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Congrès et symposiums

Publié le 16 oct 2012Lecture 8 min

IDM ST+ : les points forts des nouvelles recommandations

Un entretien avec Ph-G. STEG, hôpital Bichat, Paris

Entretien

La Société européenne de cardiologie (ESC) vient de publier de nouvelles recommandations pour la prise en charge de l’infarctus du myocarde (IDM) avec surélévation du segment ST(1). En quoi se démarquent-elles des recommandations de 2008 ?   Les nouvelles recommandations sont dans la continuité des précédentes, volontairement plus concises que les guidelines nord-américains afin de faciliter leur utilisation par les praticiens. Elles mettent en avant l’importance d’une prise en charge rapide en urgence afin d’offrir un traitement de reperfusion maximal à tous les patients. Nous savons que l’angioplastie primaire en urgence est bénéfique mais l’enjeu aujourd’hui est de mettre en pratique notre savoir-faire de façon homogène sur tout le territoire européen, quels que soit l’heure et le jour de l’année, autrement dit offrir un soin d’égale qualité en tous lieux et quel que soit le moment, ce qui sous-entend la mise en place d’un contrôle de qualité et une homogénéisation des procédures, qui viendront dans une étape ultérieure. Trois grands chapitres peuvent être distingués : l’organisation des soins, la prise en charge en aigu et la prise en charge secondaire.   Quoi de neuf dans l’organisation des soins ?   L’accent est mis sur l’organisation en réseau préhospitalier et hospitalier des multiples acteurs de la prise en charge. Cela suppose l’établissement de protocoles de soins écrits auxquels tous ces acteurs adhèrent au sein d’une même région géographique et qu’ils mettent en pratique.   Nous avons également revu les délais de prise en charge en distinguant deux éléments phares : le délai de décision et les délais cibles de traitement. En préhospitalier, les décideurs doivent savoir s’ils sont capables d’obtenir une angioplastie primaire dans les 120 min suivant le premier contact ; sinon, il doivent y renoncer et faire d’emblée une thrombolyse et, si tel est le cas, la mettre en œuvre dans les 30 min. Si la décision se porte sur l’angioplastie primaire, il reste 120 min pour la faire, ce qui est acceptable, mais le délai souhaitable est plutôt de 90 min, voire 60 min quand l’infarctus est grave et vu tôt. De même, le délai cible dans un centre d’angioplastie est de 60 min après le premier contact médical. Par conséquent, les fenêtres de délais cibles ont été raccourcies mais la fenêtre durant laquelle l’angioplastie primaire est préférée à la thrombolyse a été élargie, car les preuves de la supériorité de l’angioplastie sur la thrombolyse s’accumulent.   Quelles sont les nouveautés concernant les traitements de la phase aiguë ?   Pour les centres entraînés, la voie radiale est préférée. La mise en place de stents actifs est recommandée, de préférence aux stents nus, à condition que le patient soit a priori à faible risque hémorragique et supposé compliant au traitement antiplaquettaire. Le stent nu devient donc le stent par défaut.   Concernant les traitements antiplaquettaires, la bithérapie est toujours de mise mais l’association de l’aspirine aux nouveaux antiplaquettaires est clairement mise en avant : prasugrel ou ticagrelor avec des recommandations précises selon l’âge et les antécédents médicaux (les patients ayant un antécédent vasculaire cérébral, de petit poids ou très âgés sont exclus ou reçoivent une dose réduite) ; l’association aspirine et clopidogrel vient donc en 2e intention chez les patients ne pouvant recevoir ni le prasugrel ni le ticagrelor.   Autre nouveauté pour le traitement anticoagulant, la bivalirudine est clairement recommandée en 1re intention, avec une recommandation de Grade I B, sur la base des résultats de l’étude HORIZONS-AMI(2). Il est possible de recourir à l’énoxaparine (Grade IIb B), sur la foi de l’étude ATOLL(3) qui, malgré des résultats négatifs, montre une tendance positive sur tous les critères de jugement et une absence d’effet délétère comparativement à l’héparine non fractionnée (HNF). L’HNF est à présent clairement dégradée, devenant un choix de 2e intention (Grade I C), comparativement à la bivalirudine, et ne devrait être utilisée que chez les patients non accessibles à la bivalirudine ou à l’énoxaparine.   Un antiGPIIb/IIIa peut être associé à une héparine, cette option étant déconseillée avec la bivalirudine, en traitement adjuvant de l’angioplastie primaire. Cette option a été réintroduite dans les recommandations, sur la foi de l’étude européenne ON-TIME(4) qui a montré un bénéfice de leur administration préhospitalière chez des patients devant avoir une angioplastie primaire, contrairement à l’étude FINESSE(5) (dont les délais étaient probablement trop courts pour montrer un bénéfice). Les antiGPIIb/IIIa ont aussi une recommandation assez forte en cas de complication de l’angioplastie, avec un niveau de preuves plus élevé pour l’abciximab, malgré l’ancienneté des études, comparativement aux petites molécules plus récentes (niveau A versus B, respectivement).   Et pour la prise en charge secondaire ?   La réhabilitation cardiaque est fortement recommandée et peut être effectuée en ambulatoire, conjointement à la prise en charge des facteurs de risque : tabagisme (un protocole de sevrage tabagique, organisé et écrit devrait être organisé dans tous les hôpitaux) ; lipides (donner dès le premier jour une forte dose d’une statine puissante quel que soit le taux de LDL-cholestérol, hormis intolérance connue aux statines ; refaire un bilan lipidique après 4-6 semaines pour vérifier que l’objectif de LDL < 0,7 g/l est atteint et ne pas hésiter à majorer le traitement).   