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HTA

Publié le 15 fév 2019Lecture 23 min

Retour sur les 38es Journées d’hypertension artérielle

Hélène LELONG, Hôtel-Dieu, Paris

Les 13 et 14 décembre derniers se sont déroulées les 38es Journées d’hypertension artérielle sous l’égide de la Société française d’hypertension (SFHTA). Lors de l’ouverture, le président Thierry Denolle (Dinard) a présenté les différentes recommandations de la Société qui ont vu le jour en 2018 et qui sont disponibles sur le site de la SFHTA (http://www.sfhta.eu/). Cette année, des recommandations sur la mesure de la pression artérielle, sur la prise en charge de la dysfonction érectile chez l’hypertendu, sur la prise en charge de la femme hypertendue en dehors de la grossesse.

Pourquoi des recommandations sur la prise en charge de la femme en dehors de la grossesse ? Parce que le traitement des femmes hypertendues doit tenir compte de leur vie génitale, de leur désir de grossesse… et nécessite donc une prise en charge coordonnée entre le médecin hypertensiologue, le gynécologue et bien entendu le médecin généraliste. Ces recommandations ont donc été établies par les représentants de ces différentes spécialités. De plus, les résultats de l’étude ESTEBAN, montrent une évolution négative du dépistage et du contrôle de l’HTA chez les femmes en France. Ces quelques extraits des nombreuses présentations des JHTA regroupent des mises au point à visée pédagogique sur l’hypertension artérielle (HTA) masquée ainsi que sur l’HTA résistante, un état des connaissances sur les relations entre la consommation de café et l’hypertension, un point sur « l’affaire du valsartan ». Par ailleurs, après la publication des recommandations américaines puis européennes, beaucoup attendaient de nouvelles recommandations sur la définition de l’HTA. Le président T. Denolle nous a assuré que le groupe de travail de la SFHTA planchait sur la question… Donc pour l’instant, la définition de l’HTA en France reste selon les recommandations de 2013 à partir d’une pression artérielle de 140/90 mmHg. Cependant la « controverse » de ces journées, exercice qui permet à 2 experts d’apporter leurs arguments (opposés) sur une question, portait justement sur les sujets et pourra apporter quelques éléments de réflexions pour les plus impatients… Dans ses recommandations de 2013, la SFHTA définit l’HTA résistante comme une HTA non contrôlée en consultation (PA ≥ 140/90 mmHg chez les sujets de moins de 80 ans, ou PAS ≥ 150 mmHg chez les sujets de plus de 80 ans) et confirmée par une mesure en dehors du cabinet, malgré une stratégie thérapeutique comprenant des règles hygiéno-diététiques adaptées et une trithérapie antihypertensive comportant : un bloqueur du SRA (IEC ou ARAII, un inhibiteur calcique, et un diurétique thiazidique (hydrochlorothiazide à 25 mg/j) ou indapamide, depuis au moins 4 semaines(1). La définition européenne est un peu différente : une HTA étant considérée comme résistante lorsque la pression artérielle (PA) ne peut être ramenée sous 140 mmHg de PAS malgré un traitement comprenant 3 ou plus de molécules(2). Les définitions de l’HTA résistante n’étant pas toutes identiques selon les pays et ayant évolué parfois dans le temps, les données concernant sa prévalence sont très variables : selon S.S. Hayek et coll. Elle varie de 5 à 30 % selon les séries mais ne concernerait que 10 % des hypertendus une fois les cas « d’HTA pseudo-résistantes » exclus(3). On considère en effet une HTA « pseudo-résistante » dans de nombreuses situations. • Lorsqu’il subsiste un effet blouse blanche et donc des chiffres de PA non contrôlés en consultation (mais contrôlés lorsque l’on fait une mesure ambulatoire). • Lorsqu’il existe une HTA non contrôlée car la technique de mesure est défectueuse (par exemple brassard non adapté) ; • En raison de la non-observance des sujets, ce dernier cas étant malheureusement très difficile à apprécier en pratique clinique ; il existe bien quelques questionnaires visant à évaluer l’observance des patients mais peu performants et ayant tendance à la sous-évaluer. Des piluliers « électroniques » existent mais leur utilisation se confine aux essais cliniques. Par ailleurs, une publication de M. Azizi et coll. rapporte une non-adhérence pour 50 % des participants à un essai visant à évaluer la dénervation rénale dans