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Cardiologie générale

Publié le 06 oct 2020Lecture 8 min

Les tests d’effort cardio-respiratoires « low technology » avant chirurgie du cancer bronchique

Sopagnnha SO, Robert BARBIER, Irina LATU, Cherifa GOUNANE, Erik AUVRY, Arnaud PFORR, Jean-Pierre MEUNIER, Centre hospitalier d’Avignon

Avant chirurgie à visée curative d’un cancer bronchique, il est indispensable de réaliser une évaluation cardiologique et respiratoire.

L’évaluation respiratoire avant chirurgie du cancer bronchique : VEMS, TLCO, VO2max Avant chirurgie à visée curative d’un cancer bronchique, il est indispensable de réaliser une évaluation cardiologique et respiratoire. Le bilan respiratoire repose sur les mesures du VEMS, du facteur de transfert du CO (TLCO) et si nécessaire sur la capacité aérobie maximale ou consommation maximale d’oxygène à l’effort (VO2max)(1,2). Cette dernière mesure est remplacée chez certains patients incapables de maintenir un plateau de VO2 en fin d’effort par la VO2 pic qui correspond à la valeur de VO2 maintenue pendant la dernière minute d’effort. La VO2max est le meilleur paramètre de prédiction du risque opératoire, avant TLCO, lui-même plus performant que le VEMS. Dans les recommandations européennes(2) par exemple, elle n’est exigée que si VEMS et/ou TLCO sont inférieures à 80 % des valeurs théoriques. On tient compte aussi des valeurs prédites après chirurgie de ces paramètres (postopératoire prédit ou pop) en s’appuyant sur la scintigraphie ou la tomodensitométrie quantitative qui permettent de juger du caractère fonctionnel de la zone réséquée ou sur un calcul anatomique en se basant sur le nombre de segments réséqués non obstrués qui reflète bien l’amputation fonctionnelle chirurgicale. Avant pneumonectomie, on préfère tenir compte de l’imagerie(scintigraphie de perfusion par exemple). Avant lobectomie, on préfère la méthode anatomique.   En fonction de ces données (VEMS, TLCO, VO2max et valeurs pop), plusieurs algorithmes permettent alors de juger de l’opérabilité pour chaque patient avec surtout une évaluation du risque opératoire comme dans les recommandations ERS/ESTS de 2009(2). Les valeurs pop fournissent en outre, et surtout la VO2max pop, une idée du handicap respiratoire que devra subir le patient après la résection. La VO2 correspondant à certaines activités de la vie quotidienne a été évaluée(3). Par exemple, la toilette, le déshabillage ou l’habillage génèrent une dépense d’O2 de 8 ml/kg/min.La marche à 4 km/h requiert 14 ml/kg/min d’O2, faire du shopping 11 ml/kg/min, les activités ménagères lourdes 16 ml/kg/min. On comprend aisément que les valeurs de VO2max pop sont fondamentales pour la qualité de vie du patient après chirurgie (tableau).   Les tests d’effort « low technology » ou « low cost » Le test d’effort cardio-respiratoire reste le test de référence pour apprécier la capacité aérobie maximale d’un individu. Il permet en outre souvent un diagnostic physiologique du déficit cardio-respiratoire. Néanmoins, ce test est d’une technologie évoluée (analyseur de gaz), onéreux, nécessite des compétences et du temps. Il n’est donc pas accessible partout et est totalement indisponible dans certains pays en voie de développement qui pratiquent la chirurgie du cancer bronchique. Pour faire face à cette difficulté, des tests d’effort nécessitant peu de moyens ont été développés. Historiquement, nombreux sont les chirurgiens qui ont utilisé le test de « montée des escaliers » pour juger de l’opérabilité de leurs patients et ce encore aujourd’hui. Outre le test de montée des escaliers, il est fait appel à d’autres tests de terrain, éventuels candidats pour remplacer le test d’effort conventionnel, comme le test de marche et le test navette. Le test de marche Le test de marche de 6 minutes (TM6) est très utilisé en pneumologie. Il est considéré comme un test sous-maximal en dessous du seuil ventilatoire chez des patients ayant une bonne capacité à l’exercice, mais il devient maximal chez les patients sévèrement atteints. Bien qu’il soit utilisé avant transplantation pulmonaire ou avant chirurgie de réduction volumique pulmonaire(4), il n’est pas reconnu dans l’ensemble des recommandations comme pertinent pour l’appréciation du risque opératoire de la chirurgie du cancer bronchique(1). Le test navette Le test navette ou « shuttle walktest (SWT) » est ici utilisé dans sa version incrémentale (ISWT). Il consiste à parcourir la distance (10 m) entre deux plots à une vitesse croissante. La vitesse est dictée par un signal audio et la vitesse de marche imposée progresse de 0,17 m/s après chaque minute(5) avec une vitesse initiale de 0,5 m/s soit 1,8 km/heure.L’exercice est interrompu quand le patient ne peut passer un plot au temps imposé ou s’il ne peut plus marcher... Il est suggéré aussi d’interrompre le test si la SpO2 chute en dessous de 80 %(6), voire si la fréquence cardiaque dépasse 85 % de sa valeur maximale théorique. On calcule alors la distance parcourue (ou le nombre de navettes) (figure 1).   Figure 1. Test navette. Le patient parcourt la distance de 10 mètres en contournant deux plots selon une cadence dictée par haut-parleur et donc à vitesse augmentée toutes les minutes. La vitesse de départ est de 1,8  km/heure puis 2,4 km/heure après une minute puis 3 km/heure la minute d’après, etc. L’objectif est de maintenir le plus longtemps possible la cadence imposée. Il faut pour atteindre 400 m, avoir respecté la progression imposée sur la vitesse de marche et finir en parcourant au moins 7 navettes à 5,4 km/heure.   