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Cœur et sport

Publié le 15 mai 2023Lecture 8 min

Échographie du sportif : quand pousser les investigations ?

Antoine DENEY*, Thibault LACHARD**, *Chef de clinique assistant, cardiologie du sport/insuffisance cardiaque avancée, CHU Toulouse-Rangueil, **Praticien hospitalier, médecine du sport/cardiologie du sport, hôpital Gabriel-Montpied, CHU de Clermont-Ferrand

La pratique sportive intense et prolongée peut être à l’origine d’adaptation cardiovasculaire significative permettant d’améliorer les réponses aux contraintes de l’exercice et d’améliorer les performances de l’athlète. Il y a plus d’un siècle, en Suède, le docteur Henschen est le premier à évoquer l’idée que la pratique du sport entraîne un remodelage cardiaque, grâce à la percussion thoracique, où il décrit que le coeur des skieurs de fond est dilaté, comme chez les patients hospitalisés présentant des cardiopathies dilatées. La principale différence était le versant hyperfonctionnel du coeur des skieurs de fond leur permettant d’avoir des capacités aérobies supérieures à la normale. Il est le premier à parler de « sporthertz » (cœur d’athlète).

Actuellement, il est retenu que le remodelage cardiaque concerne tout type de sportif avec au moins 6 à 8 heures de sport par semaine d’une intensité supérieure au premier seuil ventilatoire pendant au moins six mois, avec une régression relativement rapide de celui-ci à l’arrêt de l’entraînement physique(1). Les sports le plus souvent concernés correspondent aux sports d’endurance en contrainte dynamique comme le cyclisme, le ski de fond, l’aviron, le triathlon. Le cœur de l’athlète peut s’exprimer à travers les différentes explorations cardiologiques au travers de l’examen clinique, l’électrocardiogramme ou encore à l’imagerie cardiaque. La problématique reste la confusion entre le phénotype du remodelage du cœur d’athlète et celui de certaines cardiomyopathies qui sont à risque d’événement cardiaque au cours de la pratique sportive. Cet article a pour but de présenter les principales caractéristiques du cœur d’athlète à l’échographie transthoracique (ETT) afin de ne pas conclure par excès à une pathologie cardiaque et à l’inverse de ne pas expliquer les anomalies d’une cardiomyopathie sous-jacente par une pratique sportive intense.   Le cœur d’athlète à l’échographie cardiaque   Premièrement, la morphologie cardiaque doit montrer une dilatation équilibrée de l’ensemble des cavités cardiaques : le ventricule gauche (VG) plus grand que le ventricule droit (VD). • Concernant le VG (l’athlète caucasien masculin) : – celui-ci est plus dilaté avec un diamètre télédiastolique du ventricule gauche (DTDVG) augmenté en moyenne chez les sujets endurants de 3 à 6 mm avec une mesure comprise le plus souvent entre 55 et 60 mm. Il est plutôt rare que la valeur indexée dépasse les 32 mm/m2 ; – celui-ci peut être plus épais avec un épaississement moyen de 2-3 mm avec une épaisseur pariétale dépassant 12 mm chez seulement 3 % des sujets ; – la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) est normale. Cependant, on peut retrouver dans de rares cas de sujets endurants une diminution de la FEVG < 50 % accompagnée de bradycardie profonde. Une réduction du strain longitudinal global (SLG) peut être observée (reste < -16 %)(2) ; – cependant, la fonction diastolique est toujours normale ou supra normale avec un rapport E sur A > 2 avec un E/A toujours > 1 et une onde e’ latérale > 12 cm/s et e’ septal > 8 cm/s avec un paramètre comme la population générale qui peut régresser avec l’âge. • Concernant l’oreillette gauche (OG) : On note de grandes variations avec une augmentation significative chez les sportifs d’endurance avec une augmentation moyenne supérieure de 35 % par rapport à la population générale. Une dilatation au-delà de 40 mL/m2 reste rare et concerne principalement les athlètes professionnels, pratiquant des sports d’endurance avec des volumes d’entraînements importants comme dans le cyclisme ou le triathlon. En comparaison avec une « oreillette malade », elle gardera