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Congrès et symposiums

Publié le 01 mar 2019Lecture 5 min

Traitement anticoagulant dans la FA : les AOD ont confirmé leurs promesses

Michèle DEKER, Paris

JESFC

Le passage des AVK aux AOD a un peu bouleversé les pratiques, en particulier le suivi des patients. Les médecins sont passés d’une relation « verticale » autorisée par le contrôle de l’INR, à une relation plus moderne, « horizontale », basée sur la confiance et la persuasion pour avoir l’engagement du patient dans son traitement. Le traitement anticoagulant est caractérisé par l’antinomie entre les effets secondaires, immédiatement perceptibles, et les effets bénéfiques en prévention des événements thromboemboliques, que le patient ne peut pas mesurer a priori. Ces notions doivent être expliquées au patient, en adaptant le discours individuellement, au même titre que le traitement doit être ajusté au profil du patient en choisissant au mieux la molécule.

Les médicaments avec des règles de prescription simples ont volontiers la préférence des médecins, mais ils peuvent être pénalisants pour les patients. Dans la médecine fondée sur les preuves, il est demandé de démontrer qu’un nouveau traitement est plus efficace qu’un traitement de référence, ou du moins pas moins efficace. Cette démarche requiert la mise en place d’essais de grande ampleur, généralement internationaux et ce, pour chaque indication, ce qui rend difficile la prise en compte des variabilités entre les patients. Les choix stratégiques à l’issue des phases 2 conduisent à choisir une dose de médicament administrée à l’ensemble des patients de l’essai de phase 3. Cette démarche contraste avec la médecine d’autrefois qui prenait en charge l’individu compte tenu de l’histoire de sa maladie et de son environnement. Entre ces deux conceptions a émergé la médecine personnalisée ou médecine de précision visant à donner au bon patient le bon médicament, à la bonne dose et pour la bonne durée. Cette démarche concerne surtout les médicaments à index thérapeutique étroit, nécessitant des ajustements sur les principaux critères de variabilité, pharmacocinétique ou de réponse (bénéfice/risque). Chaque individu est différent, ce qui implique d’adapter le traitement à ces différences, l’observance thérapeutique faisant partie des paramètres à prendre en compte. Chez un patient dont l’observance est imparfaite, la conséquence d’un oubli de prise diffère selon que le traitement est prescrit en une ou deux prises par jour. Pharmacocinétique des AOD Quand l’apixaban est administré par voie orale, la moitié de la dose est directement éliminée par voie fécale ; l’autre moitié passe dans la circulation systémique, c’est la dose biodisponible qui sera éliminée aux trois quarts par le foie (clairance hépatique ≥ 73 % ; excrétion biliaire et intestinale d’environ 36 %) et un quart par le rein (clairance rénale ≤ 27 % ; excrétion rénale d’apixaban ≤ 13,5 %). La biodisponibilité des AOD est très différente, comme leur clairance rénale et leur excrétion urinaire/non urinaire (tableau). L’apixaban est excrété par voie rénale mais pour une très faible fraction ; par conséquent, il n’est pas nécessaire d’ajuster la posologie sur le débit de filtration glomérulaire, hormis en cas d’insuffisance cardiaque. Un ajustement s’imposera en cas d’insuffisance rénale sévère (< 30 ml/min). L’apixaban est contre-indiqué en France en cas d’insuffisance rénale terminale, mais pas dans d’autres pays. Des études sont même en cours chez des patients dialysés. En revanche, le dabigatran qui a la clairance rénale la plus élevée nécessite un ajustement de posologie dès le stade d’insuffisance rénale modérée (50 ml/min) ; il en est de même pour le rivaroxaban. En vie réelle, du fait des oublis ou des retards de prise, la cinétique des médicaments est assez variable. Pour un traitement en deux prises par jour, la courbe des concentrations plasmatiques est plus plate et la variabilité entre les concentrations maximale et minimale est moindre, comparativement à un traitement en une prise quotidienne. Si le patient omet une dose en traitement biprise, sa concentration minimale va diminuer mais peut rester dans les concentrations thérapeutiques. Un oubli d’une dose en traitement monoprise quotidienne équivaut à un oubli de 3 doses consécutives en traitement biprise quotidienne. Le traitement en deux prises quotidiennes, même s’il est connu pour moins favoriser l’observance, donne plus de flexibilité au patient. La demi-vie de l’apixaban varie de 8 à 12 heures ; celle du dabigatran de 12 à 14 heures. Ces deux AOD peuvent être administrés en une ou deux prises par jour. Les principaux facteurs de variabilité pharmacocinétique de l’apixaban sont l’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatique, qui se traduit par un risque hémorragique lié au déficit de synthèse des facteurs de coagulation, et le poids (concentrations augmentées pour les petits poids). La prise d’inhibiteurs enzymatiques entraîne une augmentation des concentrations d’apixaban. Ces facteurs isolément ne justifient pas une modification de dose, hormis lorsque le patient présente deux facteurs de variabilité nécessitant de diminuer la dose. Bilan de 5 ans d’utilisation des AOD L’ambition des AOD était de prescrire des médicaments ne nécessitant pas de contrôle biologique et ayant des concentrations plasmatiques relativement stables. Les études ayant conduit à leur mise sur le marché étaient des études de non-infériorité. En réalité, le gain est bien plus important, sur l’efficacité et la sécurité d’emploi, grâce à la réduction des hémorragies fatales et des hémorragies intracrâniennes. Rapidement (2012), les sociétés savantes ont positionné les AOD sur la même ligne que les AVK. Les cardiologues français se sont alignés sur les recommandations européennes sans tenir compte des réticences des autorités de santé françaises. Les études en vie réelle ont donné raison à ceux qui ont fait précocement le choix des AOD, en retrouvant les résultats des études randomisées. Ainsi, le registre français de l’apixaban, PAROS, dont l’objectif était d’évaluer les caractéristiques des patients mis sous apixaban comparativement aux autres anticoagulants, montre que ce choix est orienté par le risque hémorragique, l’apixaban étant crédité d’une meilleure sécurité d’emploi et disponible sous deux doses. Les données de REACT AF qui évaluait la persistance du traitement sous AOD, sont rassurantes et aussi bonnes que celles des AVK, alors que les patients n’ont pas bénéficié d’une éducation thérapeutique aussi poussée qu’avec les AVK. Dans ARISTOPHANES, une grande base de données (> 285 000 patients aux États-Unis), les AOD, et en particulier l’apixaban, font mieux que les AVK en termes d’efficacité et de sécurité d’emploi. Toutes les données colligées en vie réelle confirment les résultats des grandes études. Pour aller plus loin, il reste à positionner les AOD avant les AVK, un choix qui reste à faire par la Société européenne et les Autorités de santé. D’après F. Benon, Y. Bejot, V. Aboyans, B. Vrijens, P. Marquet et G. Montalescot Symposium organisé avec le concours de l’alliance BMS/Pfizer JESFC 2019

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