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Cardiologie générale

Publié le 07 mar 2022Lecture 8 min

e-Direct L’hypertension artérielle au féminin

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eDirect L’hypertension artérielle au féminin

Le dogme selon lequel les femmes sont protégées du risque cardiovasculaire par leur statut hormonal a vécu. Les femmes non seulement sont surreprésentées dans la population hypertendue mais elles sont également insuffisamment prises en charge aux différentes étapes de leur vie. « HTA & Femmes : il faut agir ! » était le thème de l’émission e-Direct réalisée début octobre avec la participation du Pr Jean-Jacques Mourad, du Dr Dominique Guedj-Meynier et du Dr Alain Wajman, modérée par le Dr Pierre Sabouret, en partenariat avec le Laboratoire X.O.

L’HTA touche les femmes plus tôt que les hommes « Dans le domaine de l’HTA, les femmes deviennent des hommes comme les autres » : c’est par cette réplique que le Pr Mourad a dénoncé l’effet faussement protecteur du sexe féminin vis-à-vis du risque cardiovasculaire et de l’HTA en particulier. Ce constat est plus que jamais d’actualité. Les enquêtes épidémiologiques mettent en évidence, depuis le début des années 2000, une inversion de la proportion hommes/femmes parmi les sujets hypertendus. En 2000, 26,1 % des femmes étaient hypertendues contre 26,6 % des hommes, alors qu’en 2025, ce seront 29,5 % des femmes qui seront hypertendues versus 29,0 % des hommes(1). Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’incidence croissante de l’HTA dans la population féminine. D’une part, l’hypertension affecte les femmes plus tôt dans la vie que les hommes (par exemple à l’occasion d’une prise de contraceptif ou lors d’une grossesse). D’autre part, les conditions de vie des femmes ont changé ; celles-ci sont davantage concernées par la sédentarité, le surpoids et le stress professionnel, autant de facteurs favorisant l’installation précoce d’une HTA. Enfin, avec l’augmentation de l’espérance de vie et du vieillissement de la population, les femmes sont surreprésentées chez les plus de 65 ans. D’une façon générale, la prévalence du surpoids et de l’obésité a fortement augmenté chez les femmes depuis 2013, les femmes jeunes étant particulièrement touchées(2). Cette augmentation peut s’expliquer par des facteurs psycho-sociaux, notamment l’emploi des femmes dans des activités à forte contrainte et faible latitude. Or, le stress au travail est un facteur de risque d’obésité, voire de syndrome métabolique dont l’impact est plus important chez les femmes que chez les hommes(3). Ainsi les femmes hypertendues représentent la population qui a pris le plus de poids ces dernières années. Leur IMC moyen est passé de 27 kg/m2 en 2002 à 28,25 kg/m2 en 2009, contrairement à l’IMC des hommes hypertendus qui n’a pas bougé sur cette même période. Un déficit de diagnostics et de traitements Cette évolution est loin d’être anodine ; même si globalement aujourd’hui les cancers sont la première cause de mortalité, les maladies cardiovasculaires restent la première cause de décès chez les femmes. En effet, d’après les données de Santé Publique France de 2016, les maladies cardiovasculaires représentaient 26 % des décès chez les femmes contre 25,1 % pour le cancer. Chez l’homme, ces chiffres étaient respectivement de 22,5 % (MCV) et 33 % (cancer)(4). Il est vrai que le risque cardiovasculaire n’est pas suffisamment pris en compte chez les femmes, notamment l’HTA qui est sous-diagnostiquée et trop souvent non traitée dans cette population. En effet, selon l’étude Esteban, en 2015, plus d’une femme hypertendue sur trois n’était pas diagnostiquée, et plus de la moitié des femmes hypertendues n’étaient pas traitées(5). Entre 2006 et 2015, le dépistage a légèrement progressé (53,1 % d’HTA non connues en 2006 vs 37,7 % en 2015), mais la proportion de femmes traitées n’a pas augmenté. Toutefois, un élément