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Insuffisance cardiaque

Publié le 22 déc 2023Lecture 7 min

Diagnostic : insuffisance cardiaque à FEVG préservée, l’échocardiographie reste-t-elle la pierre angulaire ?

Raphaël COHEN, INSERM U970, APHP, Hôpital Saint-Antoine, Paris

Chez un sujet en insuffisance cardiaque, argumenté par l’anamnèse, l’examen physique ou l’électrocardiogramme, il est recommandé dans un premier temps de réaliser un dosage des peptides natriurétiques. En cas d’élévation des peptides natriurétiques (NT-proBNP ≥ 125 pg/mL ou BNP ≥ 35 pg/mL), une échocardiographie transthoracique Doppler (ETT) doit être réalisée pour confirmer le diagnostic, en précisant le phénotype et la cause d’insuffisance cardiaque. Cependant, en pratique courante, le dosage des peptides natriurétiques n’est pas toujours réalisé et l’ETT est fréquemment prescrite d’emblée.

Les recommandations ESC 2021 sur l’insuffisance cardiaque (IC) la définissent en 3 types : IC à FEVG réduite ≤ 40 % (HFrEF ou ICFEr), IC à FEVG modérément réduite entre 40 et 49 % (HFmrEF) ayant une physiopathologie proche de l’HFrEF, et enfin IC à FEVG préservée > 50 % (HFpEF ou ICFEp). L’HFpEF reste un défi diagnostique ! En effet, chez des patients asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, sa non-évocation pourrait aboutir à un retard diagnostique ainsi qu’à une prise en charge thérapeutique retardée.   Épidémiologie et physiopathologie   La prévalence globale de l’HFpEF se situe entre 1 % et 6 % de la population générale et peut atteindre 10 % chez les femmes âgées. Après 65 ans, l’HFpEF représente 70 % des patients insuffisants cardiaques. Elle est responsable de plus de la moitié des hospitalisations pour insuffisance cardiaque(1,2). Par l’hétérogénéité étiologique, mais aussi physiopathologique, il a été long et difficile de trouver une classe thérapeutique pouvant agir sur la morbi-mortalité de l’HFpEF. Dès la mise en évidence et la prise en charge des facteurs de risque (tableau 1) de ce syndrome, même l’absence de symptômes (stades A et B de la classification AHA/ACC), des anomalies morphologiques, mais surtout fonc ionnelles cardiaques doivent être recherchées. À ce stade, le strain longitudinal global (SLG) peut déjà être altéré sans aucune autre anomalie ETT(3). Le SLG doit donc être absolument réalisé pour tout premier examen échographique chez un patient présentant un risque d’HFpEF.   Phénotypes de l’HFpEF   Afin de correctement démembrer ce syndrome aux multiples facettes, des auteurs ont cherché à différencier différents phénotypes (tableau 2) pouvant aider le clinicien à l’évoquer, le dépister et le prendre en charge(4,5).   Outre les causes secondaires, des causes primitives doivent être recherchées telles que les cardiopathies infiltratives avec en chef de file l’amylose cardiaque (TTR muté ou sauvage, mais aussi à chaînes légères AL), la cardiomyopathie hypertrophique, le RAC, les thérapies cardiotoxiques, la cardiopathie radique, la péricardite constrictive… Devant cette hétérogénéité, l’HFpEF rend son diagnostic échocardiographique difficile, mais accessible.   Échocardiographie et HFpEF   ETT dans le traitement et le suivi de l’insuffisance cardiaque Examen de première intention pour l’évaluation de géométrie (quatre cavités, régurgitations atrio-ventriculaires), de la fonction (FEVG, FEVD) et de l’hémodynamique cardiaque (interdépendance ventriculaire, pressions de remplissage ventriculaire, pressions et résistances pulmonaires, débit cardiaque…). Examen de référence pour l’évaluation étiologique. Oriente la stratégie thérapeutique (correction du remodelage cavitaire) et le suivi (veine cave inférieure, volémie). Outil de dépistage chez les patients à risque de développer une insuffisance cardiaque (strain des quatre cavités).   