une bonne fonction réservoir avec une fraction de vidange et un index d’expansion normal(3). • Concernant le VD : – dans plus de 50 % des cas, le VD présente des paramètres de dilatation ; – la fraction d’éjection du ventricule droit (FEVD) est le plus souvent préservée à l'instar de la FEVG ; – il n’y a pas ou très peu d’hypertrophie. • Concernant les valves et les gros vaisseaux : – les fuites pulmonaire ou tricuspidienne minimes sont fréquentes ; – l’aorte n’est pas dilatée de façon significative. • Selon le genre, chez la femme : Les paramètres échographiques sont moins marqués chez les femmes que chez les hommes, mais présentent également des modifications similaires à l’homme avec des mesures indexées à leur gabarit. • Selon l’origine ethnique : Chez l’athlète afro-caribéen ou encore les Îliens du Pacifique, une hypertrophie myocardique peut être visualisée de façon physiologique associée à une moindre dilatation du VG. Les athlètes asiatiques, notamment japonais, semblent être plus marqués par la dilatation des cavités en comparaison aux Afro-Caribéens et Caucasiens(4) (figure 1).   Cœur d’athlète ou cardiomyopathie dilatée (CMD) ?   Une dilatation du VG avec DTDVG de plus de 60 mm peut être retrouvée chez 10 à 15 % des sportifs d’endurance à haute intensité. Sur une cohorte de cyclistes du Tour de France, il a été identifié presque 50 % des cyclistes avec DTDVG > 60 mm(5). Une analyse fine et globale à l’ETT au repos peut démasquer des signes de pathologie : une dilatation disharmonieuse des cavités cardiaques avec un VG globuleux est un point d’appel vers la CMD avec notamment des parois affinées. Une altération de la FEVG < 45 % est anormale. Les cas de FEVG entre 45 et 50 %, sont très rares, uniquement chez des athlètes d’endurance, professionnels, et associés à une bradycardie marquée, une capacité aérobie maximale nettement supérieure à la normale, et une FEVG qui augmente de plus de 11 % à l’effort. Le SLG du VG peut être plus altéré chez les athlètes, mais reste au-delà de -16 %. L’altération des paramètres diastoliques ne fait pas partie du remodelage physiologique du cœur d’athlète jeune et doit nécessiter la réalisation d’un bilan complémentaire(6). Des troubles de la cinétique orientent vers la CMD de même que de l’hypertension artérielle pulmonaire au repos comme à l’effort ou encore une altération du SLG persistant à l’effort. En cas de doute sur un remodelage physiologique de cœur d’athlète, l’échocardiographie d’effort permet d’aider dans l’algorithme diagnostique(7). Une réserve contractile (< 11 %) et une FEVG d’effort maximal insuffisantes (< 63 %) ne sont pas en faveur d’un cœur d’athlète. Au total : une dilatation du VG > 60 mm peut être retrouvée chez un athlète élite, mais elle doit être associée à une capacité aérobie maximale (VO2max) nettement supérieure à la normale, l’absence de dysfonction diastolique et une FEVG supérieure à 50 %. Si la FEVG est < 50 % et/ou un SLG altéré, il est nécessaire de compléter le bilan par une échocardiographie d’effort. En cas de baisse de la réserve contractile du VG (gain de la FEVG < 11 %), le bilan cardiovasculaire pour suspicion de CMD doit être réalisé et une surveillance régulière est conseillée.   Cœur d’athlète ou cardiopathie hypertrophique (CMH) ?   Les adaptations physiologiques du cœur et un exercice physique intense ne provoquent que modérément une hypertrophie et ne sont jamais symptomatiques. La mesure précise des parois est déjà en soit une difficulté chez le sportif où il est difficile de délimiter le septum et les bandelettes du VD. Le premier réflexe à avoir devant une suspicion de CMH est de vérifier l’absence d’erreur de mesure (figure 2).   