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Congrès et symposiums

Publié le 01 mar 2019Lecture 6 min

Patient en classe fonctionnelle NYHA II : un patient à plusieurs facettes

Michèle DEKER, Paris

Les patients répondant à cette classe fonctionnelle NYHA II représentent près des trois quarts des patients ambulatoires. Il s’agit néanmoins d’une population hétérogène, dont le pronostic est difficilement apprécié par cette seule définition basée sur la gravité des symptômes. L’ajout d’autres explorations, telle la VO2 max, permet de mieux différencier les patients et d’optimiser la stratégie de prise en charge individuelle en luttant contre l’inertie thérapeutique.

Un risque cardiovasculaire hétérogène Selon les recommandations européennes, l’algorithme de traitement est le même chez tout patient symptomatique qu’il soit NYHA II, III ou IV. En pratique, l’adhésion à ces recommandations reste assez modeste, bien que leur application soit bien corrélée au risque d’événement ultérieur. Globalement en France, la prescription des IEC/ARA II est restée assez constante depuis le début des années 2000, celle des bêtabloquants a progressé alors que les antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes (ARM) ne sont prescrits que chez un tiers environ des patients. La proportion de patients à la dose cible est assez basse, y compris pour les IEC et les bêtabloquants (environ 50 % et 27 % respectivement dans l’enquête IMPACT 2015-2016). La classification NYHA date de 1929. Elle est assez peu précise mais elle est opérationnelle en termes de détermination de groupes de patients à risque. Elle est bien corrélée au test de marche de 6 min et à la VO2. Toutefois, elle recouvre des sous-groupes de pronostic différent qui peuvent être démembrés au moyen d’autres explorations, par exemple les valeurs de NT-proBNP. Plusieurs scores sont disponibles pour évaluer l’insuffisance cardiaque chronique, score de Seattle, score MAGGIC et score EMPHASIS. Ce dernier cible uniquement les patients NYHA II et distingue 3 sous-groupes : faible, moyen et haut risque, avec dans ce dernier groupe un risque de mortalité à 1 an d’environ 20 % et d’hospitalisation de 40 %. Deux groupes de variables sont fortement prédicteurs du risque de réadmission (signes de congestion, insuffisance rénale) et de décès (BNP, urée et taux d’hémoglobine). L’insuffisance cardiaque est une maladie sévère, y compris en stade fonctionnel NYHA II, et évolutive. Il faut utiliser d’autres paramètres comme le BNP pour affiner le pronostic et adapter le traitement. Le plus grand risque est l’inertie médicale. Ville/hôpital : les patients sont-ils les mêmes ? La proportion de patients insuffisants cardiaques pris en charge en médecine de ville est loin d’être négligeable. Un registre du Collège national des cardiologues français (CNCF) a colligé les observations de 1 018 patients insuffisants cardiaques (65 % hommes, âge moyen 74 ans, 76 % HFrEF et 24 % HFpEF) suivis par 167 cardiologues libéraux. La 1re comorbidité est l’HTA (60 %), suivie par le diabète (30 %). Sur 772 patients avec HFrEF, la moitié environ sont d’origine ischémique, un tiers sans cause identifiée ; 70 % ont un antécédent d’hospitalisation et 60 % sont NYHA II. Le traitement administré comprend un diurétique (75 %), un bêtabloquant (80 %) à dose moyenne pour 80 % des patients, un IEC (60 %) à dose moyenne ou un ARA II (20 %), un antialdostérone (30 %). En tenant compte du score NYHA et de la FEVG soit environ 250 patients, 73 % des patients reçoivent la trithérapie de base, alors que 23 % seulement des patients les plus sévères (FE < 35 %) reçoivent la quadrithérapie incluant un ARM et sont probablement sous-traités. Comparativement à d’autres registres, les patients suivis en libéral sont un peu plus âgés, les comorbidités sont identiques, et les traitements moins optimisés, ce qui peut s’expliquer par l’âge des patients. Un autre registre en médecine libérale, Reco Cœur, retrouve à peu près les mêmes données que celui du CNCF. La subjectivité du classement NYHA explique peut-être la reproductibilité médiocre du classement NYHA entre deux observateurs : 56 % s’accordent sur la classe NYHA, 37 % diffèrent d’une classe, selon une étude américaine. Le stade II correspond à une altération de l’activité physique ordinaire, difficile à apprécier chez des patients âgés. Le médecin n’est pas le seul à mal apprécier les symptômes, la concordance entre le patient et le médecin n’est retrouvée que dans 44 % des stades NYHA II. L’appréciation très