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Congrès et symposiums

Publié le 15 mar 2018Lecture 6 min

Critères de choix pour protéger les patients des événements thromboemboliques

Michèle DEKER, Paris

JESFC

Les anticoagulants oraux directs (AOD) ont acquis une place privilégiée en prévention des événements thromboemboliques chez les patients ayant une fibrillation atriale (FA) et en prévention des récidives après un événement thromboembolique veineux (ETEV). La conduite du traitement anticoagulant a été nettement simplifiée et le traitement sécurisé comparativement aux anti-vitamine K (AVK). Il reste néanmoins à mieux définir les patients fragiles et les événements à risque, de même que le profil bénéfice/risque des différentes molécules.

Quelle attitude devant une hémorragie non majeure ? En pratique, se pose souvent la question de la conduite à tenir en cas de procédure à risque hémorragique. Alors qu’un geste simple à visée diagnostique ne nécessite pas d’interrompre l’AOD, si la procédure est plus complexe et comporte un risque hémorragique, il est conseillé d’interrompre le traitement AOD 48 h avant l’intervention ou simplement de supprimer la dernière prise la veille de l’intervention et de le reprendre le soir de l’intervention ; un geste plus invasif peut nécessiter un relais de quelques jours par une HBPM. La situation à laquelle le cardiologue est le plus souvent confronté est la survenue d’un événement hémorragique mineur, telles des ecchymoses, qui pourrait conduire à modifier le traitement AOD. Une enquête de pratique auprès des cardiologues du CNCF, HEMICARD, avec le soutien de l’Alliance BMS/PFIZER sur l’attitude des cardiologues dans cette circonstance montre que ces derniers hiérarchisent les événements hémorragiques en fonction de leur gravité potentielle, plaçant en tête les rectorragies et les hématuries alors que les patients sont davantage préoccupés par les ecchymoses, les épistaxis, les hémorragies sous-conjonctivales ou les gingivorragies. En présence d’un événement hémorragique non majeur (ecchymoses) sous AOD, le cardiologue décidera dans un tiers des cas de modifier sa prescription, soit en diminuant la dose soit plus rarement en substituant l’AOD. La diminution de dose est temporaire ou définitive. Cette enquête conduit à s’interroger sur la définition même de l’hémorragie mineure et son impact pronostique. Une analyse de l’étude ARISTOTLE fournit des éléments de réponse. Sont considérées comme des hémorragies non majeures, des événements soit cliniquement significatifs mais non majeurs, soit des saignements mineurs. Dans l’étude ARISTOTLE, il a été observé 3 fois plus d’hémorragies non majeures que majeures. Comparativement au groupe AVK, l’incidence des hémorragies, non majeures et majeures, a été moins élevée chez les patients traités par apixaban. Les hémorragies cliniquement significatives non majeures, ne nécessitant pas de transfusion, ont impliqué la réalisation d’un geste médical ou chirurgical dans un quart des cas, une consultation dans les trois quarts des cas et une modification du traitement dans la moitié des cas. Elles ont aussi un impact sur le pronostic, car associées à une augmentation de la mortalité et du risque hémorragique, de même qu’elles sont prédictives de la survenue d’une hémorragie majeure. La survenue d’un événement hémorragique non majeur nécessite, certes, de s’interroger sur le traitement prescrit mais sans compromettre la prévention du risque ischémique. Respecter les schémas posologiques Les schémas posologiques de chaque molécule d’AOD sont établis sur la base des études (phase 2) de pharmacocinétique et pharmacodynamie puis testés dans les essais cliniques de phase 3. Ces études évaluent l’effet du traitement sur les critères d’efficacité et de tolérance pour déterminer le point d’équilibre du bénéfice/risque thérapeutique. En outre, des études in silico permettent de simuler le résultat du traitement avec divers schémas posologiques selon le comportement des patients, pour calculer un index thérapeutique utile. Concernant l’apixaban, il a été déterminé que les meilleurs schémas posologiques sont une double prise quotidienne de 5 mg ou 2,5 mg. Cette modalité d’administration en deux prises quotidiennes se traduit par une meilleure stabilité des concentrations plasmatiques de la molécule, ce qui minore le risque hémorragique et aussi le risque d’événement. En outre, ce schéma minore les conséquences de l’oubli d’une prise par jour (1 seul oubli en schéma de monoprise équivaut à 3 oublis en schéma de biprise). ETEV : quelle prise en charge au long cours ? Si le traitement en aigu est bien codifié, il reste une marge d’incertitude