l’HTA résistante. La non-adhérence ayant été objectivée par dosage des médicaments antihypertenseurs(4). • La pratique des médecins peut également être en cause. En effet, l’analyse d’une série de patients qualifiés de résistants rapporte qu’en fait 15 % des sujets n’étaient pas suffisamment traités (dose non adéquate d’antihypertenseurs, trithérapie non mise en place, illustrant ainsi une certaine inertie thérapeutique menant à porter le diagnostic d’HTA résistante par excès(5). L’HTA résistante est associée à un moins bon pronostic cardiovasculaire avec une augmentation de l’atteinte des organes cibles et du risque cardiovasculaire. Une étude de S.L. Daugherty et coll. rapporte par exemple une augmentation de 70 % du risque d’AVC par rapport aux hypertendus non résistants(6). Certaines caractéristiques sont associées aux HTA résistantes : l’âge supérieur à 75 ans, l’obésité, les apports sodés excessifs, le déséquilibre tensionnel chronique, l’atteinte des organes cibles (HVG et insuffisance rénale chronique, le diabète, l’HTA systolique pure… et permettent de décrire « un profil de l’hypertendu résistant »(7). En pratique clinique, devant une HTA résistante malgré une trithérapie optimale, les facteurs de résistance aux traitements à rechercher sont(1) : – les facteurs comportementaux (prise de poids importante, obésité, consommation excessive d’alcool ou de sel, contexte de dépression) ; – la prise de substance interférant avec le métabolisme et/ou l’action des antihypertenseurs (antiangiogéniques, contraception, inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline…) ; – la prise d’AINS, d’antirétroviraux, d’inhibiteurs de CYP17A1 (par exemple le jus de pamplemousse) ; – la prise de substances telles que réglisse, amphétamine, cocaïne… – un syndrome obstructif d’apnée du sommeil ; – une insuffisance rénale chronique, une rigidité artérielle accrue ; – des éléments évoquant une HTA secondaire méconnue. Donc devant une HTA réellement résistante, il convient de poursuivre les investigations de préférence avec un avis spécialisé en hypertension(1). En effet, les étiologies les plus fréquentes retrouvées en cas d’HTA résistantes sont : un hyperaldostéronisme secondaire (retrouvé dans 64 à 80 % des cas), un SAOS (retrouvé dans 5,6 à 7 % des cas), une sténose de l’artère rénale (retrouvé dans 2,4 à 3 % des cas), une maladie rénale (retrouvé dans 1,6 à 2 % des cas). Il est à noter que les HTA secondaires rares dans la population générale sont beaucoup plus fréquentes en présence d’une HTA résistante(8). Le bilan étiologique devra donc comprendre(1) : – un ionogramme sanguin, créatininémie ; – une natriurèse, créatininurie et protéinurie des 24 h ; – un angioscanner abdominal avec des coupes au niveau des surrénales ± un Doppler des artères rénales ; – un dosage de la rénine et de l’aldostérone plasmatique pour calcul du rapport aldostérone/rénine ; – un dosage des métanéphrines urinaires des 24 h, du cortisol libre urinaire des 24 h, et un test de freinage minute à la dexaméthasone ; – une oxymétrie nocturne ou polygraphie de ventilation. S’il n’y a pas d’HTA secondaire, la prise en charge thérapeutique de l’HTA résistante repose en première intention sur l’ajout de spironolactone au traitement(1,9). Cependant, il est bon de savoir que tous les sujets ne répondent pas à la spironolactone, certains étant plus répondeurs que d’autres (les sujets ayant une rénine basse par exemple, y répondent mieux)(10). Pour les patients ne répondant pas à la spironolactone, la question de la dénervation rénale peut se poser, cependant, l’efficacité de cette procédure avait été remise en question entre autres par les résultats de l’étude essai SIMPLICITY HTN 3 qui ne montrait pas de différence significative dans le groupe intervention versus le groupe contrôle ayant bénéficié d’une procédure « blanche ». Plus récemment, l’amélioration de la technique semble apporter des résultats intéressants, l’essai RADIANCE HTN SOLO, rapporte une différence significative de -8 mmHg chez les participants ayant bénéficié d’une dénervation versus ceux ayant eu une procédure blanche mais chez des hypertendus non résistants(11). Pour les hypertendus résistants, il faudra attendre les résultats de l’essai RADIANCE HTN TRIO en cours(12). Concernant les autres procédures : – la technique de stimulation des barorécepteurs