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Publié le 28 nov 2022Lecture 5 min

Nouvelles recommandations européennes sur la mort subite - Se donner les moyens de trouver la cause…

Soraya ANYS, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris

Au vu du pronostic encore très défavorable, une meilleure compréhension des causes de la mort subite ou de l’arrêt cardiaque est indispensable, donnant l’opportunité lorsqu’il est récupéré d’introduire une thérapeutique spécifique en plus de l’implantation éventuelle d’un défibrillateur. Pour la famille, en cas de maladie cardiaque héréditaire, un dépistage précoce, la mise en place d’un suivi adapté et d’éventuelles thérapeutiques permettent d’initier une démarche de prévention primaire individualisée.

Les causes sont nombreuses et varient notamment en fonction de l’âge du sujet. La maladie coronaire est impliquée dans la majorité des cas (80 %). Les cardiomyopathies représentent la deuxième famille d’étiologies (10-15 %). Plus rarement, en particulier chez les sujets jeunes, des maladies cardiaques électriques, sans anomalie structurelle, sont retrouvées (5-10 %)(1). Les dernières recommandations de l’ESC 2022(2) insistent sur l’importance d’un bilan exhaustif. Il doit être systématique pour identifier avec le plus de certitude possible l’étiologie de l’arrêt cardiaque récupéré ou de la mort subite. L’imputabilité des anomalies retrouvées peut parfois être difficile et nécessite de bien évaluer la probabilité pré-test et de prendre en considération le contexte de survenue de l’arrêt cardiaque et les caractéristiques du patient.   Quel bilan après un arrêt cardiaque récupéré ?   Pour les survivants, la démarche diagnostique suivante est proposée. Un ECG doit être réalisé dès la phase préhospitalière et répété à l’admission à l’hôpital (dérivations standards et hautes au 2e espace intercostal) (I), avec au cours de l’hospitalisation une surveillance télémétrique continue. La coronarographie doit être pratiquée immédiatement (admission directe en salle de cathétérisme) en cas de STEMI évident sur l’ECG ou, en l’absence de STEMI, en cas d’instabilité électrique lors de la reprise d’activité circulatoire. Pour les autres patients, s’il n’y a pas de cause évidente, les investigations coronaires se feront dans un second temps au cours de l’hospitalisation, soit par coronarographie (éventuellement complétée par échographie ou imagerie en cohérence optique endocoronaire) soit par une autre technique d’imagerie coronaire (I). Un scanner thoracique et cérébral doit être pratiqué en cas de doute sur une cause extra-cardiaque (IIa). Dès l’arrivée en réanimation, des prélèvements sanguins sont faits, pour éventuelle analyse génétique ultérieure (I) et pour recherche de toxiques, guidée par le contexte. On pourra rechercher la présence dans le sang d’éthanol, de cocaïne, d’opiacés, de benzodiazépines, et de médicaments à risque particulier prescrits au long cours. Une échographie cardiaque doit systématiquement être réalisée à la recherche d’une cardiomyopathie sous-jacente (I). L’IRM cardiaque est un complément utile pour une analyse myocardique fine avec notamment la recherche de rehaussement tardif (I). Si aucune étiologie n’est retrouvée, et en fonction du contexte, des explorations complémentaires peuvent être réalisées. Une épreuve d’effort (I) ou un test à l’ajmaline (I) pour rechercher une canalopathie et en cas de négativité du reste du bilan, un test de provocation au Methergin® (IIb) à la recherche d’un spasme coronaire. L’imputabilité de l’arrêt cardiaque au spasme coronaire est difficile (possibilité d’être sujet à la maladie spastique sans qu’elle soit forcément responsable de l’arrêt cardiaque), et cet examen devra donc être réalisé en dernière intention, si aucune autre cause n’a été retrouvée et uniquement si le contexte est évocateur. Les autres tests de provocation (par exemple à l’adrénaline), du fait notamment de leur difficulté d’interprétation, ne sont plus que cités dans les recommandations et doivent probablement n’être envisagés qu’en cas de suspicion clinique forte et par des équipes expérimentées dans leur réalisation. À l’issue de ce bilan, une analyse génétique ciblée est proposée si une maladie cardiaque héréditaire est retrouvée et permettra en cas de variation pathogène identifiée de proposer un dépistage présymptomatique dans la famille. En l’absence de phénotype chez le sujet jeune, après bilan exhaustif excluant une cause acquise, peut être réalisée une analyse génétique (IIb) avec un panel plus large ciblant les gènes associés aux canalopathies, avec une rentabilité diagnostique moindre et un risque de mettre en évidence des variations de signification inconnue dont l’interprétation est difficile en l’absence de phénotype clair. Un arbre diagnostique, inspiré des recommandations, est présenté en figure 1.     Quel bilan en cas de mort subite ?   En cas de décès pré- ou intra-hospitalier, c’est l’autopsie qui est la pierre angulaire de l’enquête étiologique (I). Elle doit être systématiquement proposée à la famille et réalisée par un anatomo-pathologiste expérimenté dans l’autopsie cardiaque, avec analyse macroscopique et histologique. Elle permettra également le prélèvement de tissus qui seront stockés en vue d’une possible analyse génétique (I). Le bilan à visée toxicologique proposé dans le cadre du bilan après arrêt cardiaque récupéré est là aussi indiqué (I). En France, ces autopsies sont encore trop peu proposées et pratiquées, rendant entre autres difficile l’information aux familles concernant le risque d’occurrence chez les proches et l’utilité et les modalités d’une stratégie de dépistage.   Quel bilan pour les apparentés ?   Concernant la famille, un dépistage des apparentés du premier degré est recommandé si une maladie cardiaque héréditaire est identifiée ou suspectée (contexte ou antécédents familiaux évocateurs), en cas de symptôme suspect chez l’apparenté ou en cas de mort subite inexpliquée chez un sujet de moins de 50 ans. Dans le cadre de ce dépistage familial, seront réalisés au minimum un ECG 12 dérivations (avec dérivations hautes), une échographie cardiaque, une épreuve d’effort (I). Ce bilan peut être complété par un Holter ECG (IIb), une IRM cardiaque (IIb) et par un test à l’ajmaline (IIa si contexte en faveur, autrement IIb). Ces explorations complémentaires doivent être guidées par le contexte de survenue de l’arrêt cardiaque dans la famille ainsi que par les caractéristiques du cas index (âge, sexe, antécédents…). En effet l’interprétation de leurs résultats doit prendre en considération la probabilité diagnostique pré-test. Dans la majorité des cas, nous n'avons malheureusement aucune information sur la cause de la mort subite chez le cas index décédé. Ce bilan chez les apparentés du 1er degré devra alors être répété au cours du temps pour dépister précocement l’apparition éventuelle d’un phénotype. Les dernières recommandations proposent notamment de suivre les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans (I). Le bilan après une mort subite ou un arrêt cardiaque récupéré est encore rarement réalisé de manière exhaustive(1). Et même lorsqu’il est complet, des doutes peuvent persister pour le clinicien. L’enquête étiologique, orientée par le contexte de survenue de l’arrêt cardiaque et les caractéristiques et antécédents de la victime, se doit donc d’être la plus systématique possible pour trouver la cause la plus probable en éliminant les éventuels diagnostics différentiels. L’enjeu est primordial à la fois pour le patient, mais également pour sa famille.

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