subjective du principal symptôme, la dyspnée, est délicate car de nombreux facteurs confondants interfèrent (anémie, insuffisance respiratoire, etc.). Dans la mesure où le classement NYHA est peu fiable, il est conseillé d’adjoindre un bilan pour affiner le pronostic. Comment améliorer l’évaluation du pronostic ? La sévérité des symptômes d’insuffisance cardiaque est variable dans le temps, et son appréciation peu reproductible, d’où l’intérêt de recourir à des méthodes d’évaluation complémentaires. Le périmètre de marche en classe II est d’environ 400 m en valeur médiane, comparativement à < 300 m en classe II ; ce test est néanmoins peu pratiqué. La VO2 max est d’environ 16-17 ml/kg/min en classe II vs 13-14 en classe III ; elle est mieux corrélée au pronostic que le test de marche. La VO2 est un très bon test pronostique quelle que soit la FE ; elle permet de s’affranchir des comorbidités (insuffisance respiratoire, difficultés mécaniques à la marche). Un autre paramètre est la qualité de vie qui peut être évaluée par le questionnaire de Kansas City à 23 items (0-100) : les valeurs sont concordantes avec les classes II. Enfin, les valeurs de BNP sont utiles : en classe II elles étaient de 1 500-1 600 pg/ml dans l’étude PARADIGM-HF. L’évaluation du pronostic des patients en classe II est d’autant plus utile que ces patients sont à risque. Ainsi, parmi les patients très bien traités de l’étude PARADIGM-HF (93 % bêtabloquants, IEC 100 %, ARM 57 %, digoxine 31 %), il a été observé 15 % d’événements à 1 an : 14 % auront une intensification du traitement (diurétiques IV transitoirement, majoration de traitement, ajout d’un autre traitement), 4 % auront un passage aux urgences, 30 % perdront 5 points de QdV, ce qui équivaut à 100 m de périmètre de marche ou 5 ml/kg/min de VO2max ; 16 % des patients ont été hospitalisés pour insuffisance cardiaque et un tiers seront réhospitalisés ultérieurement, 15 % auront une intensification du traitement ; 32 % seront hospitalisés pour raison cardiovasculaire et 43 % pour diverses causes. La principale cause de décès est la mort subite. L’application du score MAGGIC améliore l’évaluation du risque (mortalité de 10 % la 1re année et de 25 % à 3 ans pour un score de 20 points). Il en est de même du score EMPHASIS. Dans une analyse de l’étude PARADIGMHF, l’intensification du traitement par le sacubitril/valsartan a amélioré tous les critères de pronostic, quelle que soit la catégorie de risque MAGGIC ou EMPHASIS. « Insuffisance cardiaque légère » ne signifie pas qu’il s’agisse d’une maladie stable. Les stades NYHA II sont sous-évalués en termes de classe fonctionnelle, de morbidité, de réhospitalisations et de mortalité cardiovasculaire. Il faut prescrire les bons médicaments pour ralentir la progression de la maladie, faire un diagnostic précoce, savoir établir un pronostic en s’aidant des scores et optimiser les traitements, même si les symptômes sont légers. Faut-il optimiser les traitements ? Si oui, comment ? Toutes les études réalisées depuis une vingtaine d’années montrent que l’optimisation du traitement (par ajout ou intensification) se traduit par un gain de pronostic tant en mortalité qu’en réhospitalisations. Malgré ces éléments de preuves, la situation évolue peu : très peu de patients bénéficient du traitement optimal de base. L’âge est associé à une diminution du nombre de thérapeutiques et de leur dose, ce qui est lié à l’inertie thérapeutique dans la moitié des cas, du fait soit du médecin, soit du patient (comorbidités), soit de l’environnement médical. En pratique, il faudrait agir en amont quand le patient est pauci-symptomatique pour éviter le passage en stade III. Les patients inclus dans l’étude PARADIGM sont typiques des stades II NYHA (70 % environ de la cohorte). Ce sont ces patients qui ont le plus bénéficié de l’association sacubitril/valsartan (Entresto®) et ce, qu’ils soient ou non sous ARM. Ce bénéfice se traduit par une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et des réhospitalisations. La crainte des effets secondaires (dyskaliémie, hypotension) ne doit pas être un frein à l’introduction du traitement par Entresto®. En effet, le risque d’hyperkaliémie lié aux ARM est réduit chez les patients sous Entresto® ; la baisse de la pression artérielle concerne surtout les patients dont les valeurs sont élevées avant l’initiation du traitement. D’après D. Logeart, F. Mouquet, J.-N. Trochu et B. Lequeux Symposium organisé lors des JESFC 2019

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