est en cours d’amélioration, les dispositifs de 1re génération ayant engendré trop d’effets indésirables, ceux de 2e génération sont en cours d’évaluation (en France, l’essai ESTIM-rHTN visant à évaluer l’efficacité et la sécurité de la procédure est en cours, sous l’égide de la SFHTA) ; – la fistule artério-veineuse, peut-être prometteuse, en est encore au stade expérimental(13). Caféine et hypertension artérielle : bon ou mauvais ? D’après Belen PONTE, Genève/Lausanne Au cours d’un exposé très complet, B. Ponte nous a présenté la synthèse des données de la littérature sur la relation entre consommation de caféine et pression artérielle (PA), d’une part, et avec la santé, d’autre part. Consommation Actuellement, aux États-Unis, 75 % des adultes déclarent consommer du café et 50 % déclarent une consommation quotidienne ce qui représente pour l’année 2011, 4,24 kg de café par consommateur (à noter cette consommation est de 7,9 kg par consommateur en Suisse). Les différentes études de la NHANES montrent que globalement cette consommation aux États-Unis est stable dans le temps. Les plus consommateurs sont les sujets masculins caucasiens dans la tranche d’âge 50-60 ans(14). Caféine : histoire et description La consommation de caféine remonte à 800 av. J.C. La molécule de caféine a été isolée au XIXe siècle par un physicien allemand, Friedlieb Ferdinand Runge. Suivie quelques années après, en 1827, par l’isolement de la théine, puis enfin la démonstration en 1838 que la théine et la caféine était la même substance. L’interrogation sur les effets de la caféine sur la santé est ancienne. En effet, une recherche sur PubMed, permet d’identifier un article scientifique datant de 1894 qui s’intéresse à la question(15). Cependant, il est bon de noter, lorsque l’on s’intéresse aux relations café/santé, que le café contient de nombreuses autres substances telles que du magnésium, des polyphénols, des mélanoïdines… qui pourraient également avoir des effets sur la santé… De même, la caféine est une substance contenue dans de nombreuses autres boissons que le café : on la retrouve en effet dans le thé noir mais également, dans le thé vert (en moindre quantité), dans le chocolat chaud, le coca-cola, de nombreuses boissons énergétiques… à des concentrations très différentes, malgré tout, il semble que c’est dans un expresso que l’on trouve la plus forte concentration de caféine (versus les boissons suscitées ou café filtre)(16). Métabolisme de la caféine Le métabolisme de la caféine est hépatique et implique une enzyme : le cytochrome P4501A2 (ou CYP1A2) qui gère 95 % de son élimination. Certaines substances (comme l’oméprazole ou la carbamazépine) augmentent l’activité de cette enzyme, alors que d’autres (certains contraceptifs oraux ou antidépresseurs), la diminuent(17). Effets de la caféine sur la santé : données épidémiologiques La relation entre caféine et santé est difficile à établir car les études sur le sujet ont le plus souvent porté en fait sur les relations entre « santé et consommation de café », dont on a vu qu’il contenait nombres d’autres substances. Certaines rapportent que la consommation de café est associée à un surrisque de certains cancers (poumon, vessie, endomètre, estomac, sein) mais protectrice pour d’autres : cancer colorectaux, cancer du foie(18)… Sur le plan cardiovasculaire, il existerait une courbe en J entre la consommation de café et la survenue d’insuffisance cardiaque, d’AVC ou de maladie coronaire. Courbe en J dont le point d’inflexion se situerait entre 3 et 4 tasses par jour(16). Les données de la cohorte européenne EPIC rapportent une diminution globale de la mortalité associée à la consommation de café, avec une différence homme/femme, notamment une baisse de la mortalité cardiovasculaire chez les femmes(19). Relation PA-consommation de caféine Concernant l’effet sur la pression artérielle (PA), les données sont discordantes. En effet, il semble que selon les études, la consommation de café est associée soit à une augmentation, soit une diminution de la PA. En fait il semble que cette discordance dépende du temps d’exposition à la consommation de café qui serait associée à une augmentation de la PA lors de consommations « aiguë et non prolongée » < 3 mois), et à une diminution lors de consommation chronique… Certaines données, expérimentales cette fois, montrent