardiologie.   Quand débuter le traitement ? En dehors de ses contre-indications bien connues, le traitement par bêtabloquant devra être proposé aussi systématiquement que possible chez : - un patient n’ayant pas de signes de rétention hydrosodée ; - un patient n’ayant pas de traitement inotrope positif ; - un patient déjà sous IEC en dehors des contre-indications ; - des patients stables, hospitalisés ou ambulatoires. Lorsqu’il a présenté les résultats de l’étude COPERNICUS, Milton Packer a utilisé une référence simple pour définir la stabilité chez un patient hospitalisé pour décompensation cardiaque : est stable le patient chez qui l’état clinique ne justifie pas de modification des posologies de diurétiques depuis 24 heures.   Comment débuter le traitement ? L’action des bêtabloquants peut être biphasique, avec une amélioration à long terme, parfois précédée d’une aggravation initiale ; l’instauration d’un traitement par des bêtabloquants devra s’effectuer sous surveillance médicale attentive. Le traitement doit être débuté par une posologie très faible qui sera augmentée progressivement jusqu’à atteindre la posologie d’entretien qui s’est révélée efficace lors d’essais cliniques pertinents. La posologie sera doublée toutes les 1 à 2 semaines si la posologie précédente était bien tolérée. Le plus souvent, les patients peuvent être traités en ambulatoire. La surveillance portera sur les signes d’insuffisance cardiaque, les signes de rétention hydrosodée, l’existence d’une hypotension ou d’une bradycardie. Il faudra apprendre aux patients à surveiller régulièrement leur poids et, soit leur demander de prévenir le médecin lorsque l’augmentation de poids paraît rapide (plus de 2 kilos en 2 jours), soit, dans certains cas, leur apprendre à ajuster les posologies de diurétiques.   Les effets secondaires des bêtabloquants et leur prise en charge La prise en compte des effets secondaires potentiels des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque a plusieurs solutions possibles qui associent à des degrés divers : - la modification de la posologie, voire l’arrêt du bêtabloquant ; - la modification de la posologie, voire l’arrêt ou l’introduction de certains traitements associés ; - la prise en charge en milieu spécialisé. Les patients suivants devront êtres pris en charge en milieu spécialisé : - les insuffisants cardiaques sévères de classe III/IV (NYHA), - les insuffisances cardiaques d’étiologie inconnue, - les cas de contre-indications relatives : bradycardie asymptomatique et/ou hypotension ; - les cas d’intolérance aux faibles posologies, - les cas d’utilisation antérieure de bêtabloquants avec arrêt en raison de symptômes, - les suspicions d’asthme bronchique ou d’affection pulmonaire sévère. Dans la plupart des cas, la survenue d’un effet indésirable, ne doit pas faire surseoir ultérieurement à un nouvel essai d’introduction du traitement et/ou à une nouvelle tentative d’augmentation de la posologie jusqu’à la posologie cible. En cas d’hypotension symptomatique (traduite cliniquement par une fatigue, des éblouissements ou une confusion) : - l’utilisation de plusieurs traitements associés doit être réévaluée afin de juger de leur arrêt (le plus souvent) possible : dérivés nitrés, antagonistes calciques, autres vasodilatateurs, s’il y en a ; - s’il n’y a pas de signes ou symptômes de rétention hydrosodée, la posologie des diurétiques pourra être diminuée. En cas de majoration des signes ou symptômes d’insuffisance cardiaque (majoration de la dyspnée, fatigue, œdème, augmentation du poids) : - l’augmentation de la posologie des diurétiques (doublement de la posologie) et/ou des IEC est la première mesure à envisager ; - puis, transitoirement, la posologie des bêtabloquants pourra être réduite, si la majoration du traitement diurétique est imparfaitement efficace ; - si les symptômes ou signes sont francs, la posologie des bêtabloquants peut être d’emblée divisée par deux. En cas de bradycardie : - il convient de pratiquer rapidement un électrocardiogramme pour juger de l’existence d’un trouble conductif justifiant une prise en charge spécifique ; - un stimulateur cardiaque définitif doit être envisagé en cas de bradycardie sévère ou de bloc auriculo-ventriculaire ou de maladie du sinus ; - l’utilisation des traitements bradycardisants associés doit être reconsidérée (digitaliques, amiodarone, diltiazem…) ; - la diminution de posologie des bêtabloquants peut parfois être envisagée ; l’arrêt devra être évité.   