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Congrès et symposiums

Publié le 06 mar 2012Lecture 7 min

SCA à très haut risque : quelle stratégie thérapeutique ?

M. DEKER, débat organisé avec le concours de The Medicines Company avec la participation de P.-G. Steg (Paris) et M. Hamon (Caen)

Journées européennes de la SFC (I)

La Société européenne de cardiologie distingue deux situations parmi les syndromes coronaires aigus (SCA) avec et sans sus-décalage du segment ST (ST+ et ST-), dont les problématiques diffèrent. Les dernières recommandations(1) consacrent la place de la bivalirudine dans la prise en charge du risque thrombotique.

La stratification des risques ischémique et hémorragique Dans les SCA ST-, après la première phase d’évaluation clinique et ECG ayant éliminé un SCA ST+ et d’autres causes non coronaires, il reste à valider le diagnostic et à décider d’une stratégie thérapeutique, ce qui nécessite une validation basée sur la réponse au traitement antiangineux, les résultats des dosages biologiques (troponine), l’évolution de l’ECG, une éventuelle échographie et l’évaluation du risque du patient ; il en découle une décision de traitement invasif urgent (< 120 min), précoce (< 24 h), standard (< 72 h) ou électif. L’évaluation du risque ischémique est réalisée au mieux par le score GRACE, lequel est basé sur l’âge, la fréquence cardiaque, la PAS, la classe Killip (I-IV), la créatinine, l’éventualité d’un arrêt cardiaque à l’admission, la présence d’un décalage de ST (sus ou sous) et les biomarqueurs. Ce score, réalisable facilement grâce à un logiciel spécifique (www. outcomes.org/GRACE) ou à des tables, donne une évaluation précise de la probabilité de décès et d’IDM à 6 mois. L’évaluation du risque hémorragique par le score CRUSADE (www.crusadebleedingscore.org) tient compte de l’hématocrite, la FC, la créatinine, le sexe, la classe Killip, les antécédents vasculaires, le diabète et la PAS. Ces deux scores comportent donc des facteurs de risque communs. Les recommandations distinguent deux types de critères de risque : – primaires, impliquant une gestion interventionnelle précoce : élévation des biomarqueurs et modifications dynamiques de l’ECG (possiblement silencieuses) ; – secondaires : diabète, insuffisance rénale, dysfonction VG, angor précoce post-SCA, antécédent récent de revascularisation coronaire, résultats du score GRACE (bénéfice de la stratégie interventionnelle précoce si > 140). Le choix des antithrombotiques Il existe deux classes d’antithrombotiques : les antiplaquettaires, aujourd’hui nombreux : aspirine, clopidogrel, prasugrel, ticagrelor, antiGPIIb/IIa, et les anticoagulants dont le choix est fondé sur l’évaluation du risque : – très haut risque : bivalirudine en monothérapie, qui a acquis un très bon niveau de preuves grâce à l’étude ACUITY(2) et montré sa supériorité en termes de sécurité hémorragique comparativement à l’héparine non fractionnée (HNF) ± anti-GPIIb/IIIa ; – risque moyen ou modéré : HNF ou bivalirudine ou fondaparinux ; – faible risque : fondaparinux ou énoxaparine. En cas de SCA ST+, situation à haut risque réclamant une intervention urgente, l’HNF, qui est l’anticoagulant de référence, garde une recommandation de grade IC, en l’absence d’essai randomisé vs placebo. Elle est toutefois détrônée par la bivalirudine depuis les résultats de l’étude HORIZONS-AMI(3). Comparativement à l’association HNF + antiGPIIb/IIIa, la bivalirudine a obtenu des résultats équivalents sur les événements thrombotiques et ischémiques associés à une réduction significative des hémorragies de 39 % (p < 0,0001), et un bénéfice en termes de mortalité totale et cardiovasculaire (réduction du risque de 43 % ; p = 0,005) ; les bénéfices sur la mortalité cardiaque se maintiennent à 3 ans (-44 % ; p = 0,001), probablement liés en partie à la franche réduction des hémorragies ; le léger excès de thrombose de stent initialement observé disparaît à 3 ans(4). Quant à l’énoxaparine, elle vient de démontrer dans l’étude ATOLL une réduction du risque sur le critère composite (mortalité, complications de l’IDM, échec de procédure et saignements majeurs) de 17 % (p = 0,07)(5). La dernière stratégie possible est le fondaparinux dont le niveau de preuves est assez élevé pour les patients à risque modéré à faible ayant un SCA ST-. Dans l’essai OASIS-6, le fondaparinux a montré un bénéfice franc chez les patients traités par thrombolyse ou sans reperfusion, mais un effet délétère en cas d’angioplastie primaire, qui le contre-indique dans ce cas(6).   L’expérience de la bivalirudine dans la « vraie vie » La bivalirudine, antithrombine direct, est l’antithrombotique qui possède le niveau de preuves le plus élevé, fondé sur un nombre important d’essais. Ses performances dans la vie réelle sont évaluées dans le registre européen, EURO-VISION (European bivaluridin utilisation in practice). La thrombine intervient dans l’initiation, l’amplification et la propagation du processus thrombotique. La rupture d’une paroi artérielle, spontanée ou mécanique, entraîne l’exposition au facteur tissulaire d’où la production initiale de petites doses de thrombine. Le phénomène se poursuit avec le recrutement et l’activation des plaquettes via la thrombine qui permet un assemblage rapide des facteurs de la coagulation à la surface des plaquettes activées, processus qui génère de grandes quantités de thrombine, cette dernière entretenant sa production à travers l’activation