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Congrès et symposiums

Publié le 04 sep 2012Lecture 6 min

L’insuffisance cardiaque - Une spécialité vivante

M. GALINIER, CHU Toulouse-Rangueil

Le Printemps de la cardiologie

Après une décennie d’échecs des nouveaux traitements de l’insuffisance cardiaque, qui avait fait craindre que nous ayons atteint nos limites dans le traitement de cette maladie dont le pronostic demeure sévère, au Printemps renaît l’espoir grâce aux dernières analyses de l’étude SHIFT avec l’ivabradine qui démontrent une diminution de la mortalité chez les patients dont la fréquence cardiaque à l’inclusion était supérieure à 75 bpm.

Il y a quelques mois, l’étude ancillaire échocardiographique de l’essai SHIFT(1), qui a inclus 411 patients porteurs d’une insuffisance cardiaque systolique (FE ≤ 35 %), en rythme sinusal avec une fréquence cardiaque ≥ 70 bpm malgré un traitement médical optimal, avait éclairé les mécanismes d’action bénéfique de cet inhibiteur du canal If. Une échocardiographie transthoracique a été pratiquée avant l’inclusion puis après 8 mois de traitement par ivabradine (7,5 mg x 2/j) ou placebo. Les deux groupes étaient tout à fait comparables, 92 % des patients étaient traités par bêtabloquants. Le volume télésystolique indexé, critère primaire de cette étude ancillaire, a diminué de 5,8 ml/m2 (p = 0,002) de plus sous ivabradine que sous placebo (une diminution supérieure à 15 % étant retrouvée chez 38 % des patients sous ivabradine et 25 % sous placebo) et le volume télédiastolique indexé a diminué de 5,5 ml/m2 (p = 0,0019). La fraction d’éjection VG s’est élevée de 2,7 % (p = 0,003) de plus sous ivabradine que sous placebo, une augmentation ≥ 1,5 % étant retrouvée chez 36 % des patients sous ivabradine et chez 23 % sous placebo.   Un effet anti-remodelage démontré   Lors de la publication princeps, l’essai SHIFT avait permis de retrouver un effet favorable du ralentissement de la fréquence cardiaque induit par l’ivabradine sur la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, critère primaire de l’étude qui était réduit de 18 %, amélioration essentiellement due à la diminution des évènements liés à la défaillance de la pompe cardiaque, décès ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque ; l’ivabradine n’avait pas eu d’effet sur la mortalité totale, probablement du fait d’un manque de puissance, et sur la mort subite. Les effets antiremodelage démontrés par l’étude ancillaire échographique viennent expliquer cette action préférentielle sur les évènements liés à l’altération de la fonction pompe cardiaque. La diminution des volumes ventriculaires gauches, télédiastoliques et télésystoliques, associée à une augmentation de la FE, qui peut paraître modeste mais est du même ordre que celle observée avec d’autres thérapeutiques, témoigne en effet d’une amélioration de la fonction ventriculaire gauche. Cet effet de remodelage inverse fait rentrer l’ivabradine dans le club restreint des médicaments associant une amélioration de la fonction pompe et une diminution de la morbimortalité.   De plus, une nouvelle analyse post-hoc des données de l’étude SHIFT, réalisée à la demande de l’agence européenne du médicament, montre que chez les patients dont la fréquence cardiaque à l’inclusion était > 75 bpm l’ivabradine diminue de manière significative la mortalité totale et cardiovasculaire.   Ainsi chez les patients insuffisants cardiaques présentant une contre-indication aux bêtabloquants et chez ceux qui demeurent tachycardes malgré une dose maximale tolérée de bêtabloquants, si la fréquence cardiaque est supérieure à 75 bat/min, l’ivabradine sera la solutionde choix, freinant l’évolution de la maladie et améliorant les symptômes.   Les peptides natriurétiques pour optimiser le traitement   Associée aux progrès thérapeutiques, l’utilisation des peptides natriurétiques comme guide du traitement en permettant une appréciation plus fine de la volémie, pourrait permettre d’optimiser la prise en charge thérapeutique de l’insuffisance cardiaque. En effet, l’étude PROTECT(2) apporte une pierre supplémentaire à l’évaluation de l’intérêt de ce suivi biologique, en retrouvant une amélioration du pronostic des patients insuffisants cardiaques surveillés par le NT-proBNP, associée à une optimisation de leur traitement et une régression du remodelage ventriculaire gauche. Bien que ce type de prise en charge ne soit pas encore recommandé, il se dessine que, si un suivi des peptides est réalisé en ambulatoire, les concentrations ciblées doivent être basses, < 100 pg/ml pour le BNP et 1 000 pg/mL pour le NT-proBNP. L’utilisation des biomarqueurs dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque n’est qu’à sa phase initiale et les techniques d’omiques, permettant des recherches sans a priori de nouveaux candidats, laissent entrevoir l’émergence de nouveaux biomarqueurs particulièrement pertinents(3).   