quant à déterminer les patients à risque de récidive intermédiaire qui bénéficieraient d’un traitement de longue durée. La décision tient compte des caractéristiques du patient : l’âge (risque x 2 pour chaque décennie supplémentaire) et le sexe (x 4 chez les hommes) sont clairement des facteurs de risque de récidive, de même que la surcharge pondérale et les comorbidités inflammatoires. Le caractère provoqué ou non de l’ETEV est déterminant : en cas de facteur de risque transitoire, le risque de récidive rejoint celui de la population générale (tableau) ; l’absence de facteur de risque transitoire ou persistant détermine un événement non provoqué. APLS : antiphospholipides ; MICI : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ; CTEPH : chronic thromboembolic pulmonary hypertension Certains facteurs de modulation inciteront à prolonger le traitement : antécédents familiaux, embolie pulmonaire plutôt que thrombose veineuse profonde, obésité, immobilisation, impotence fonctionnelle, insuffisance cardiaque et rénale, syndrome post-phlébitique, thrombophilie mineure, âge, D-dimères, filtre cave. De multiples scores rassemblant ces éléments ont été développés pour guider la décision de prolonger le traitement, laquelle doit aussi tenir compte du risque hémorragique. En pratique, les options sont les suivantes : – dans un contexte favorisant la récidive : traitement de 3 mois ; – en cas de récidive d’ETEV non provoqué : traitement prolongé ; – en cas de 1er ETEV non provoqué ou provoqué par un FDR mineur transitoire : pas de traitement systématique prolongé (risque de récidive 30 %), la difficulté étant d’offrir une option thérapeutique efficace tout en limitant le risque hémorragique et la mortalité liée à cette complication (0,5 %/an sous AVK). Une alternative de traitement prolongé consiste à prescrire un AOD à dose réduite. L’étude AMPLIFY-EXT a évalué deux stratégies de prévention par apixaban, 5 mg x 2/j et 2,5 mg x 2/j, chez des patients préalablement traités à pleine dose pendant 6 ou 12 mois. Les deux schémas de traitement ont permis de réduire de 80 % les récidives, sans surrisque hémorragique chez les patients recevant une demi-dose d’apixaban. Ce traitement à demi-dose est donc recommandé en traitement de durée indéfinie en cas de récidive d’un ETEV non provoqué, en particulier en présence d’un facteur de risque mineur de récidive. En revanche, on ignore si les posologies réduites d’AOD sont appropriées chez les patients à très haut risque thrombotique, donc aux patients ayant une récidive d’ETEV non provoqué, ou ayant une thrombophilie majeure. Choix de la posologie dans la FA Au-delà des essais cliniques qui ont permis d’établir le bénéfice/risque des AOD, nous disposons des données de registres observationnels qui confortent les résultats. Par exemple, le registre danois montre un effet significatif de l’apixaban sur le risque thromboembolique et une diminution significative du risque hémorragique avec l’apixaban et le dabigatran, vs AVK, outre une nette réduction du risque d’hémorragie intracérébrale avec l’ensemble des AOD vs AVK. Chez les patients traités à pleine dose, les AOD sont équivalents aux AVK en prévention des événements ischémiques ; l’apixaban et le dabigatran réduisent significativement le risque de mortalité et d’hémorragie majeure. Chez les patients traités à faible posologie, il a été observé un léger surcroît d’événements thromboemboliques avec l’apixaban vs AVK et une réduction des événements hémorragiques avec le dabigatran. Ces résultats contrastés entre les groupes de patients traités à forte dose et à dose réduite dans les registres observationnels, comparativement aux essais cliniques peut s’expliquer par un mauvais choix posologique du praticien, en particulier une surestimation du risque hémorragique, ou une modification posologique consécutive à des hémorragies mineures. Dans le registre français PAROS chez des patients en FA, 70 % sont traités par apixaban à forte dose, très peu sont surdosés (1,9 %) ; parmi les 30 % de patients traités à faible dose, 6,7 % ne répondent pas aux critères requis pour recevoir cette posologie, ce qui peut avoir des conséquences en réduisant la protection anti-ischémique, sans bénéfice sur le risque hémorragique. Inversement, les patients surdosés ont davantage de risque de complications hémorragiques sans bénéfice sur les événements thromboemboliques. Par conséquent, il importe de respecter les critères de choix de dose des AOD, basés sur les essais cliniques. D’après un symposium avec le soutien de BMS/Pfizer et la participation de M. Guenoun, J.-S. Hulot, N. Méneveau et O. Piot

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