qu’en aigu, la consommation de caféine augmente l’activité sympathique et a donc un effet inotrope positif par lequel il augmente la PA (et le risque d’arythmie) ; cependant, cet effet ne serait pas le même selon les habitudes de consommation des sujets. En effet, cette augmentation de la PA ne survenait que chez les individus qui n’avaient pas l’habitude de consommer du café. Chez les « habitués » au contraire, la consommation de café s’accompagnait d’une diminution de la PA(20). Encore plus intéressant, les sujets consommateurs réguliers de café, montraient également une augmentation moins importante de la PA lorsqu’ils étaient soumis à un stress mental versus les non-consommateurs, suggérant ainsi un effet protecteur d’une consommation régulière de café sur « l’hypertension liée au stress »(21). Chez certains sujets, exprimant un variant génétique du CYPA2, il a été observé une baisse de la pression artérielle lors de la consommation de caféine et donc lors de l’augmentation de l’activité du CYPA2. Ce phénomène n’a cependant été observé que chez les sujets non fumeurs, suggérant ainsi un effet protecteur de la caféine vis-à-vis de l’HTA, mais à condition qu’ils soient non fumeurs(22)… Une autre étude européenne montre également que la relation café/HTA est modulée par le statut fumeurs/non-fumeurs des sujets, avec une diminution de la PA observée uniquement chez les non-fumeurs(23). D’après I. Guessous et coll., cela suggère un effet du tabac sur le CYP1A2… effet qui serait réversible à quelques mois après l’arrêt du tabac(22). Risque d’HTA et caféine Globalement, une métaanalyse récente, rapporte que la consommation d’une tasse de café par jour est associée à une diminution de 9 % du risque de survenue d’HTA(24). Concernant la consommation chronique, une étude chinoise de cohorte rapporte une courbe en U montrant que le risque d’hypertension diminuerait pour des consommations de café inférieures à une tasse par jour ou supérieure à 3 tasses par jours. L’hypothèse des auteurs étant qu’à partir de 3 tasses, l’effet protecteur des autres substances présentes dans le café compenserait l’effet néphaste de la caféine(25)… L’étude de cohorte espagnole SUN, rapporte que la consommation chronique de café est associée à une diminution de 26 % du risque d’HTA mais seulement chez les femmes(26). Aux États-Unis, la consommation chronique de café chez des femmes ménopausées non hypertendues, n’a pas été retrouvée associée à une augmentation du risque d’HTA, la consommation d’une prise quotidienne de décaféiné était, elle, associée à une PAD moyenne moins élevée(27). Comme cité plus haut, la plupart des études épidémiologiques se sont basées sur la consommation de café déclarée par les participants. Or d’une part, le café contient de nombreuses autres substances que la caféine, et d’autre part, il est très difficile d’approcher la dose réelle de caféine ingérée par un individu puisque cette dernière varie selon le mode de préparation de la « boisson café » et est présente dans de nombreuses autres boissons. En 2015, une étude qui s’intéressait à la relation entre pression artérielle et consommation de caféine, estimée cette fois à partir du dosage des métabolites urinaires, retrouve une relation significative inverse entre le niveau de PA mesuré en MAPA et l’excrétion urinaire de caféine, plaidant ainsi pour un effet bénéfique de cette dernière sur la PA(28). Les mécanismes potentiels évoqués pour expliquer une baisse de PA chez les consommateurs chroniques sont : – un probable effet natriurétique : en effet, une petite étude expérimentale montre que la consommation de caféine serait associée à une augmentation de la diurèse et de l’excrétion urinaire de sodium(29) ; – un effet sympathomimétique ; – une relaxation musculaire ; – et peut-être également une diminution de la rigidité artérielle : en effet, certaines données suggèrent que la consommation chronique de café pourrait être associée à un index de résistance des artères rénales moins élevé(30). En conclusion, si l’on synthétise les données, on peut retenir : – que les effets du café et de la caféine, que ce soit sur la santé en générale ou sur l’HTA, sont à distinguer (au mieux réalisant des études qui considèrent les métabolites urinaires de la caféine), alors que la plupart des études épidémiologiques considèrent la consommation de