Sécurité d’emploi des anti-aldostérones   Au cours de l’étude PROTECT, les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone ont été, en particulier, davantage prescrits dans le groupe suivi avec le NT-proBNP. Or, les derniers résultats de l’étude EMPHASIS-HF rassurent sur l’utilisation des anti-aldostérones. L’étude avait montré le bénéfice de l’éplérénone dans l’insuffisance cardiaque systolique de stade 2(4), portant sur les sous-groupes de patient fragiles à plus haut risque d’hyperkaliémie (sujets âgés de > 75 ans, diabétiques, insuffisants rénaux), et sur les résultats du suivi en double aveugle sur près de 10 mois supplémentaires, réalisé après un arrêt prématuré de l’étude du fait du bénéfice sur la mortalité après un suivi moyen de 21 mois.   EMPHASIS-HF portait sur des patients en classe NYHA 2 ayant une FE ≤ 30 %, ou 35 % si le complexe QRS était ≥ 130 ms, traités par IEC et/ou ARA II et bêtabloquants aux doses optimales, avec un débit de filtration glomérulaire > 30 ml/min et une kaliémie < 5 mmol/l, ayant été admis pour un motif cardiovasculaire dans les 6 mois précédant la randomisation ou dont le BNP était > 250 pg/ml, traités par éplérénone 25 puis 50 mg/j ou placebo.   Toutes les classes de patients fragiles bénéficient du traitement par éplérénone.   Alors que le critère primaire, décès cardiovasculaires et hospitalisations pour insuffisance cardiaque était réduit de 37 % par l’éplérénone dans l’ensemble de la population, cette réduction est de 34 % (p = 0,0044) pour les > 75 ans, de 44 % (p < 0,0001) pour les diabétiques, de 38 % (p < 0,0001) pour les insuffisants rénaux modérés (DFG entre 30 et 60 ml/min) et ce, sans effets secondaires graves, en particulier sans surcroît d’hyperkaliémie sévère.   Des résultats identiques sont constatés dans les sous-groupes de patients présentant une FE < 30 % et ceux dont la PAS à l’inclusion était < 123 mmHg. Quant au bénéfice observé après les 10 mois de suivi supplémentaire, il est de même ordre que celui retrouvé initialement.   Cette analyse complémentaire rassure sur la sécurité d’emploi de l’éplérénone chez les patients à risque, à condition de maintenir une surveillance biologique aussi étroite dans la vraie vie que celle réalisée au cours de l’étude, qui comprenait un dosage de la kaliémie et de la créatininémie avant, une semaine et un mois après la mise sous éplérénone ou l’implémentation des doses. Chez ces patients, une surveillance biologique apparaît nécessaire tous les 3 mois, ainsi que si survient une situation à risque d’hypovolémie et donc d’insuffisance rénale fonctionnelle pouvant élever la kaliémie, tels un problème digestif (vomissements ou diarrhées), une fièvre, un épisode de canicule, etc. De plus, le maintien du bénéfice de l’éplérénone après un suivi prolongé de 10 mois supplémentaires permet de lever une des réserves de l’étude EMPHASIS-HF, dont l’arrêt prématuré aurait pu se faire au maximum de l’amplitude du bénéfice, alors que la différence observée sur une étude poussée jusqu’à son terme aurait pu être moindre.   Ainsi, à côté des IEC (ou des ARA II en cas d’intolérance de ces derniers) et des bêtabloquants, les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone constituent le troisième traitement neuro-hormonal nécessaire à la prise en charge des patients présentant une insuffisance cardiaque systolique, d’autant plus qu’une autre étude ancillaire d’EMPHASIS a démontré un effet bénéfique de l’éplérénone dans la prévention de la fibrillation atriale dont l’incidence était réduite de 42 % par rapport au groupe placebo (p = 0,034). Ainsi l’insuffisance cardiaque est plus que jamais une spécialité vivante, en perpétuel renouvellement, dont les recommandations évoluent au gré des résultats d’essais thérapeutiques solides.

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