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Congrès et symposiums

Publié le 06 nov 2012Lecture 6 min

Insuffisance cardiaque à FE préservée - Une maladie de la diastole ou de la systole ?

G. JONDEAU, Hôpital Bichat, Paris


Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque à FE préservée est une maladie dont la fréquence augmente. Elle touche une portion de plus en plus importante de notre population, un groupe de patients âgés et complexes. Il est souhaitable de proposer des schémas physiopathologiques et thérapeutiques simples, faciles d’utilisation. Mais l’insuffisance cardiaque à FE préservée n’est pas une maladie, c’est la réunion de plusieurs maladies : en effet, un patient insuffisant cardiaque dont la FE est préservée peut avoir une PA élevée (et l’hypertension est un facteur fondamental) ou au contraire basse (lors d’une amylose par exemple), la maladie peut toucher les jeunes ou les patients âgés (plus fréquemment). Il existe des formes génétiques (la CMH classique, non traitée ici), une ischémie peut s’y associer ou non, et enfin le patient peut ou non présenter une insuffisance rénale associée dont on connait le caractère pronostique péjoratif et les difficultés thérapeutiques associées. Il ne s’agit donc pas d’une maladie mais de différentes maladies.

La réponse la plus logique à la question posée semble être de premier abord, puisque la systole est normale et qu’il s’agit d’une insuffisance cardiaque, que l’insuffisance cardiaque est secondaire à une anomalie de la diastole. Cette position semble renforcée par les résultats de l’évaluation de la « fonction diastolique » dans cette population. Tous les indices qui ont été étudiés sont anormaux : la constante t des cathétériseurs, le temps de relaxation isovolumétrique, le DTI mitral, le rapport E/A au Doppler ou le temps de décélération de l’onde E. Des anomalies de structure ont également été considérées comme les marqueurs d’une dysfonction diastolique : l’hypertrophie ventriculaire gauche et la dilatation auriculaire gauche. Alors insuffisance cardiaque à FE préservée, maladie de la diastole ?   En fait, si l’on s’intéresse aux indices de fonction systolique, on les trouve également altérés chez les patients qui présentent une insuffisance cardiaque avec une FE > 40 %. Certes, la fraction d’éjection est supra-normale chez certains et diminuée modérément chez d’autres ; elle n’est pas altérée de façon importante par définition. Mais l’étude d’indices plus fins, tels les indices de fonction systolique longitudinale, montrent des altérations chez ces patients, si bien que certains ont dit que l’insuffisance cardiaque était en fait une pathologie unique, avec une altération initiale de la fonction diastolique, puis au cours de l’évolution une altération progressive de la fonction systolique, qui peut se mesurer avec des indices grossiers comme la FE dans les formes les plus évoluées, et avec des indices plus fins lors des phases initiales[1].   Chez les patients dont la FE est préservée, la fonction radiaire est peu altérée alors que la fonction longitudinale l’est beaucoup. Certains ont même montré que la réponse inotrope était altérée, appréciée par exemple par la réponse à la perfusion de faibles doses de dobutamine[2].   Alors l’insuffisance cardiaque à FE préservée est-elle une maladie de la systole à un stade précoce ?   Plusieurs remarques doivent être faites : • Dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée, les indices de fonction systolique (radiaire, comme la FEVG, mais aussi longitudinaux, ou le DTI mitral (onde S), le strain, etc.) comme les indices de fonction diastolique sont altérés (la PTDVG est élevée, la taille de l’OG augmentée, la pente de compliance diastolique ventriculaire gauche est raide, etc.). On pourrait alors dire que l’insuffisance cardiaque à FE altérée est une maladie de la diastole ! On sait bien que les thérapeutiques effectives chez les insuffisants cardiaques à FE altérée (bêtabloquant, IEC, ARAII, antialdostérone) n’ont pas pu démontrer d’effet bénéfique chez les patients insuffisants cardiaques à FE préservée, ce qui suggère fortement qu’il s’agit de deux pathologies différentes. Enfin, il serait paradoxal que les formes précoces d’insuffisance cardiaque s’observent chez les sujets âgés (IC à FE préservée), et les formes évoluées chez les sujets jeunes (IC à FE basse), ce qui est ce que l’on observe sur le plan épidémiologique !   • Lorsque l’on compare les cœurs de patients ayant présenté une insuffisance cardiaque, dont la FEVG est normale, à des cœurs de patients de même âge, on peine à trouver des différences, et lorsque l’on s’intéresse aux cœurs de patients hypertendus de même âge, qui n’ont pas fait d’insuffisance cardiaque, les différences sont encore plus subtiles ! (tableau). En pratique, il est très difficile d’affirmer à partir d’une échographie qu’un patient présente une insuffisance cardiaque quand la FE est normale[3]. L’absence de critère diagnostique simple (et donc les erreurs diagnostiques) est une des raisons invoquées pour expliquer qu’aucune des études pharmacologiques réalisées dans cette population n’ait pu démontrer le bénéfice d’une intervention ; il est frappant dans toutes ces études de voir le nombre de complications extracardiaques que présentent ces populations. On peut finalement se demander s’il s’agit effectivement de patients en insuffisance cardiaque.     