café ; – qu’il semble que ces effets diffèrent selon le type de consommation (notamment aiguë versus chronique) : l’effet aigu étant plutôt associé à une augmentation de la PA, alors que l’effet chronique plutôt à une diminution de la PA et du risque de survenue d’une HTA ; – au niveau individuel, l’effet de la caféine dépend de facteurs comportementaux, notamment le tabagisme, de la génétique (variant du CYP1A2) ; – les données épidémiologiques avec toutes leurs limites semblent être en faveur d’un effet bénéfique de la consommation de café sur la mortalité à confirmer. Valsartan et impureté cancérigène : gestion de la crise D’après Céline DRUET, Saint-Denis Au cours de ces Journées, C. Druet, directrice adjointe à l’Agence nationale de sécurité du médicament et produits de santé (ANSM) a dressé un état des lieux de « la crise du valsartan ». L’exposé devait permettre de faire le point sur ce que l’on sait ou suppose sur le sujet : risque pour le patient, les actions engagées par l’ANSM pour la gestion de cette crise qui, rappelons-le, touche le monde entier, les prévisions d’approvisionnement et les évolutions récentes… Pour rappeler le contexte, le 26 juin 2018, l’Agence européenne du médicament (EMA), a informé l’ANSM d’un défaut de qualité de certaines spécialités à base de valsartan et de valsartan/hydrochlorothiazide. Ce « défaut de qualité » correspond plus précisément à la présence d’une impureté : le N-nitro-sodiméthhylamide (NDMA) retrouvé dans la substance active du valsartan fabriquée par un laboratoire chinois (Zhejiang Huahai Phamaceutical) et commercialisé à travers le monde. La présence de cette substance serait en fait liée à un changement du procédé de fabrication de la molécule qui a été introduit en 2012 par le fabricant. La synthèse de cette substance (NDMA) n’étant pas « attendue », sa recherche n’a pas été effectuée jusque-là dans les contrôles de routine… Le risque pour les patients ne serait lié qu’à une exposition chronique au NDMA qui est classée par l’OMS comme « cancérogène probable » chez l’homme (autrement dit, il n’y a pas de risque aigu pour les patients). Une première évaluation du risque par l’EMA rapporte que l’exposition à la dose de 320 mg/jour (dose la plus élevée) pendant 7 ans (durée d’exposition la plus longue possible) pourrait être responsable d’un cas supplémentaire de cancer pour 5 000 patients traités. Cette estimation ne correspond qu’à un risque théorique calculé à partir d’essais effectués sur des animaux et extrapolés à l’homme. D’autres travaux sur l’impact de la présence de cette impureté sont en cours au niveau européen. Gestion de la crise Fin juin 2018, la production de la substance active a été stoppée dès l’identification de l’impureté. Au niveau européen, la mise en quarantaine des lots de médicaments concernés a été mise en place dans tous les états membres. En France, l’ANSM a organisé les rappels de lots à partir du 6 juillet dans les officines, chez les grossistes répartiteurs et dans les pharmacies hospitalières. Parallèlement, l’ANSM a informé l’ensemble des acteurs : professionnels de santé, ordres des médecins, sociétés savantes (notamment la Société française de cardiologie et la Société française d’HTA), associations de patients, laboratoires pharmaceutiques puis a échangé avec eux afin de mettre en place un plan d’action permettant une prise en charge optimale des patients (assurer une continuité de traitement des patients, diffuser largement l’information auprès des patients et des professionnels de santé). Afin de sécuriser l’approvisionnement, l’ANSM a demandé aux laboratoires commercialisant des médicaments à base de valsartan et non concernés par le défaut de qualité de garantir un approvisionnement suffisant pour assurer une continuité de traitement des patients avec en parallèle un suivi hebdomadaire puis bimensuel des stocks et approvisionnements au niveau national. Après concertation des professionnels de santé, des recommandations de priorisation des prescriptions et des dispensations ont été établies spécifiant que : – les initiations de traitement à base de valsartan devaient être évitées ; – que les renouvellements de traitement devaient être réservés aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque et non contrôlés par le candesartan ou le losartan ; pour les traitements du post-infarctus