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Diabéto-Cardio

Publié le 15 déc 2018Lecture 4 min

Efficacité de l’aspirine chez le diabétique

Élise PAVEN, Jean-Guillaume DILLINGER, Patrick HENRY, Hôpital Lariboisière, Université Paris VII

Réduire le risque cardiovasculaire des patients diabétiques reste un enjeu dans la pratique quotidienne. Améliorer la réponse à l’antiagrégation plaquettaire, notamment l’aspirine, est une de ces stratégies et reste d’actualité. En effet, environ 25 % des sujets diabétiques ont une réponse biologique insuffisante au traitement par aspirine. Cette résistance biologique à l’aspirine est associée à une augmentation d’événements sous traitement. Cette résistance à l’aspirine n’est autre que l’expression d’un renouvellement accéléré des plaquettes dans cette population. Cela concerne essentiellement des patients plus insulinorésistants. De nouvelles stratégies thérapeutiques, comme une double prise d’aspirine par jour, sont en cours d’évaluation pour tenter d’améliorer la réponse à l’aspirine dans cette population.

Aspirine chez le diabétique La prévention des événements cardiovasculaires chez le sujet diabétique est une thématique récurrente. Une des stratégies régulièrement étudiée est celle de l’impact de l’antiagrégation plaquettaire en prévention primaire ou secondaire. Parmi toutes les molécules, la plus vieille d’entre elles, l’aspirine, reste toujours d’actualité. Néanmoins, son inefficacité en prévention primaire dans la réduction des événements cardiovasculaires a une fois de plus été prouvée par les résultats récents de l’étude ASCEND. En prévention secondaire, les patients diabétiques récidivent plus en termes d’événements cardiovasculaires sous traitement. L’une des hypothèses évoquées est une réponse insuffisante à l’aspirine ou une résistance à l’aspirine. L’aspirine n’a pas d’intérêt en prévention primaire chez le sujet diabétique. Son efficacité est réduite en prévention secondaire chez les diabétiques. Concept de résistance à l’aspirine On distingue deux types de résistance à l’aspirine : clinique et biologique. La résistance clinique est définie comme un échec de l’aspirine à protéger le patient d’un événement clinique. Le phénomène est multifactoriel et associe des facteurs cliniques, cellulaires et génétiques. La résistance biologique est définie comme un échec de l’aspirine à inhiber la biosynthèse de thromboxane ou de produire une réponse mesurable sur les tests d’agrégation plaquettaire. Il existe dans plusieurs études une association entre cette résistance biologique à l’aspirine et la récidive d’événements cliniques sous traitement. Cette résistance à l’aspirine est, chez le diabétique, l’expression d’un renouvellement accéléré des plaquettes. En effet, l’aspirine après absorption n’est présente dans le sang que pendant 2 à 3 heures et acétyle l’ensemble des plaquettes qu’elle rencontre. Lorsque l’aspirine disparaît, de nouvelles plaquettes non inhibées vont apparaître. Pour pouvoir s’agréger entre elles, il faut 20 % de nouvelles plaquettes non inhibées dans la circulation sanguine. Classiquement, chez un patient normal, 10 à 15 % de nouvelles plaquettes sont produites tous les jours. Ce renouvellement des plaquettes est accéléré chez le diabétique, allant jusqu’à un renouvellement de 50,5 %, voire plus du stock de plaquettes après 24 h, entraînant alors une possibilité d’événements thrombotiques (figure 1). Figure 1. Renouvellement plaquettaire normal et accéléré. D’après Dillinger et al. Am Heart J 2012 ; 164 : 600-6. La résistance à l’aspirine n’est que l’expression du renouvellement accéléré des plaquettes dans cette population. Quels diabétiques  cela concerne-t-il ? Ce phénomène n’est pas aussi marginal que l’on imagine. En effet, 25 % des patients diabétiques présentent une résistance biologique à l’aspirine. De nombreuses hypothèses ont été évoquées : impact de l’inflammation systémique, augmentation de la production de thrombopoïétine, impact de l’hyperglycémie ou du contrôle du diabète. Néanmoins, la plupart des résultats des études étaient discordants. Des résultats récents de notre équipe montrent que cette résistance à l’aspirine dans la population de diabétiques de type 2 concerne des patients présentant une insulino-résistance plus marquée sans avoir de lien avec l’inflammation systémique, le contrôle glycémique ou les antécédents cardiovasculaires du patient. La résistance à l’aspirine n’a pas de lien avec le contrôle du diabète et l’inflammation systémique des diabétiques de type 2. Elle concerne les patients les plus insulinorésistants, indépendamment de leurs antécédents ou de leurs comorbidités cardiovasculaires. Des solutions ? Puisque cette résistance à l’aspirine n’est qu’une expression du renouvellement accéléré des plaquettes, plusieurs stratégies ont été testées. La première a été d’augmenter la dose d’aspirine. Les résultats de l’étude OASIS 7 mettent bien en évidence qu’augmenter la posologie d’aspirine ne permet pas de réduire le risque d’événement cardiovasculaire dans le suivi de patients présentant un syndrome coronarien aigu. Nous avons également montré qu’une augmentation des doses d’aspirine chez une population de diabétiques n’améliore pas la résistance biologique à l’aspirine. Cela est cohérent avec le mécanisme temps-dépendant de la résistance à l’aspirine. La seconde stratégie est d’augmenter le nombre de prises d’aspirine par jour. Nous avons montré que la prise de 2 aspirines par jour réduisait la résistance biologique à l’aspirine (figure 2). Pour conforter ces résultats, un essai (ANDAMAN) est actuellement en cours pour tester l’impact de la prise d’aspirine en 2 prises par jour chez les diabétiques de type 2 ayant présenté un syndrome coronarien aigu sur la réduction des événements cardiovasculaires dans le suivi. Les résultats sont attendus pour 2022. Figure 2. Impact de la double prise d’aspirine sur la résistance biologique à l’aspirine. D’après Dillinger et al. Am Heart J 2012 ; 164 : 600-6. Seule la double administration d’aspirine journalière permet de réduire la résistance biolo- gique à l’aspirine chez les sujets diabétiques de type 2. En pratique L’aspirine est moins efficace chez les patients diabétiques, et ce en partie à cause d’un renouvellement accéléré des plaquettes. Envisager des tests de résistance biologique à l’aspirine chez les patients les plus insulinorésistants, ou ceux qui récidivent un événement thrombotique sous traitement bien conduit. Discuter la double prise d’aspirine par jour en l’absence de haut risque hémorragique dans cette population.

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