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Études-Consensus-Recommandations

Publié le 15 oct 2022Lecture 5 min

Essai « ISCHEMIA-CKD EXTEND » : quel impact sur la survie d’une stratégie invasive chez les patients insuffisants rénaux chroniques ?

Théo PEZEL, service de cardiologie, CHU Lariboisière, APHP, Paris

Récemment, l’essai ISCHEMIA évaluant l’impact pronostique d’une stratégie par revascularisation coronaire percutanée versus un traitement médical n’a pas montré de bénéfice à la revascularisation coronaire sur la survenue des décès/infarctus du myocarde chez des patients avec maladie coronaire chronique stable. De nombreuses études récentes ont montré que l’insuffisance rénale chronique est un puissant facteur de risque cardiovasculaire indépendant, avec une corrélation importante entre la baisse du débit de filtration glomérulaire et la survenue d’événements cardiovasculaires graves. Ainsi, chez ces patients à très haut risque cardiovasculaire, la question de l’intérêt de la revascularisation coronaire en cas de maladie coronaire chronique stable reste peu étudiée.
Pour répondre à cette question, l’essai ISCHEMIA-CKD a été réalisé. L’objectif de l’essai était d’évaluer le traitement invasif par revascularisation coronaire par rapport au traitement médical optimal chez les patients présentant une cardiopathie ischémique stable avec une ischémie myocardique au moins modérée et une maladie rénale chronique avancée.