récent ; pour les patients hypertendus équilibrés sous plurithérapie et pour lesquels l’équilibre tensionnel est difficile à atteindre. Dans les cas sus-mentionnés, l’inscription « traitement indispensable pour ce patient » doit figurer sur la prescription ; – pour les autres patients, il est demandé d’utiliser une autre molécule en accord avec les dernières recommandations de la HAS. D’après le suivi des stocks et approvisionnement, il était estimé qu’une rupture aurait lieu courant janvier 2019 mais avec une remontée rapide liée aux efforts des autres laboratoires dès le mois de février. Cependant, ces prédictions approvisionnements/consommations ont été remises en causes en novembre 2018 suite à la découverte de présence de NDEA dans des lots de matière premières entrant dans la composition des valsartans Mylan et Teva entraînant la mise en quarantaine et le rappel de 402 lots correspondant à 60 % du marché. Ces nouveaux faits ont donc précipité la rupture de stock et ne permet pas d’avoir de nouvelles prédictions fiables… Naturellement, d’autres actions complémentaires de l’ANSM et/ou de l’EAM sont en cours dont l’analyse de tous les sartans… Controverse : définition de l’hypertension 130/80 ? D’après Stéphane LAURENT, Paris & Jacques BLACHER, Paris Cette année, la controverse des JHTA a donc porté sur la question de la définition de l’HTA en France ; S. Laurent a commencé en exposant son argumentation « pour » ce changement, et J. Blacher a ensuite présenté le contre. Pour une définition de l’HTA à 130/80 • Les temps changent S. Laurent a débuté son exposé en rappelant que les seuils définissant l’HTA se sont abaissés au cours du temps, on note que dans les années 60, les HTA grade 1 étaient définies pour des pressions artérielles spontanées évoluant entre 150 et 200 mmHg de PAS et/ou 90-120 mmHg de PAD, ce qui était associé pour les personnes non traitées à un risque de mortalité de 40 % à 10 ans(31). Ainsi au cours du temps a-t-on vu la définition du l’hypertension grade 1 se modifier, correspondant à des PA variant de 150-200/90-120 dans les années 70 à 140-160/ dans les années 2000. Pour arriver en novembre 2017 aux recommandations américaines de l’ACC/AHA qui proposent un seuil d’HTA pour des PA supérieures ou égales à 130 mmHg de PAS et 80 mmHg de PAD(32). • Les données épidémiologiques Tout d’abord, l’étude épidémiologique « The one million study » rapporte que la relation entre la survenue d’événement cardiovasculaire (ici de mortalité par accident vasculaire cérébral) et le niveau de pression artérielle, n’est pas strictement progressive et linéaire mais avec un seuil à 130 mmHg de PAS à partir duquel le risque est significatif(33). Ces données sont étayées par une métaanalyse de 2014, rapportant que quel que soit l’événement considéré, le risque de survenue n’est significatif qu’à partir de 130-139 mmHg de PAS dans toutes les tranches d’âge, alors qu’il est retrouvé non significatif pour un niveau de PAS de 115-129 mmHg(34). Une autre métaanalyse en réseau, d’essais cliniques cette fois (ayant inclus 42 essais), montrent que les participants appartenant aux groupes où la PA a été ramenée à 120-124 mmHg de PAS avaient une diminution de 29 % du risque de survenue d’un événement alors que la réduction n’était que de 17 % pour les participants dont la PAS avaient été ramenée entre 130 et 134 mmHg(35). • Relatif échec du contrôle tensionnel Il est bon de rappeler qu’à travers le monde, que ce soit dans les pays développés, émergents ou en voie de développement, le contrôle tensionnel est globalement mauvais. En effet, il est rapporté dans l’étude PURE que seuls 45 % des hypertendus à travers le monde seraient au courant de leur condition, 32 % seraient traités et 15 % à l’objectif(36). Beaucoup de facteurs liés au patient, à l’environnement… sont en cause dans le noncontrôle tensionnel, cependant une part est liée aux médecins eux-mêmes, à leur réticence à modifier le traitement (inertie thérapeutique). L’argument est donc que si l’on abaisse la cible, on atteindra en pratique un niveau inférieur à 140 mmHg… Un autre argument est que finalement, abaisser le seuil de définition de l’HTA revient à traiter plus tôt puisque l’on sait qu’une large majorité des préhypertendus deviendront hypertendus dans les 10 à 20 ans(37). Traiter plus tôt ces sujets permettrait de diminuer/ ralentir