Forts de cette observation, les auteurs de l’étude I-PRESERVE (figure 1), ont logiquement recherché les paramètres qui étaient associés à la survenue d’un épisode de décompensation cardiaque dans la population incluse, en se disant que les patients qui présentent une décompensation cardiaque au cours du suivi ont plus de chances d’être de vrais patients insuffisants cardiaques que ceux qui ne présentent plus d’épisodes de décompensation[4]. Ont été retrouvés (figure 2) : - la dilatation de l’oreillette gauche (marqueur de l’élévation chronique des pressions de remplissage ventriculaire gauche), - l’hypertrophie ventriculaire gauche, - la pression dans l’OG estimée par le rapport E/E’ comme étant les variables d’intérêt.   Figure 1. I-PRESERVE paramètres associés à une hospitalisation ou un décès (MR Zile, Circulation 2011;124 :2491). Figure 2. Stress longitudinal et radial selon le type.    Ainsi, il est vrai que les patients qui présentent une insuffisance cardiaque à FE préservée sont les patients qui ont une altération structurelle qui impose des pressions de remplissage plus élevées, et les patients qui ont les stigmates des pressions de remplissage plus élevées. Le facteur étiologique, ou le facteur causal, semble être l’hypertrophie ventriculaire gauche, sous réserve qu’elle soit assez marquée pour pouvoir être différenciée de celle qui est associée à l’hypertension artérielle seule ou au vieillissement du cœur.   Une pathologie d’origine non cardiaque ?   Quels facteurs, favorisant l’hypertrophie ventriculaire gauche, pourraient favoriser la survenue d’une insuffisance cardiaque ? Sont-ils cardiaques ou non ? En d’autres termes, l’insuffisance cardiaque à FE préservée est-elle une maladie dont l’origine est cardiaque ou extracardiaque ?   Il peut sembler paradoxal, surtout pour des cardiologues, de dire que l’insuffisance cardiaque est une maladie non cardiaque, mais n’a-t-on pas déjà accepté que l’insuffisance cardiaque chronique par dysfonction systolique était une maladie hormonale et non hémodynamique ? Deux candidats non cardiaques se profilent : • Les vaisseaux dont on sait qu’ils sont plus rigides chez les sujets âgés, chez les hypertendus, chez les diabétiques, en un mot chez les patients qui font le gros des insuffisants cardiaques à FE préservée. On sait que la rigidité artérielle est proportionnelle à la rigidité du ventricule gauche, et que les deux sont augmentées chez les patients en insuffisance cardiaque à FE préservée. On sait aussi, depuis l’étude HYVET (figure 3), que le traitement de l’hypertension artérielle chez le sujet âgé (hypertension systolique > 160 mmHg chez les sujets de > 80 ans) diminue de façon impressionnante le risque de survenue d’une insuffisance cardiaque[5]. Or, le traitement de l’hypertension artérielle n’est pas supposé avoir un effet direct sur le cœur mais un effet direct sur les artères, lesquelles pourraient modifier secondairement le cœur. C’est donc un argument fort pour penser que l’insuffisance cardiaque avec FE préservée est une maladie des artères d’abord et du cœur ensuite. • Le rein, qui revient sur le devant de la scène dans l’insuffisance cardiaque au cours de ces dernières années. Le syndrome cardio-rénal est dans toutes les revues, et la notion selon laquelle une anomalie du rein peut entraîner une anomalie cardiaque et aggraver une insuffisance cardiaque est maintenant bien acceptée. L’insuffisance rénale s’accompagne d’une rétention hydrosodée, laquelle favorise la survenue d’une décompensation cardiaque. Le rein peut également favoriser l’altération de l’arbre artériel, avec une diminution de la compliance des artères : les insuffisants rénaux calcifient volontiers les artères, ce qui les rigidifie, et ils sont volontiers hypertendus, ce qui favorise également la rigidification des artères. De plus, il est accepté que les récidives d’OAP soient très limitées par le traitement endovasculaire d’une sténose bilatérale des artères rénales. Une observation qui laisse penser que le rein peut être à l’origine de l’insuffisance cardiaque à FE préservée. Figure 3. Effet du traitement (Indapamide SR) sur la survenue d’épisodes d’insuffisance cardiaque.  À la question posée : l’insuffisance cardiaque une maladie de la diastole ou une maladie de la systole, la réponse semble donc être : ni l’une ni l’autre. Certes, les paramètres systoliques et surtout diastoliques sont altérés. Mais il pourrait s’agir d’une maladie d’abord artérielle et/ou rénale avec retentissement cardiaque. L’insuffisant cardiaque est à considérer dans son ensemble !

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