De façon rare, une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) au-delà des normes peut être retrouvée et plus fréquemment chez les sportifs afro-caribéens, d’Afrique centrale ou encore Îliens du Pacifique (5-10 %) vs les sportifs caucasiens (3-5 %)(8). À partir de 15 mm chez l’athlète caucasien, l’hypertrophie pariétale correspond à une CMH jusqu’à preuve du contraire(9). À partir d’une hypertrophie pariétale de 13 millimètres en dehors d’un cas index, situation correspondant à environ 2 % des athlètes et environ 5 % des CMH(10), il est nécessaire d’identifier les signes échographiques orientant vers la pathologie tels que : – une hypertrophie ventriculaire concentrique sans dilatation du VG discordant avec l’adaptation physiologique du cœur à l’effort avec un DTDVG < 54 mm et de façon certaine < 48 mm(11) ; – un épaississement pariétal asymétrique avec un gradient d’obstruction au repos ou à l’effort significatif > 30 mmHg ; – une altération de l’appareil valvulaire mitral ; – une altération de la fonction diastolique ; – une dilatation isolée de l’OG ; – un SLG altéré au repos comme à l’effort est en faveur d’une cardiomyopathie(12). Cependant, le SLG garde une limite dans le dépistage des CMH chez les athlètes. Il a été démontré dans une étude que les athlètes présentant une CMH ont un meilleur SLG que les sujets sédentaires avec une CMH et que les valeurs étaient proches du SLG d’athlète sans CMH. En revanche, la dispersion mécanique était augmentée chez les sujets athlètes et sédentaires avec une CMH par rapport aux sujets athlètes et sédentaires sans CMH(13). Chez les athlètes féminines de même que chez les athlètes adolescents, on ne retrouve que très rarement une épaisseur pariétale > 13 mm et doit faire pousser les investigations(14).   Cœur d’athlète ou cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène ?   Le diagnostic est primordial notamment lorsque l’on s’intéresse à la pratique sportive, car elle peut favoriser l’aggravation de la pathologie et la pratique du sport et elle est un trigger arythmogène. Son diagnostic est difficile, reposant sur une combinaison de critères cliniques, électrocardiographiques, morphologiques à l’ETT et l’IRM, et rythmiques. L’analyse morphologique notamment à travers l’échographie cardiaque est utile au diagnostic, mais la présentation phénotypique peut être confondue avec le cœur d’athlète. En effet, chez l’athlète, il peut être retrouvé jusqu’à 35 % de patients présentant une dilatation de la chambre de chasse du VD validant un critère majeur et presque 60 % pour un critère mineur(15). Le VD dans le cœur d’athlète présente toujours une dilatation homogène par rapport au VG, et prédomine à la base du VD, sans déformation anévrismale ou dyskinésie de ses parois, sans défaut la FEVD et des différents paramètres d’évaluation de la fonction systolique du VD (TAPSE, vitesse de l’onde S’, fraction de raccourcissement de surface ventriculaire droite) au repos comme à l’effort. Le strain longitudinal de la paroi libre du ventricule droit doit être normal (peut être légèrement altéré en basal) (figure 3). Au total : le diagnostic de la cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène chez l’athlète ne doit pas se résumer sur les dimensions absolues du VD dont les mesures sont régulièrement prises à défaut. À l’échocardiographie, il est important de rechercher une dilatation non harmonieuse du VD avec une dysfonction systolique globale ou localisée qui est les paramètres les plus discriminants pour la cardiopathie arythmogène chez l’athlète.   Cœur d’athlète ou non-compaction du ventricule gauche (NCVG) ?   Chez l’athlète, l’hypertrabéculation du VG est plus souvent retrouvée allant jusqu’à 18 % contre 7 % chez les témoins(16). Les hypertrabéculations peuvent être à la fois l’expression d’une NCVG(5), mais aussi les conséquences d’une adaptation du VG à une augmentation de la précharge comme cela a été évoqué chez les athlètes et la femme enceinte(17). Un diagnostic de NCVG chez un athlète doit être envisagé s’ils remplissent les critères échocardiographiques classiques(18), associés à : – une dysfonction systolique (FEVG < 50 %) ; – une dysfonction diastolique (E› < 9 cm/s) du VG ; – une paroi compacte fine (< 8 mm en systole) ; – ECG 12 dérivations anormales. Si c’est le cas, le bilan complémentaire de suspicion de NCVG doit être réalisé (figure 4). Les auteurs ne déclarent aucun lien d’intérêt avec le sujet.

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