le vieillissement vasculaire et donc de prévenir le développement d’une HTA de grade plus élevée. Enfin, une métaanalyse qui intègre les données de SPRINT (étude à l’origine des nouvelles recommandations américaines) montre que les hypertendus traités dès le seuil de 130 mmHg bénéficient du traitement antihypertenseur en termes de réduction des événements cardiovasculaires avec notamment, une réduction de 13 % des événements cardiovasculaires et de 12 % des événements coronaires(38). Pour finir, S. Laurent rappelle que les recommandations américaines lues avec bon sens prônent la mise en place d’un traitement si la PA est supérieure à 130 et/ou 80 en prévention secondaire systématiquement, en prévention primaire seulement si le risque cardiovasculaire est supérieur à 10 % à 10 ans, donc de traiter en fonction du risque. En résumé, l’argumentaire est le suivant : en baissant le seuil de définition de l’HTA, on débute le traitement plus tôt, on cible des chiffres plus bas, et on prévient un plus grand nombre de complications. Contre une définition de l’HTA à 130/80 Avant de présenter les arguments contre cette mesure, J. Blacher a admis les faits suivants : – l’HTA était la cause la plus fréquente de mortalité dans le monde, responsable de 10 millions de morts par an ; – en effet, la préhypertension est un facteur de risque cardiovasculaire et que plusieurs études menées dans différentes populations (notamment asiatiques et occidentales) ainsi que leurs métaanalyses montraient que cet état était associé à un surrisque de 66 % d’AVC(39), un surrisque de 43 % de maladie coronaire(40) et un sur-risque de 28 % de mortalité cardiovasculaire(41) comparé à une pression artérielle optimale définie comme une PA < 120/80 mmHg) ; – les résultats d’études de cohorte comme celle de Framingham(42), ont rapporté que la PAS ne faisait qu’augmenter au cours de la vie, ce qui en d’autres termes, sous-entend que traiter pour des niveaux de pression plus bas revient à traiter les sujets plus tôt dans leur vie. Mais en fait cela n’est vrai que si, et seulement si cette courbe d’augmentation de la PA avec l’âge est universelle, hors, une étude prospective récente réalisée à partir des données de Framingham rapporte ceci : Après 20 ans de suivi (ce qui correspondrait au plus long suivi trouvé dans la littérature), seulement 50 % des sujets préhypertendus sont devenus hypertendus(43). Une autre question concerne le choix du seuil : en effet, à partir du moment où l’on sait que pour chaque augmentation de 10 mmHg de PAS ou de 5 mmHg de PAD, le risque moyen de mortalité cérébro-vasculaire augmente de 40 % et cardiaque ischémique de 30 %, et ce à partir de 115 mmHg(44), pourquoi ne pas proposer ce seuil ? Pour J. Blacher, le choix de ce seuil dans les recommandations américaines serait lié aux résultats d’un seul essai thérapeutique, ceux de l’étude SPRINT parue en 2015(45). Brièvement, les résultats de SPRINT montrent qu’un traitement intensif permettant de ramener la PA sous 120/70 mmHg diminue de 25 % la survenue d’événement cardiovasculaire et de 27 % la mortalité toutes causes (chez des hypertendus non diabétiques, sans antécédents cérébro-vasculaires), au prix, évidemment, d’effets indésirables. Cependant, il est bon de rappeler qu’une autre lecture des résultats, en termes absolus cette fois, montre que cela signifie qu’il faut traiter 1 000 sujets pendant 3,2 ans pour qu’à terme 16 sujets en tirent un bénéfice, 22 aient un effet indésirable et 962 aucun effet du traitement intensif(46). Finalement, pour J. Blacher, la décision d’abaisser le seuil de définition de la PA ne peut dépendre du résultat d’une unique étude. D’ailleurs les dernières recommandations européennes de 2018 ont conservé le seuil 140/90 mmHg pour la définition du seuil d’HTA (excepté chez les coronariens ou patients en prévention secondaire, chez qui le seuil est abaissé à 130/80 avec une cible à 120-129/80 mmHg)(47). HTA masquée : quand y penser, comment la traiter ? D’après Bernard VAISSE, Marseille L’HTA masquée est une entité encore trop souvent méconnue du corps médical. Elle correspond à une différence entre la pression mesurée en consultation par rapport à la pression mesurée en ambulatoire chez un même sujet(48) avec, au contraire de l’effet blouse blanche, des pressions en ambulatoire supérieures aux pressions de