positif émerge de ce tableau péjoratif : les femmes hypertendues traitées sont mieux contrôlées que les hommes (60 % de bon contrôle vs 41 % chez les hommes)(5). Vigilance renforcée aux moments-clé de la vie des femmes Afin d’améliorer la situation, quatre moments de la vie des femmes doivent faire l’objet d’une vigilance renforcée. La contraception est l’occasion de sensibiliser au risque cardiovasculaire et de promouvoir la prévention primaire. La grossesse est une période où la pression artérielle doit être particulièrement surveillée. Le vieillissement avec l’installation de la ménopause est associé à une augmentation du risque qui doit être prise en compte. Enfin, le temps de la prévention secondaire avec la survenue de complications doit lui-aussi être mieux pris en compte chez les femmes. Ces constats sont corroborés par une enquête FLASH réalisée en 2011 sur « l’hypertension au cours de la vie des femmes » ; 22 % des femmes interrogées ont déclaré avoir été traitées pour HTA ; 7 % des participantes ont dit avoir présenté une HTA lors d’une prise de pilule œstroprogestative et 7 % au cours d’une grossesse. Parmi les femmes traitées pour HTA, 9 % avaient eu une pression artérielle élevée sous pilule contraceptive et 13 % durant leur grossesse. L’élévation des chiffres tensionnels durant la gestation expose à un risque de complications et perturbe l’organisation des soins. On peut déplorer à cet égard l’absence de coordination des soins entre les différents intervenants. Bien que la pression artérielle se normalise généralement après l’accouchement, l’HTA durant la grossesse est un signe d’alerte à prendre en compte pour l’avenir ; en effet, le risque de développer une HTA permanente dans les années suivantes est multiplié par 6. Enfin, l’augmentation des grossesses tardives et des facteurs de risque tels que le surpoids et le stress rendent le traitement et le suivi plus difficiles. Des pistes d’amélioration Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer le déficit de prise en considération de l’HTA chez la femme : un certain laxisme vis-à-vis de chiffres tensionnels légèrement trop élevés ; la préférence des patientes pour les traitements alternatifs et leur tendance à se contenter de quelques règles d’hygiène de vie ; mais aussi une image fallacieuse de la protection conférée par les hormones de la part des médecins. Il est néanmoins possible de s’appuyer sur des recommandations ; à noter cependant que celles-ci ne différent pas selon le sexe, alors que le risque cardiovasculaire n’est pas le même chez l’homme et la femme jusqu’à l’âge de 70 ans(6). De plus, faute d’études spécifiquement dédiées aux femmes, les traitements sont les mêmes quel que soit le sexe. Cela étant dit, il faut prendre en considération, comme le font certaines recommandations nationales et internationales, les situations spécifiques de la vie des femmes telles que la contraception, la grossesse et la ménopause. En pratique, l’interrogatoire et l’examen clinique permettent de définir précisément le « profil » de chaque patiente : âge, tabagisme, prise de poids, IMC, tour de taille, degré de sédentarité, conditions de travail, sources de stress, symptômes tels qu’essoufflement, céphalée, etc. Les antécédents de grossesses et de contraception sont notés, ainsi que les antécédents familiaux (HTA, événement cardiovasculaire, diabète, etc.) et la prise de médicaments. L’examen est une étape essentielle. Il convient d’insister sur la nécessité de prendre en compte des chiffres de pression artérielle considérés comme « limites » (par exemple 143/92 mmHg, ou 139/89 mmHg) après 5 minutes de repos. Il n’y a pas de « petite hypertension ». Dans le cas spécifique d’une hypertension masquée, les chiffres tensionnels doivent être vérifiés à plusieurs reprises, par l’automesure selon la règle de 3 (3 mesures consécutives, 3 fois par jour, 3 jours de suite, en position assise) et/ou la