Dans ce contexte où la plurithérapie domine, les bêtabloquants ont été dégradés en Iia dans les infarctus non compliqués et maintenus en I A en cas d’insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique.   La stimulation systématique en cas de bloc de branche n’est plus recommandée et, dans la prise en charge du choc cardiogénique, la contrepulsion est passée de I à IIa.   Enfin, la durée de séjour hospitalier a été raccourcie : 24 h en soins intensifs, dès le premier jour en service de soins non interventionnels après l’angioplastie primaire et pas plus de 3 jours à l’hôpital au total.   Pour revenir sur les options de traitement pharmacologique, l’arrivée des nouveaux antiplaquettaires multiplie les associations possibles. Comment choisir ?   Si l’aspirine est obligatoire, le premier choix en bithérapie reste ouvert entre le prasugrel et le ticagrelor. Il n’existe pas de comparaison directe entre ces deux molécules, un tel essai est quasiment impossible étant donné les conditions inhomogènes d’accès et de remboursement de ces médicaments en Europe. (Les deux molécules sont remboursées en France [NDLR]).   En revanche, parmi les anticoagulants, les recommandations ont clairement privilégié la bivalirudine. Cette recommandation ne repose, certes, que sur un essai, HORIZONS-AMI, mais qui a mis en évidence une différence de mortalité toutes causes et cardiovasculaire à 30 j en faveur de la bivalirudine, laquelle se maintient à distance de la phase aiguë (3 ans). C’est ce qui fait la force de cet essai, bien que les patients inclus n’aient pas tous reçu une cothérapie identique. Certains ont été prétraités par héparine avant de recevoir la bivalirudine et il existe une interaction entre le résultat observé et la dose de charge de clopidogrel. C’est pour répondre à toutes les interrogations levées dans cet essai, qu’une nouvelle étude a été conçue, EUROMAX, qui permettra en outre de conforter le choix de la bivalirudine en apportant des données complémentaires.   En pratique, la combinaison privilégiée par les recommandations est : aspirine + prasugrel ou ticagrelor + bivalirudine. Sur la base des données actuellement disponibles, on peut penser qu’il est utile d’associer à la bivalirudine une bithérapie antiplaquettaire puissante, mais l’administration conjointe d’un antiGPIIb/IIIa n’améliore pas l’efficacité du traitement et ne fait qu’augmenter les hémorragies.   Dès que le diagnostic d’IDM est avéré, le double traitement antiplaquettaire et la bivalirudine peuvent être débutés. Il n’y a aucune raison de ne pas commencer par un bolus de bivalirudine dans l’ambulance, au lieu de faire un bolus d’héparine, comme c’est usuel encore aujourd’hui. Dans l’essai HORIZONS-AMI, environ 60 % des patients étaient dans cette situation (HNF puis bivalirudine). Contrairement aux HBPM, le traitement par une HNF avant la bivalirudine permet de conserver le bénéfice de la bivalirudine sans excès d’hémorragies ; en revanche, si le patient a reçu en amont de l’hôpital une héparine et un antiGPIIb/IIIa, cette voie doit être poursuivie.   Quelle est la durée optimale d’administration de la bivalirudine ?   Le protocole de l’étude HORIZONS-AMI stipulait de débuter par un bolus de bivalirudine, de poursuivre par une perfusion de bivalirudine pendant la durée de l’angioplastie et de perpétuer son administration à dose réduite pendant 4 heures. Peu d’angioplasticiens ont suivi ce schéma d’administration optimal, la majorité ayant choisi d’interrompre la bivalirudine dès la fin de l’intervention. L’arrêt trop précoce de la bivalirudine n’est pas judicieux. En effet, contrairement à d’autres anticoagulants, la bivalirudine a une demi-vie très courte, ce qui explique probablement du moins en partie sa sécurité d’emploi ; son interruption trop précoce après l’angioplastie ne permet pas aux antiplaquettaires (aspirine et clopidogrel, de métabolisme plus lent) d’atteindre leur pleine efficacité, et de prévenir le risque de thrombose de stent, laissant les patients sans protection antithrombotique pendant quelques heures. Cela pourrait expliquer le pic de thromboses précoces (1er jour) dans le bras bivalirudine de l’étude HORIZONS-AMI alors que l’incidence des thromboses de stent est équivalente dans les deux bras de l’étude ultérieurement.   C’est pourquoi, dans le protocole de l’étude EUROMAX, il est recommandé de prolonger la perfusion de bivalirudine à dose réduite pendant 4 heures après l’angioplastie.   Existe-t-il des nouveautés concernant les traitements à long terme ?   La bithérapie antiplaquettaire est obligatoire pendant 1 an, mais pour répondre aux situations concrètes chez des patients ayant besoin d’abréger cette bithérapie, des durées minimales ont été fixées : 1 mois en cas d’implantation d’un stent nu et 6 mois pour un stent actif, délais fixés sur la base de deux études (PRODIGY et une étude coréenne) qui suggèrent qu’il n’y a pas de bénéfice majeur au-delà de cette durée. De nouveaux essais sont en cours avec des résultats attendus d’ici 1-3 ans.   Par ailleurs, le rivaroxaban est autorisé en prévention secondaire avec une recommandation de Grade IIb, chez les patients traités par aspirine et clopidogrel sur la base de l’étude ATLAS, à condition qu’ils soient à faible risque hémorragique. Il n’y a aucune raison de prescrire une trithérapie chez des patients à haut risque hémorragique. Les recommandations ne se sont pas prononcées sur le choix du score de risque hémorragique, qui peut être suspecté en fonction de l’âge, du poids et de la fonction rénale. Enfin, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ont été dégradés en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche, en raison de l’incertitude quant au bénéfice à tirer chez des patients non compliqués recevant déjà une polythérapie. Propos recueillis par M. DEKER

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