consultation. D’où la difficulté de repérer ces sujets puisque la mesure en consultation de routine reste un moyen fréquent de dépistage d’une HTA. Par essence même, il est difficile de connaître la prévalence de l’HTA masquée dans la population. L’étude SHEAF a rapporté une prévalence de 10 % dans une population dont l’âge moyen était de 70 ans. Dans cette étude, par rapport aux sujets hypertendus contrôlés, les sujets présentant une HTA masquée avaient un risque relatif de survenue d’événements cardiovasculaires de 2,06 (alors que le risque relatif n’était que de 1,18 et 1,96 pour les sujets présentant respectivement, une HTA blouse blanche et ceux présentant une HTA non contrôlée(49). Selon les différents registres internationaux, la prévalence de l’HTA masquée varie de 10 à 40 %(50). Différentes études menées dans différentes populations montrent que sa prévalence est plus élevée chez les hommes que chez les femmes(51), chez les diabétiques(52) et chez les insuffisants rénaux(53). L’HTA masquée concernerait 1 sujet sur 7-8 ayant une PA normale en consultation parmi la population générale et 1 sur 3 parmi les sujets insuffisants rénaux. Une revue sur le sujet rapporte finalement que les facteurs souvent retrouvés chez les sujets avec HTA masquée sont : l’âge jeune, le sexe masculin, une histoire familiale d’HTA, une pression de consultation normale haute, un risque cardiovasculaire élevé, la présence d’une atteinte d’organe cible (notamment une HVG à l’échographie cardiaque, le tabac, une consommation excessive d’alcool, l’exposition au stress professionnel, la contraception estroprogestative chez les femmes, l’exercice physique très intense où la sédentarité(54). En pratique, l’HTA masquée doit donc être suspectée chez un patient qui a des chiffres normaux mais dans la tranche supérieure en consultations (limite haute) et dans ce cas, une mesure ambulatoire doit être proposée. Le choix de la manière de mesurer la PA en ambulatoire doit tenir compte du fait que la MAPA semble plus performante que l’automesure pour mettre en évidence une HTA masquée, en effet, une étude menée dans une population de sujets ayant des pressions normales en consultation, la prévalence de l’HTA masquée était de 25 % lorsque que l’on se fiait à la MAPA contre 11 % pour l’automesure(55)… Il faut souligner également l’importance d’utiliser un brassard de taille adaptée pour réaliser l’automesure où la MAPA. En effet, une étude réalisée chez des patients obèses chez qui la prévalence de l’HTA masquée est plus importante, a montré que l’utilisation d’un brassard non adapté à la taille du bras (trop petit) doublait la prévalence de l’HTA masquée dans cette population(56). Les mécanismes de l’HTA masquée sont peu connus. L’exposition au stress quotidien qui augmenterait l’activité du baroréflexe, ainsi que d’autres facteurs environnementaux (alcool, tabac, sédentarité…) ont été évoqués dans l’HTA masquée diurne : la présence d’un SAOS, d’un syndrome métabolique, d’une insuffisance rénale dans l’HTA masquée nocturne(57). Il a été retrouvé que 50 % des sujets qui présentaient une hypertension orthostatique (facilement détectable en consultation) avaient également une HTA masquée(58). L’importance de ne pas méconnaître une HTA masquée, repose sur le fait que plusieurs études rapportent un moins bon pronostic cardiovasculaire chez les sujets qui en sont porteurs que chez les sujets hypertendus traités non contrôlés(59). Finalement, la prévalence de l’HTA masquée est plus élevée chez les sujets africains, américains, diabétiques, insuffisants rénaux, à haut risque cardiovasculaire. L’HTA masquée est associée à un mauvais pronostic cardiovasculaire et doit donc être dépistée, particulièrement dans les populations à risque, chez les patients présentant une mesure de consultation dans la tranche supérieure, chez les sujets présentant une HVG échocardiographique. Son diagnostic repose sur la mesure de la PA en dehors du cabinet, de préférence par une MAPA plutôt que par l’automesure. Enfin, il est rappelé que chez l’hypertendu traité, une HTA masquée doit être considérée comme non contrôlée et motiver l’augmentation du traitement (en d’autres termes, il faut favoriser les données de pressions mesurées en dehors du cabinet). Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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