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Publié le 15 nov 2023Lecture 8 min

Les nouvelles recommandations sur les endocardites infectieuses

Clémence DELHOMME, service de cardiologie, hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris ; Université Paris Cité

L’endocardite infectieuse est un problème de santé publique avec une incidence d’environ 13 cas pour 100 000 personnes et un taux de décès de 0,87 pour 100 000(1). Depuis les dernières recommandations de 2015, de nouvelles données ont été publiées, justifiant la parution de nouvelles recommandations par l’European Society of Cardiology en août 2023(2).

Diagnostic   Les précédentes recommandations avaient déjà introduit l’imagerie multimodale dans le diagnostic de l’endocardite infectieuse. Cette place est confirmée par les nouvelles recommandations de 2023, en insistant notamment sur le rôle du scanner cardiaque dans le diagnostic. La réalisation d’un scanner cardiaque est maintenant recommandée dans le diagnostic des endocardites sur valve native pour détecter des lésions valvulaires et périvalvulaires et sur valve prothétique pour objectiver des complications périprothétiques, notamment si l’échocardiographie est non contributive. Le TEP-TDM est également recommandé dans les suspicions d’endocardite sur valve prothétique pour étayer le diagnostic. L’échocardiographie transthoracique (ETT) et l’échocardiographie transœsophagienne (ETO) doivent toujours être réalisées en cas de suspicion d’endocardite infectieuse du cœur gauche ou sur matériel intracardiaque. Dans le cas des endocardites du cœur droit, une ETT seule peut être suffisante, selon la qualité de l’imagerie. En l’absence de lésion identifiée et si la suspicion d’endocardite infectieuse persiste, une nouvelle ETT/ETO pourra être réalisée après 5 à 7 jours. Enfin, une imagerie cérébrale et du corps entier (par scanner, TEP-TDM et/ou IRM) est indiquée chez les patients avec endocardite confirmée pour détecter d’éventuelles lésions emboliques. Sur le plan biologique, des hémocultures répétées doivent être réalisées avant l’introduction de toute antibiothérapie. Il est important de souligner qu’en cas de suspicion d’endocardite infectieuse, des hémocultures peuvent être prélevées dans un laboratoire de ville. En l’absence de germe identifié, les sérologies à hémocultures négatives doivent être prélevées (sérologies Brucella spp, Coxiella Burnettii, Bartonella spp, Tropheryma whiplei, Mycoplasma pneumoniae, Legionella pneumophila, Candida spp, Aspergillus spp et mycobactéries). En fonction des résultats de l’ensemble de ces examens, le diagnostic d’endocardite infectieuse pourra être porté, selon les critères de Duke modifiés (tableau 1). La figure 1 résume la conduite diagnostique à tenir. Figure 1. Prise en charge diagnostique en cas de suspicion d’endocardite infectieuse du cœur gauche. Vert : recommandation de classe I ; Jaune : recommandation de classe IIa *Recommandation classe IIa si patient asymptomatique ETO : échocardiographie transœsophagienne ; ETT : échocardiographie transthoracique Ces nouvelles recommandations soulignent l’importance d’une prise de contact rapide et régulière avec une équipe spécialiste dans l’endocardite infectieuse, pour le diagnostic et la prise en charge des patients. En cas d’endocardite compliquée, il est recommandé de transférer le patient le plus rapidement possible dans un centre chirurgical disposant d’une équipe spécialiste dans l’endocardite infectieuse, afin de faciliter la prise en charge du patient. Traitement   Le traitement repose principalement sur la mise en place rapide d’une antibiothérapie adaptée (après réalisation des hémocultures). Le tableau 2 résume l’antibiothérapie recommandée et la durée de traitement selon le type de germe identifié. Ces nouvelles recommandations ont identifié plusieurs phases de traitement, en insistant sur la possibilité de poursuivre l’antibiothérapie parentérale à domicile, selon certains critères bien définis, mais les dix premiers jours de traitement doivent être systématiquement réalisés à l’hôpital.   Durant cette première phase, le traitement antibiotique doit permettre de négativer rapidement les hémocultures. C’est aussi au cours de cette première phase que l’indication opératoire doit être discutée et réalisée si retenue. À partir du 10e jour après l’initiation du traitement, ou à partir du 7e jour postopératoire en cas de chirurgie, le retour à domicile avec une antibiothérapie parentérale, voire un relais oral, peut être considéré si la totalité des critères suivants sont présents : 1/ endocardite infectieuse du cœur gauche causée par les germes du groupe streptocoque, entérocoque faecalis, staphylocoque aureus ou les staphylocoques à coagulase négative ; 2/ patient stable, avec une infection contrôlée, sans nouvelle lésion relevant d’une indication opératoire. Une ETO devra être réalisée avant le retour à domicile pour s’assurer de l’absence de nouvelle lésion pouvant relever d’une indication opératoire (figure 2). Figure 2. Gestion et traitement en cas d’encardite infectieuse confirmée. ETO : échocardiographie transœsophagienne   Néanmoins, l’antibiothérapie parentérale à domicile n’est pas recommandée chez les patients avec endocardite infectieuse causée par des micro-organismes difficiles à traiter, chez les patients cirrhotiques, avec des lésions sévères relevant d’un traitement chirurgical ou dans le cas des endocardites sur matériel intracardiaque. La durée de l’antibiothérapie varie entre 2 et 6 semaines, selon le type de germe et le type de valve (valve native ou prothèse valvulaire). La durée de l’antibiothérapie est basée sur le premier jour d’efficacité de l’antibiothérapie (date de première hémoculture négative) et non de la date de chirurgie, sauf en cas de culture de valve positive.   