des plaquettes. Enfin, le processus se propage. Les anticoagulants classiques (antithrombines indirects) ont un effet limité sur la thrombine produite au sein du caillot, véritable réservoir de thrombine ; ils nécessitent en effet une liaison à l’antithrombine dont l’encombrement stérique empêche une inhibition efficace de la thrombine liée au caillot. Ils agissent donc essentiellement sur la thrombine soluble, au moment de la formation du caillot. Par ailleurs, l’héparine ou les HBPM ou le fondaparinux majorent l’agrégation plaquettaire. La bivalirudine est un antithrombine direct, synthétique, d’efficacité prévisible. Sa biodisponibilité est immédiate après injection IV, mais en raison de sa demi-vie brève, 25 min, il est nécessaire de poursuivre le traitement par perfusion (environ 4 h) pour obtenir les résultats démontrés dans les essais cliniques. Par son effet sur la thrombine, la bivalirudine peut diminuer l’agrégation plaquettaire de manière indirecte. Son efficacité est constante à travers les essais randomisés et, comparativement à l’association HNF et antiGPIIb/IIIa, elle diminue de moitié le risque d’hémorragies, ce qui se traduit par une réduction soutenue de la mortalité de 2 % en risque absolu à 3 ans(4) avec un NNT d’environ 50. Le registre a inclus plus de 2 000 patients qui ont bénéficié d’une angioplastie, dans 58 centres de 5 pays européens (un tiers en France) dont un tiers d’IDM ST+, en plus du traitement optimal en termes de dose de charge d’antiagrégants plaquettaires. Près de la moitié des patients avaient initialement reçu un antithrombine d’ancienne génération avant d’être mis sous bivalirudine. La population de l’étude est représentative de celle des coronariens (âge > 65 ans, un quart diabétiques). Les procédures étaient une angioplastie contemporaine avec pose de stents actifs dans > 60 % des cas, utilisation de la voie radiale dans 30 % des cas et utilisation marginale d’antiGPIIb/IIIa (< 7 %). Le taux des événements cardiovasculaires majeurs est < 3 % et celui des décès de 1 % à 30 jours, résultats qui se comparent très favorablement à ceux des autres registres ; il a été observé 1,6 % d’hémorragies majeures et 0,3 % de thromboses de stent (soit 6/2 000 patients). Le taux de thromboses de stent est plus bas que dans l’étude HORIZONS-AMI, ce qui est rassurant quant à l’efficacité de l’antithrombine dans la vraie vie et qui confirme la nécessité de poursuivre l’injection par perfusion du produit après l’administration du bolus (dans le registre pendant une durée médiane de 2 h), ce qui n’était pas le cas dans l’étude randomisée. Dans l’étude EUROMAX (European ambulance Angiox trial) en cours, la perfusion de bivalirudine est faite avant l’angioplastie primaire et poursuivie 4 heures après l’angioplastie. Comparativement à l’ensemble de la population, le bénéfice net de la bivalirudine, en termes d’événements ischémiques-thrombotiques et hémorragiques, est équivalent chez les diabétiques à 30 jours. La comparaison des résultats en fonction de la voie d’accès (radiale : un tiers des procédures/fémorale) ne montre pas de différence statistique entre les groupes pour les événements ischémiques-thrombotiques et les hémorragies majeures ; la voie radiale est cependant associée à une réduction des hémorragies mineures. Les facteurs prédictifs des événements ischémiques et des événements hémorragiques majeurs à 30 j chez les patients traités par angioplastie sont, respectivement, l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale. Dans la vraie vie, la bivalirudine possède donc une efficacité et une sécurité d’emploi en bonne adéquation avec les résultats des études randomisées. Chez les patients à haut risque, en particulier les diabétiques, son efficacité est notable. La voie radiale est associée à un plus faible risque de saignements mineurs. Ces résultats sont déjà pris en compte dans les recommandations européennes pour le traitement des IDM et des SCA ST-, la bivalirudine ayant acquis le plus haut niveau de preuves en monothérapie par rapport aux autres stratégies (classe I B). Une analyse poolée des patients inclus dans les essais REPLACE-2(7), ACUITY(2) et HORIZONS-AMI(3) a sélectionné plus de 14 200  patients à haut risque qui ont bénéficié d’une angioplastie après avoir reçu systématiquement une double antiagrégation plaquettaire au plus tard lors de l’angioplastie. Le risque de mortalité à 1 an est globalement de 3 %, de 12 % chez les patients ayant une FE < 35 % ; il est équivalent entre les SCA ST+ et ST- ; les diabétiques et les troncs communs ont une mortalité plus élevée. Globalement et de manière concordante entre les 3 essais, l’utilisation de la bivalirudine est associée à une réduction de mortalité de 20 % comparativement à HNF + antiGPIIb/IIa. Chez les patients insuffisants cardiaques, dont le risque de mortalité est 4 fois plus élevé, la bivalirudine est associée à une réduction précoce et durable de la mortalité, de 50 % à 1 an. Ces résultats d’une analyse de sous-groupe (non publiés) demandent à être vérifiés de manière prospective. Au total, le bénéfice clinique de la bivalirudine est net comparativement à la stratégie de traitement héparinique + anti-GPIIbIIIa de référence grâce au maintien de l’efficacité sur les événements ischémiques et à la réduction des événements hémorragiques, ce qui se traduit par une amélioration de la mortalité globale et cardiovasculaire.

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