• Population de l’étude   L’essai ISCHEMIA-CKD était une étude randomisée en ouvert réalisée chez des patients avec insuffisance rénale chronique connue et découverte d’une cardiopathie ischémique stable avec une ischémie au moins modérée lors d’une épreuve fonctionnelle non invasive entre un traitement invasif par revascularisation coronaire systématique (n = 388) et un traitement médical optimal (n = 389). Dans le groupe de traitement invasif de routine, les sujets ont subi une coronarographie et une intervention coronarienne percutanée (ICP) ou un pontage aorto-coronarien (PAC), selon le cas. Dans les groupes de traitement médical, les sujets ont subi une coronarographie uniquement en cas d’échec du traitement médical. Les critères d’inclusion et d’exclusion de la population étaient les suivants : Critères d’inclusion : – patients âgés de plus de 20 ans ; – ischémie modérée à sévère à l’épreuve d’effort non invasive (imagerie nucléaire de stress ≥ 10 % d’ischémie ; écho de stress ou IRM de stress : ≥ 3 segments sur 17 avec ischémie ; épreuve d’effort sur tapis roulant ≥ 1,5 mm de dépression ST dans ≥ 2 dérivations ou ≥ 2 mm de dépression ST dans une seule dérivation à < 7 MET avec angine). Critères d’exclusion : – SCA récent ; – patient avec FEVG < 35 % ; – angine très invalidante au début de l’étude ; – insuffisance cardiaque avec NYHA III ou IV ; – ICP ou PAC antérieur récent dans les 12 derniers mois.   • Résultats principaux de l’étude   Cette étude a recruté 777 patients avec insuffisance rénale chronique (âge moyen 63 ans, 31 % de femmes). À noter que 57 % des patients étaient diabétiques et que 53 % étaient déjà en dialyse au moment de l’inclusion. Sur le plan de l’atteinte coronaire, 51 % des patients étaient pluritronculaires et 57 % des patients avaient une sténose serrée de l’IVA. Parmi l’ensemble des patients évalués, 62 % avaient une ischémie modérée et 38 % une ischémie sévère. La durée moyenne de suivi était de 2,3 ans. Sur l’ensemble de la période de suivi, une coronarographie a été réalisée dans 85 % du groupe invasif contre 22 % du groupe de thérapie médicale. Sur l’ensemble de la période de suivi, une revascularisation coronaire a été effectuée chez 50 % des patients du groupe invasif contre 12 % des patients du groupe de thérapie médicale. Le résultat principal de l’étude ne montre aucun bénéfice significatif de la revascularisation coronaire par rapport à un traitement médical optimal sur la survenue de décès ou d’infarctus du myocarde après un suivi moyen de 2,3 ans (survenue du critère composite chez 36,4 % des patients du groupe invasif de routine, contre 36,7 % des patients du groupe de thérapie médicale, p = 0,95). L’analyse des critères de jugement secondaires après 5 ans de suivi montre que la revascularisation coronaire n’apportait aucun bénéfice en termes de réduction de la mortalité toutes causes confondues (40,6 % dans le groupe de traitement invasif systématique contre 37,4 % dans le groupe de traitement médical, p = 0,32, figure 1), ou de la mortalité cardiovasculaire (29,0 % dans le groupe de traitement invasif systématique contre 27,1 % dans le groupe de traitement médical, p = 0,75). Concernant l’évaluation de la qualité de vie, les auteurs ont utilisé le score du Seattle Angina Questionnaire (SAQ) pour comparer la persistance d’un angor entre le groupe du traitement invasif versus le traitement conservateur. Sur l’évaluation réalisée à 3 mois, il y avait une réduction de la fréquence des signes d’angor dans le groupe invasif par rapport au traitement conservateur. Cependant, après 12 et 36 mois de suivi, il n’y avait plus d’avantage sur le score du SAQ pour le traitement invasif par rapport au traitement conservateur. Sur le plan de la tolérance, le traitement invasif était associé à un risque accru d’accident vasculaire cérébral et de décès/dialyse par rapport au traitement conservateur (p < 0,05).   • Analyses en sous-groupe intéressantes   Chez les patients avec ischémie sévère En étudiant uniquement les patients souffrant d’ischémie sévère, il n’y avait toujours pas de bénéfice significatif de la revascularisation coronaire par rapport à un traitement médical optimal (HR 0,70 ; IC95% : 0,46- 1,05). Ce résultat rejoint les résultats de l’essai ISCHEMIA publié qui ne retrouvaient pas de bénéfice de la revascularisation coronaire par rapport à un traitement médical optimal sur une série consécutive de patients souffrant d’ischémie sévère (avec ou sans insuffisance rénale chronique).   Chez les patients avec maladie rénale avancée Bien que la survenue de décès/infarctus du myocarde fût plus élevée chez les personnes atteintes d’une maladie rénale avancée (p < 0,001), il n’y avait aucun bénéfice significatif de la revascularisation coronaire par rapport à un traitement médical optimal dans cette population. En effet, il n’y avait pas modification de l’effet de la revascularisation coronaire en fonction du stade de la maladie rénale chronique (p-value interaction = 0,47) ou du débit de filtration glomérulaire (p-value interaction = 0,69).   Interprétation des résultats Chez les patients présentant une cardiopathie ischémique stable, une ischémie modérée à sévère au test fonctionnel non invasif et une maladie rénale chronique avancée, le traitement invasif de revascularisation coronaire n’a pas permis de réduire l’incidence de décès ou d’infarctus du myocarde par rapport au traitement médical optimal. Le traitement invasif n’a pas non plus apporté de bénéfice en termes de mortalité toutes causes confondues après 5 ans de suivi. En fait, le traitement invasif était associé à un risque accru d’accident vasculaire cérébral et de décès/dialyse par rapport au traitement conservateur. Il est important de noter qu’une grande proportion de sujets ne présentait pas d’angor au départ. On a constaté une amélioration modeste de l’effet bénéfique sur les symptômes à 3 mois, en particulier chez ceux qui présentaient un angor quotidien/hebdomadaire ; toutefois, cet effet bénéfique s’est dissipé à tous les points de repère ultérieurs. Ces résultats ne s’appliquent pas aux patients présentant un SCA récent, aux patients très symptomatiques ou à ceux dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche est inférieure à 35 %. Dans l’ensemble, la mortalité était élevée et n’a pas été influencée (positivement ou négativement) par le traitement invasif de routine.

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