Dans certains cas, l’endocardite infectieuse peut être associée à des complications qui ne peuvent pas être contrôlées sous antibiothérapie seule et qui nécessitent une intervention chirurgicale. Les trois indications de chirurgie cardiaque sont les suivantes : – l’insuffisance cardiaque est la plus fréquente des complications de l’endocardite infectieuse et donc la plus fréquente des indications opératoires. Selon les séries, la prévalence de l’insuffisance cardiaque dans les endocardites infectieuses du cœur gauche est comprise entre 19 et 73 % ; – l’infection non contrôlée : présence de lésions valvulaires évocatrices d’infection non contrôlée, persistance d’un sepsis malgré une antibiothérapie efficace ou infection causée par un germe virulent ; – la prévention des emboles : le cerveau et la rate sont les organes les plus fréquemment concernés. Les lésions emboliques sont le plus souvent asymptomatiques et concernent plus de 50 % des patients, justifiant la réalisation systématique d’une imagerie cérébrale et de corps entier chez les patients présentant une endocardite infectieuse. Le tableau 3 résume les indications opératoires et le timing de la chirurgie selon l’indication.     Cas particuliers   Endocardite infectieuse du cœur droit Les endocardites infectieuses du cœur droit représentent 5 à 10 % des endocardites. Les facteurs de risque sont les patients présentant des cardiopathies congénitales, la présence de cathéters centraux de longue durée, la présence de stimulateurs cardiaques et la toxicomanie intraveineuse. Sur le plan clinique, les patients peuvent présenter de la fièvre associée à des symptômes pulmonaires liés à la présence d’emboles pulmonaires. Le diagnostic est confirmé par la présence de végétations, principalement sur la valve tricuspide. L’ETT peut être suffisante pour porter le diagnostic, sans nécessité de réaliser une ETO, en cas de bonne échogénicité. Comme dans le cas des endocardites infectieuses du cœur gauche, en présence de prothèses valvulaires du cœur droit, le TEP TDM ou le scanner cardiaque peuvent être utiles au diagnostic. Le germe le plus souvent mis en évidence dans les endocardites infectieuses du cœur droit est le staphylocoque aureus. Les endocardites infectieuses du cœur droit ont un meilleur pronostic que celles du cœur gauche et peuvent être traitées médicalement dans plus de 90 % des cas sans nécessité de chirurgie. Les indications chirurgicales des endocardites infectieuses du cœur droit sont plus limitées : – présence d’une dysfonction ventriculaire droite secondaire à une insuffisance tricuspide sévère, ne répondant pas au traitement diurétique (classe I, niveau d’évidence B) ; – présence d’une insuffisance respiratoire nécessitant une assistance respiratoire, à la suite d’un embole pulmonaire (classe I, niveau d’évidence B) ; – présence de lésions du cœur gauche (classe I, niveau d’évidence C) ; – présence de végétations sur la valve tricuspide > 20 mm après un événement embolique pulmonaire (classe I, niveau d’évidence C) ; – persistance d’une bactériémie de plus d’une semaine malgré une antibiothérapie adaptée (classe IIa, niveau d’évidence B). Endocardite infectieuse sur les stimulateurs cardiaques La démarche diagnostique est similaire à celle des endocardites infectieuses du cœur gauche : les hémocultures doivent être répétées et une ETT ainsi qu’une ETO doivent être réalisées et répétées à 5-7 jours en cas d’examen initial négatif. Le TEP-TDM a également une très bonne sensibilité et spécificité dans le diagnostic d’endocardite infectieuse, sauf en cas d’implantation récente du stimulateur cardiaque. Le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée et l’extraction rapide et complète de l’ensemble du stimulateur cardiaque, en privilégiant une approche percutanée. Si nécessité d’une réimplantation, celle-ci doit être réalisée à distance du site du premier stimulateur, le plus tard possible, au moins 72 heures après l’extraction en l’absence de végétation et de nouvelle hémoculture positive ou après 2 semaines d’hémocultures négatives en présence de végétations. Le type d’antibiothérapie est identique à celui des endocardites infectieuses du cœur gauche (tableau 2). Prévention   Les populations à haut risque d’endocardite infectieuse sont les suivantes : – les patients avec un antécédent d’endocardite infectieuse ; – les patients avec une prothèse valvulaire, y compris les prothèses percutanées ou tout autre matériel utilisé pour une réparation valvulaire (anneaux, clips). Les patients avec prothèses de fermeture de foramen ovale perméable ou de communication inter-atriale, pontage vasculaire ou filtre cave sont inclus dans les populations à haut risque pendant les six premiers mois suivant l’intervention ; – les patients présentant une cardiopathie congénitale cyanogène ou une cardiopathie congénitale traitée avec une prothèse implantée chirurgicalement ou par voie percutanée jusqu’à 6 mois après la procédure ou à vie si persistance d’un shunt ; – les patients avec assistance ventriculaire en « destination therapy ». Une antibioprophylaxie est recommandée uniquement chez ces patients à haut risque avant tout geste dentaire. L’antibiotique recommandé reste l’amoxicilline 2 g, et en cas d’allergie à la pénicilline, la céphalexine 2 g. En complément de l’antibioprophylaxie, l’éducation de ces patients est primordiale : consultation dentaire deux fois par an, hygiène bucco-dentaire, maintenir une bonne hygiène cutanée, éviter les piercings ou tatouages, être vigilant en cas de fièvre, hémocultures systématiques en présence de fièvre, prescription d’antibiothérapie uniquement après hémocultures, etc. L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêts.

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