Paramètres morphologiques, nécessaires, mais au combien non suffisant   La mesure des épaisseurs pariétales ventriculaires gauches en incidences parasternales grand axe et petit axe doit figurer dans le compte rendu d’échocardiographie, avec détermination de la masse VG ainsi que l’épaisseur relative des parois (EPR ou RWT : Relative Wall Thickeess des Anglo-Saxons). Une valeur de 12 mm d’épaisseur de paroi est évocatrice d’une hypertrophie ventriculaire gauche. Dans l’algorithme du consensus ESC de 2020 (HFAPEFF score) un index de masse ventriculaire  149/122 g/m2 (m/w) et un RWT > 0,42 sont des critères majeurs d’orientation vers une HFpEF devant une dyspnée(6). Figure 1 Figure 1. Patterns de remodelage ventriculaire gauche. Masse VG = 0,8 × (1,04 × [(VGd + PP + Septum)3 - VGd3]) + 0,6 g RWT = 2 × PP/VGd   La mesure volumétrique du ventricule gauche en simpson biplan permet de calculer la FEVG. Le volume de l’oreillette gauche fait directement partie de l’algorithme d’évaluation des pressions de remplissage en cas de FEVG préservée. La cardiomégalie et l’augmentation de pression péricardique ont tendance à aplatir le septum interventriculaire, d’où sa forme caractéristique en diastole. L’interdépendance VD-VG en cas d’hyperpression VD s’illustre par un shift septal en télésystole et télédiastole. Ce phénomène peut être mesuré par l’index d’excentricité : rapport entre deux diamètres orthogonaux du VG en petit axe (D1 et D2), dont l’un (D2) est perpendiculaire au septum, si D2/D1 < 1 en systole ET en diastole, il y a une surcharge en pression(7). Par ailleurs, selon l’étiologie et les différents facteurs de risque, il existe certains patterns échocardiographiques : Tableau 3 IT : insuffisance tricuspide, RS : rythme sinusal   Après la FEVG, la mesure des pressions de remplissage est-elle suffisante ?   À l’issue de la mesure de la FEVG, l’utilisation des modalités Doppler pulsé et tissulaire est indispensable à la mesure des pressions de remplissage.   Le Doppler pulsé transmitral associé au Doppler tissulaire, élément discriminant(8) Le gradient de pression entre l’atrium et le ventricule gauches en diastole conditionne l’amplitude respective des ondes E et A (aires sous les profils de vitesses). Le profil Doppler mitral normal est caractérisé par un remplissage ventriculaire passif rapide (onde E) prépondérant contre un remplissage actif atrial (onde A), modulable en fonction de l’âge et de la distensibilité ventriculaire gauche. Tableau 4   Il existe une dysfonction diastolique en cas de présence d’au moins trois des quatre paramètres suivants : – rapport E/e’ moyen > 14 ; – vitesse de l’onde e’ septale < 7 cm/s OU e’ latérale < 10 cm/s ; – volume indexé de l’oreillette gauche > 34 mL/m2 ; – vélocité maximale de la régurgitation tricuspide > 2,8 m/s.   Le strain ventriculaire gauche du préclinique au pronostic(6)   Le strain longitudinal global est devenu un outil diagnostique et pronostique indispensable, excellents prédicteurs de la mortalité et des événements cardiovasculaires, quel que soit le type d’insuffisance cardiaque, tant HFpEF que d’HFmrEF. De plus, ces mesures ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de l’HFpEF. Le SLG étudie la contraction longitudinale du VG, majoritairement sous-endocardique, alors que la FEVG étudie essentiellement la composante circonférentielle. Tout comme l’onde S’mitrale, une valeur basse de SLG indique une baisse de la composante contractile sous-endocardique. Cette fonction sous-endocardique, souvent altérée chez des patients ayant des FdR d’HFpEF (HTA, obésité, maladie rénale chronique, maladie coronarienne microvasculaire). Bien que les valeurs de SLG puissent varier en fonction du type de l’échographe et le logiciel utilisé, une valeur GLS absolue > 18 % est considérée comme