Que faire dans les situations aiguës ? Dans les recommandations européennes de 2005, en cas de décompensation cardiaque sévère, d’œdème pulmonaire, de choc : - le patient doit être hospitalisé ; - les bêtabloquants seront interrompus si un support inotrope est nécessaire ou en cas d’hypotension ou de bradycardie symptomatique ; - si un support inotrope est nécessaire, le lévosimendan doit être la molécule préférentielle. En 2008, l’utilisation dans diverses situations aiguës commence à être mieux précisée, faisant reculer certains des principes initialement prônés dans les recommandations nord-américaines et européennes de 2005. Ainsi, pour la Société canadienne de cardiologie, dans ses recommandations de 2007, pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque : - les bêtabloquants doivent être maintenus chez les patients hospitalisés pour décompensation cardiaque, sauf s’ils développent un choc cardiogénique ou ont une surcharge volumique réfractaire aux traitements usuels ou une bradycardie symptomatique ; - les bêtabloquants (et les IEC) doivent être maintenus à leur posologie en cours lors de la survenue d’infections intercurrentes (comme une pneumopathie, une exacerbation d’une bronchite chronique, une infection systémique…), sauf s’ils sont mal tolérés (comme par exemple, en présence d’un bronchospasme). Les Canadiens précisent que ces propositions résultent d’une analyse de la littérature médicale récente. Ainsi, dans une analyse complémentaire de l’étude DIG (ayant évalué la digoxine), les patients qui étaient sous bêtabloquants et qui ont été hospitalisés, ont eu une morbidité et une mortalité moindre que ceux qui n’étaient pas sous bêtabloquants. Les patients ayant une décompensation cardiaque et qui continuent le traitement bêtabloquant ont une amélioration de leur statut hémodynamique et une réponse améliorée sous dobutamine, et ont moins de troubles du rythme et de tachycardie que ceux chez qui les bêtabloquants ont été interrompus. Cette constatation est attribuée au fait que les bêtabloquants régulent à la hausse les récepteurs bêta 1 dans le myocarde et suggère que les patients sous bêtabloquants ont la possibilité de répondre aux inotropes positifs injectables au moins aussi bien, sinon mieux que les patients ne recevant pas de bêtabloquants. Par ailleurs, aucune étude n’a suggéré que l’administration de bêtabloquants lors d’une hospitalisation prédispose au choc cardiogénique, ce qui contraste avec ce qui est observé lors de l’utilisation de bêtabloquants intraveineux chez des patients initialement sans bêtabloquants et en phase aiguë d’infarctus du myocarde. Il n’y a par ailleurs aucune donnée relatant l’effet des bêtabloquants chez les patients en choc cardiogénique, car cette classe thérapeutique est habituellement interrompue d’emblée dans cette situation clinique. Par ailleurs, il y a une augmentation du nombre de données qui suggèrent que les bêtabloquants sont bien tolérés et associés à un meilleur pronostic chez les patients ayant une bronchite chronique, sauf s’ils ont une obstruction bronchique avérée, c'est-à-dire une réponse de plus de 20 % aux bronchodilatateurs ou asthme.   En synthèse   Le bénéfice des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque systolique est le plus important constaté lors de l’emploi d’une classe pharmacologique dans cette pathologie : ils permettent dans les conditions standardisées d’utilisation de diminuer la mortalité totale d’un tiers la première année d’utilisation. De ce fait, ils constituent un traitement à utiliser prioritairement (avec les IEC) et tout doit être fait pour augmenter leur taux de prescription et pour atteindre les posologies cibles recommandées. Les bêtabloquants doivent être débutés aussi vite que possible et dans leurs conditions recommandées d’utilisation, lorsque le diagnostic d’insuffisance cardiaque a été fait, notamment lors d’une hospitalisation dès lors que le patient est cliniquement stable.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 66

Vidéo sur le même thème