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Obésité

Publié le 21 mai 2024Lecture 5 min

Les agonistes du récepteur du GLP-1 dans le traitement de l’obésité : oui, mais à quel prix ?

Louis MONNIER, Montpellier

Mozaffarian D. GLP-1 agonists for obesity - A new recipe for success? JAMA 2024 ; 331(12) : 1007-8.

Dans la rubrique « Point de Vue », régulièrement publiée dans le JAMA, un nutritionniste américain, Dariush Mozaffarian, de renommée internationale, vient de publier une note de 2 pages dans laquelle il soulève le problème du rapport bénéfice/prix des incrétinomimétiques (agonistes du récepteur du GLP-1) dans le traitement de l’obésité. « Oui », cette classe médicamenteuse développée initialement pour contrôler les désordres glycémiques des patients atteints d’un diabète de type 2, s'est avérée formidablement efficace en termes de perte pondérale (- 12 à -20 %) par rapport au poids de départ chez les personnes obèses. Ces résultats spectaculaires ne sont qu’exceptionnellement observés avec les régimes de restriction calorique, qu’ils soient classiques ou intenses (« Very Low Calorie Diets »). La seule thérapeutique qui permette d’atteindre de tels objectifs en termes de perte pondérale est la chirurgie bariatrique, si bien que certains considèrent que les traitements par incrétinomimétiques sont devenus une alternative crédible à la chirurgie. Cette version idyllique des incrétinomimétiques dans la prise en charge de l’obésité est toutefois affectée d'un double « hic ».   Le premier « hic » concerne le caractère transitoire de l’effet bénéfique des incrétinomimétiques, qui disparaît dès qu'on arrête le traitement dont la durée est en général de quelques mois. La reprise du poids s'effectue progressivement avec un retour au poids initial ou à son voisinage comme cela s'observe en général chez les sujets ayant suivi un régime de restriction calorique classique ayant permis une perte de poids, qui cependant reste en général beaucoup plus modeste de l'ordre de 5 à 10 kilos. Le deuxième « hic » concerne le coût des traitements par incrétinomimétiques. Dans son article, Mozaffarian avance un chiffre faramineux : 600 milliards de dollars pourrait être aux États-Unis le coût annuel des traitements de l’obésité par agonistes des récepteurs du GLP-1 si toutes les personnes théoriquement éligibles pour ce type de prise en charge pharmacologique (93 000 000 aux États-Unis) en devenaient les bénéficiaires. Ce coût de 600 milliards de dollars représenterait une dépense équivalente à celle de toutes les autres prises en charge pharmacologiques, toutes maladies confondues. À ce double dilemme (absence d’effet rémanent et coût exorbitant) se surajoute un troisième problème : 27 % des sujets auxquels un incrétinomimétique a été prescrit ont arrêté ce traitement à l'issue de la première année. Dès lors, la question majeure est de savoir comment les organismes payeurs pourraient résister à une inflation majeure des coûts pour des résultats transitoires et pour des traitements dont l'observance sur la durée reste précaire et incertaine. Plusieurs solutions pourraient être proposées : réduction du prix de vente des incrétinomimétiques, encadrement des indications des prescriptions en posologie et en durée, remboursement réservé à certaines catégories de patients obèses et conditionnées par une observance des mesures diététiques. Il est vraisemblable que ces solutions évoquées par l’auteur de l’article risquent de ne satisfaire aucun des acteurs impliqués : (a) les firmes pharmaceutiques qui ont mis au point les incrétinomimétiques car elles souhaitent, à juste titre, tirer un profit financier de leur investissement dans la mise au point de molécules originales et efficaces ; (b) les organismes payeurs qu'ils soient publics ou privés car ils risquent de se trouver devant des dépenses incontrôlées et incontrôlables vu le nombre de sujets éligibles et compte tenu de la durée des traitements qui pourraient s'installer dans la chronicité, une fois initiés ; (c) les patients obèses qui voudraient tous bénéficier de ce type de traitement avec des contraintes financières minimes et en étant convaincus que les traitements par un incrétinomimétique vont leur assurer une perte de poids pérenne sans subir les affres des restrictions caloriques ; (d) les médecins prescripteurs qui souhaiteront pouvoir prescrire ces traitements au plus grand nombre de personnes obèses en raison de leur efficacité démontrée au moins sur le court terme. Dans ces conditions, où placer le curseur pour tenter de résoudre la quadrature du cercle ? La solution raisonnable proposée par Mozaffarian ne serait-elle pas de combiner 2 mesures : le traitement pharmacologique sur une durée limitée (en initiation par exemple et éventuellement en relance thérapeutique), couplé à des mesures hygiéno-diététiques en thérapeutique de fond et sur la durée. Dès lors 3 stratégies illustrées sur la figure peuvent être envisagées : (1) le « quoi qu'il en coûte » avec l’agoniste du récepteur du GLP-1 qui sert de « booster » mais qui est  ensuite poursuivi « ad infinitum » de manière chronique afin de maintenir la perte de poids (courbe en bleu) ; (2) l’agoniste du récepteur du GLP-1qui sert de « booster » initial pour induire la perte de poids au départ de la prise en charge, mais également pour « rebooster » la perte de poids en cas de reprise pondérale (courbe en rouge) ; (3) l’agoniste du récepteur du GLP-1 qui sert de « booster » au départ accompagné et suivi par une prise en charge nutritionnelle bien conduite et bien observée qui sert de traitement de consolidation sur le long terme (courbe en vert). Comme indiqué sur la figure c’est certainement la dernière stratégie qui pourrait être la plus réaliste, car la moins onéreuse tout en étant efficace et en respectant la qualité de vie des patients. Toutefois, rien ne dit qu’elle recueille le consensus. De toute manière, elle mériterait d'être validée par des essais cliniques comparatifs et randomisés. Différents programmes d’utilisation des agonistes du GLP-1 dans le traitement de l’obésité.

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