Ce test apparaît mieux corrélé à la VO2 pic que ne l’est le TM6(5). Dans la littérature, il est reconnu qu’une distance parcourue supérieure à 400 m témoigne d’une VO2 pic supérieure à 15 ml/kg/min(7). À l’inverse, dans la mesure ou le SWT peut sous-estimer la capacité à l’effort pour les patients avec une faible performance, il est impossible d’affirmer qu’une distance parcourue inférieure à 400 m, voire 250 m soit synonyme d’une VO2 pic inférieure à15 ml/kg/min. Les conclusions à tirer d’une désaturation pendant le SWT ne sont pas définitives même si certains reconnaissent qu’une distance parcourue inférieure à 250 m avec désaturation permet de présager d’un fort risque de complications(7).   Les dernières recommandations de l’ERS/ESTS(2) et de l’ACCP(8) proposent de s’exonérer d’un test d’effort conventionnel si la distance parcourue est supérieure à 400 m lors du SWT. En dessous de 400 m, ce test conventionnel devient indispensable. La désaturation en O2 pendant le test incite à la prudence. La montée des escaliers Il s’agit du plus ancien test d’évaluation de terrain avant chirurgie thoracique avec des publications dès le début des années 60(9). On comptait alors le nombre d’étages franchis pour autoriser une lobectomie ou une pneumonectomie.Contrairement à l’ISWT et au test d’effort conventionnel, il s’agit d’un test à charge constante qui fait appel à la capacité aérobie mais aussi anaérobie(5). Par ailleurs, il est reconnu que la VO2 pic mesurée lors de la montée des escaliers est supérieure à celle atteinte lors d’un test d’effort conventionnel à vélo(10). On s’attache aujourd’hui à calculer plutôt la hauteur atteinte (en mètres) que le nombre de marches ou étages gravis.Une certaine corrélation entre la hauteur atteinte et la VO2 pic a été établie et le seuil de 22 m(± 6-7 étages) semble témoigner d’une VO2 pic supérieure à 15 ml/kg/min(5,9,10). De même, la hauteur atteinte est clairement corrélée au risque de complications de la chirurgie du cancer dans la plupart des études(9,10). Ceci a conduit l’ERS/ESTS(2) et l’ACCP(8) de proposer ce test comme alternative au test d’effort conventionnel. Ces deux recommandations définissent le seuil de 22 m pour pouvoir s’exonérer d’un test d’effort conventionnel. Cependant, la constatation d’une désaturation lors de la montée des escaliers, même quand le patient atteint 22 m, doit conduire à le réévaluer avec un test d’effort conventionnel(2). Dans les études qui ont validé ce seuil de 22 m, aucune contrainte de temps n’était imposée au patient qui avait pour seule obligation de s’interrompre uniquement pour épuisement. Néanmoins, la vitesse d’ascension semble être aussi un élément pertinent dans certaines études même si elle n’apparaît pas dans les recommandations actuelles. En effet, certains auteurs(11) montrent que tous leurs patients qui avaient monté 20 m en moins de 80 secondes obtiennent une VO2max supérieure à 20 ml/kg/min lors du test d’effort conventionnel et sont donc considérés comme à faible risque pour la chirurgie du cancer bronchique.   Les algorithmes ACCP et ERS/ESTS pour définir le risque chirurgical sont un peu différents (figures 2 et 3).   Figure 2. Algorithme ACCP 2013 pour une résection anatomique majeure (lobectomie ou pneumonectomie). Le risque chirurgical faible est attaché à une mortalité de 1 %, le risque chirurgical élevé est attaché à une mortalité qui peut dépasser 10 % en plus d’un risque de morbidité considérable et de perte importante de la fonction respiratoire. Le risque chirurgical modéré est attaché à un risque de mortalité ou de morbidité qui dépend de l’étendue de la résection et des valeurs pop. Ceci doit être discuté avec le patient. Figure 3. Algorithme ERS/ESTS 2009. Que retenir de ces tests ? En premier lieu, la valeur prédictive du VEMS et de TLCO pour ce qui est des complications opératoires lors d’une chirurgie de cancer bronchique est moindre que celle fournie par l’évaluation de la capacité aérobie maximale (VO2max). Dans les recommandations de l’ERS/ESTS et de l’ACCP, chez les patients à faible performance (VEMS-TLCO), le test d’effort « a le dernier mot ». En l’absence de test d’effort conventionnel facilement disponible, et parfois même en première ligne pour l’ACCP, il faut faire appel aux tests non conventionnels, simples et peu onéreux. Le TM6 ne doit pas être utilisé dans la sélection des patients candidats à la chirurgie d’un cancer bronchique. Le test navette permet de s’affranchir d’un test d’effort conventionnel si la distance parcourue atteint 400 m ou plus. Le test de montée des escaliers permet aussi de s’affranchir d’un test d’effort conventionnel si la hauteur atteinte est de 22 m ou plus. L’observation d’une désaturation lors de ces deux types d’exercices doit cependant conduire à une certaine vigilance et un test d’effort conventionnel permet certainement de mieux préciser les choses. Il sera nécessaire dans l’avenir de définir la pertinence de la vitesse d’ascension lors de la montée des escaliers. Il sera peut-être possible dans l’avenir des sélectionner les patients d’emblée non candidats à la chirurgie au vu des performances au test navette (< 25 m ? avec désaturation ?) ou à la montée des escaliers (< 12-14 m ? avec désaturation ?). Si le test navette est bien défini, la montée des marches reste mal codifiée (hauteur des marches ? pente de l’escalier ?). L’utilisation de la hauteur franchie plutôt que le nombre d’escaliers permet dans une certaine mesure de contourner ce problème. Publié dans OPA Pratique

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