réalisation d’une MAPA (mesure ambulatoire de la pression artérielle). L’auscultation cardiaque et pulmonaire, la recherche d’un souffle carotidien et l’examen de la thyroïde complètent l’examen clinique. Un bilan biologique (NFS, Na et K, créatininémie et estimation du DFG, glycémie à jeun, exploration d’une anomalie lipidique à jeun, recherche de protéinurie) peut être demandé, entre autres pour détecter une hyperglycémie à jeun et des anomalies lipidiques en faveur d’un syndrome métabolique par exemple (tour de taille > 80 cm chez la femme ; triglycérides > 150 g/l ; HDL < 0,50g/l chez la femme ; PA > 130/85 et glycémie à jeun > 1,10 g/l). La réalisation d’un ECG de repos peut être utile surtout en cas de facteurs de risque cardiovasculaires familiaux et personnels. L’ensemble du bilan permet d’identifier les femmes à risque cardiovasculaire, dont l’hypertension n’est pas traitée (ou mal corrigée). L’objectif est de contrôler l’ensemble des facteurs de risque, dont l’HTA fait partie. L’hygiène et les conditions de vie doivent être améliorées : perte de poids (si surpoids ou obésité), arrêt du tabagisme, lutte contre la sédentarité, contrôle de la consommation de sel et réduction du stress. Le choix de l’antihypertenseur Le but du traitement est d’obtenir la pression artérielle la plus basse qui soit la mieux tolérée afin de réduire le risque cardiaque et vasculaire. L’objectif tensionnel doit être atteint à 6 mois, avec un contrôle à 1 mois, en débutant par une monothérapie, puis une bithérapie si la pression artérielle n’est pas suffisamment contrôlée. Selon les recommandations, en première intention le traitement peut faire appel à plusieurs classes d’antihypertenseurs : les inhibiteurs calciques, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (ISRAA : IEC, ARA2) et les diurétiques thiazidiques. Les bêtabloquants comme les alphabloquants, la spironolactone et les antihypertenseurs centraux, ont actuellement une place réduite dans la stratégie thérapeutique. En tenant compte de ces recommandations générales, le choix doit être modulé en fonction du profil de risque de chaque patiente. En cas de syndrome métabolique, les diurétiques et les bêtabloquants, diabétogènes, devraient être évités. Le meilleur choix est un inhibiteur calcique de la classe des dihydropyridines (DHP) ou un ISRAA, ou l’association de ces deux classes. Concernant les DHP, les bénéfices de cette classe d’antihypertenseurs sont connus de longue date. Parmi les différents travaux évaluant leur intérêt, l’étude Syst-Eur, qui a comparé un traitement par DHP à un placebo, a montré que les patients sous DHP avaient une diminution de la PA de 10 mmHg et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) de 42 % par rapport au groupe témoin ; notons que dans les deux bras, le DHP et le placebo étaient associés si nécessaire à un IEC et un diurétique(7). Le bénéfice des DHP a été confirmé dans une méta-analyse regroupant 62 000 patients, qui a mis en évidence une réduction de 13,5 % des AVC chez les patients traités par DHP comparativement à d’autres traitements actifs(8). Une autre méta-analyse, colligeant 5 études avec 15 000 patients, a montré une réduction de 23 % des AVC chez les patients traités par une association DHP et diurétique thiazidique(9-13). La nicardipine est une molécule prisée pour les femmes hypertendues. En effet, une étude réalisée à partir des données de l’Assurance maladie Openmedics en 2018 a montré que dans 60 % des cas, la nicardipine était prescrite chez des femmes hypertendues, seule ou en association avec un autre hypertenseur. La nicardipine sous toutes ses formes est un vasodilatateur puissant, sans effet cardiaque. De par ses propriétés pharmacocinétiques, c’est une molécule de choix quand on attend une réponse rapide de la baisse de la pression artérielle. << Découvrir le BEST OF de cette émission  

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