normale, entre 16 et 18 % limite et < 16 % anormale. Les Bulleye (forme de cible correspondant aux 17 segments du VG) sont également utiles pour déterminer l’étiologie potentielle de l’HFpEF, car elles peuvent aider à différencier les patients atteints de fibrose myocardique diffuse de ceux atteints d’amylose cardiaque (pattern en cocarde). À noter que le SLG est un marqueur pronostique précoce (morbi-mortalité) du rétrécissement aortique chez des patients asymptomatiques, directement corrélé à l’atteinte myocardique par surcharge en pression (élévation de la post-charge)(9).   Les grands oubliés ? L’atrium gauche, la valve tricuspide, les cavités droites   Du nouveau pour l’oreillette gauche ? Par l’augmentation progressive des pressions atriales gauches, l’oreillette gauche se dilate d’autant plus au prorata de la postcharge (HTA, rigidité artérielle, obésité) et en présence d’une dysfonction atriale (remodelage anatomique et/ou fonctionnel) avec ou sans fibrillation atriale. La valeur rendue dans le compte rendu d’échocardiographie doit être le volume OG indexé à la surface corporelle. Un volume > 34 mL/m2 est pathologique et il est critère mineur échographique dans le score HFA s’il est entre 29 et 34 mL/m2. La détermination du strain atrial gauche est suggérée dans l’évaluation des pressions de remplissage. Des études récentes ont montré que la combinaison de la mesure du volume OG indexé associé à la mesure du strain longitudinal atrial gauche mène à une augmentation significative du taux de détection de dysfonction diastolique chez des patients ayant une HFpEF. La déformation longitudinale atriale gauche (strain OG) se décompose en 3 en rythme sinusal(10) : – phase réservoir : elle traduit la capacité de l’OG à se remplir pendant la systole ventriculaire, lorsqu’il est réduit, il est associé à un mauvais pronostic et reflète une augmentation de la pression de l’OG et/ou une réduction de la compliance de l’OG. – phase conduit : elle reflète la capacité de l’AG à se vider correctement dans le VG pendant le remplissage passif en protodiastole ; – phase contraction : elle est le reflet de la qualité de la fonction contractile de l’OG. Figure 2 Figure 2. Différentes composantes du strain atrial et ces aspects pathologiques selon le grade de dysfonction diastolique. VA : volume atrial, AV atrio-ventriculaire     Insuffisance tricuspide et cavités droites(7) L’augmentation des pressions de remplissage dans les cavités gauches est directement responsable d’une hypertension pulmonaire post-capillaire. Ceci se traduit par une surcharge en pression dans les cavités droites et à une insuffisance tricuspide fonctionnelle directement proportionnelle à la PAPs (si flux non laminaire). Une valeur de vitesse de l’IT > 2,8 m/s soir une PAPs > 35 mmHg (si POD à 3 mmHg) est un critère d’élévation des pressions de remplissage ventriculaire gauche. La fonction ventriculaire droite doit être évaluée : – longitudinale : TAPSE, onde S ; – fraction de raccourcissement, FEVD si possible en 3D ; – strain VD : encore au stade de la recherche pour l’HFpEF. Par ailleurs, dans des publications récentes, le rapport TAPSE sur RSVP (résistances vasculaires pulmonaires déterminées sur le flux de l’IT) est associé à une morbi-mortalité des patients ayant une HFpEF. Un rapport < 0,36 mm/mmHg est pathologique(12). Figures 3, 4 et 5   Figure 3. Couplage VD AP évalué par le rapport TAPSE/PAPs est associé à une morbi-mortalité. Figure 4. Évolution naturelle des mécanismes myocardiques menant à l’HFpEF, d’après(7). Figure 5. Différents profils de la mécanique myocardique du VG, VD et AG selon le stade d’insuffisance cardiaque, d’après(5).   Algorithme décisionnel Figure 6 Figure 6. Évaluation des pressions de remplissages.

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