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Cardiologie générale

Publié le 16 oct 2017Lecture 5 min

Syndrome de Tako-Tsubo

Alireza SAMADI, CHI Lucie et Raymond AUBRAC, Villeneuve-Saint-Georges

Le syndrome de Tako-Tsubo (cardiomyopathie de Tako-Tsubo, syndrome de ballonnisation apicale ou syndrome du cœur brisé) est décrit pour la première fois en 1990 par les cardiologues japonais. La prévalence dans la population générale est estimée à 0,02 % mais les cas reportés ne cessent d’augmenter. Au total, 1 à 2 % des malades hospitalisés dans un tableau de syndrome coronarien aigu auront finalement ce diagnostic (figure 1).

Figure 1. Nombre annuel de cas reportés (Circulation 2014 ; vol. 78). Le diagnostic   Il est basé sur les critères de la Mayo Clinic : • Anomalie de la cinétique segmentaire transitoire ventriculaire gauche sous forme d’une hypokinésie, akinésie ou dyskinésie qui dépasse un territoire artériel. • Absence d’occlusion coronarienne aiguë ou d’argument pour une rupture de plaque récente à l’angiographie (la présence d’une coronaropathie n’élimine pas le diagnostic de syndrome de Tako-Tsubo). • Nouvelle modification ECG (surtout sus-décalage du segment ST ou l’inversion des ondes T en antérieur) ou l’élévation modérée de la troponine. • Absence d’une myocardite ou d’un phéochromocytome.   Épidémiologie   Il est plus fréquent chez les femmes (F/H = 9/1). L’âge moyen de survenue est de 67 ans. La grande majorité des malades ont plus de 50 ans mais dans 5 à 11 % des cas, il survient chez les femmes non ménopausées. On retrouve un facteur déclenchant chez 2/3 des malades. Dans l’ensemble de la population, les facteurs stressants physiques sont plus fréquents que les facteurs émotionnels (36 % vs 27,7 %) mais dans la population féminine sans surprise les stress émotionnels sont dominants (tableau). Un événement neurologique ou psychiatrique aigu ou les antécédents de ces derniers sont retrouvés chez presque 50 % des patients. Alors qu’on pensait jusqu’à il y a peu que ce syndrome est toujours déclenché par un événement déplaisant, ainsi justifiant le nom de « syndrome du cœur brisé », il a été montré récemment que chez 4 % des malades un choc émotionnel plaisant a été déclencheur de ce syndrome (Eur J Heart 2016), ce qui a permis de décrire une nouvelle entité de syndrome de Tako-Tsubo, « happy heart syndrome » ou « syndrome du cœur enchanté ». Ces deux sous-groupes sont identiques dans la présentation clinique, biologique et électrocardiogramme sauf à l’échographie où la forme médio-ventriculaire est plus fréquente dans le happy heart syndrome. Les éléments diagnostiques   Clinique La présentation clinique est non spécifique : douleur thoracique a été décrite chez 75,9 %, dyspnée 46,9 %, syncope 7,7 % et asystolie chez 1 % des malades. • Sur le plan électrique Dans 90 % des cas, il existe un sus-décalage du segment ST ou l’inversion des ondes T en V3-V6 avec l’allongement du QT. Ces modifications sont associées à des miroirs dans 40 % des cas, mais l’onde Q est inhabituelle. Le sous-décalage du segment ST est reporté dans 8,3 % des malades. En général, l’ECG se normalise dans quelques semaines. • Sur le plan biologique L’élévation modérée de la troponine alors que l’augmentation de la BNP ou NT-proBNP est beaucoup plus marqués (discordance). Il faut préciser que dans cette pathologie il n’existe pas de corrélation entre le degré de la dysfonction systolique ventriculaire et le taux de la troponine car le mécanisme de la dysfonction n’est pas la nécrose myocardique. • Sur le plan échographique Comme cela a été mentionné précédemment, on constate une anomalie de la cinétique segmentaire dépassant un territoire artériel sous forme de dyskinésie, akinésie, hypokinésie. Sur le plan morphologique, la forme apicale est observée dans 81,7 % des cas, la forme médio-ventriculaire dans 14,6 %, la forme basale chez 2,2 % et la forme focale dans 1,5 % des cas (ceci est la raison pour laquelle on ne peut plus nommer ce syndrome tout simplement un syndrome de ballonnisation apicale). L’atteinte du ventricule droit est constatée dans 30 % des cas surtout chez les sujets âgés. L’obstruction de la voie d’éjection et l’IM importante ont été décrits surtout dans la forme apicale (figure 2). Figure 2. IRM L’IRM apporte des informations supplémentaires à l’échographie, surtout si elle est réalisée le plus rapidement possible après le diagnostic. Elle confirme l’anomalie de la cinétique segmentaire retrouvée à l’échographie, on retrouve aussi de l’œdème dans les mêmes territoires. Concernant les séquences tardives, pendant longtemps, il a été considéré que l’absence de rehaussement tardif est en faveur de syndrome de Tako-Tsubo alors que ces dernières années, il s’est avéré que le seuil de détection du rehaussement tardif utilisé pour le myocardite et l’infarctus du myocarde (5 DS) ne peut pas être appliqué pour ce syndrome. Il a été montré que si le seuil de détection de signal choisi est 5 DS ou plus (comme pour le diagnostic de myocardite ou infarctus), par rapport à l’intensité de signal du myocarde, il y aura 0 % de rehaussement détecté dans le syndrome de Tako-Tsubo, alors que la diminution de seuil a 3-4 DS, permettra de détecter presque 20 % de rehaussement sous forme d’un signal gris peu systématisé (ni sous-péricardique ni sous-endocardique) dans les mêmes segments avec l’anomalie de la cinétique. La disparition complète de rehaussement peut prendre 1 an mais en général il se normalise au bout de quelques semaines. La présence de rehaussement tardif est un signe de gravité et ces malades ont une hospitalisation plus longue avec un risque plus élevé de choc cardiogénique (figures 3 à 5). Figure 3. Séquence STIR, œdème myocardique. Figure 4. Rehaussement tardif, 3D. Figure 5. Rehaussement tardif, PSIR. L’évolution clinique intrahospitalière est en général satisfaisante. Pourtant des complications sérieuses apparaissent chez 21,8 % (mortalité 4,1 % qui est plus élevée chez les hommes, choc cardiogénique 9,9 %, l’arythmie ventriculaire 3,0 %, thrombus intra-VG 1,3 %, etc.). L’évolution à long terme est favorable, la récupération complète survient sur 7-37 semaines. Le risque de récidive est de 1,8 % par patient/an. • Sur le plan physiopathologique, les deux hypothèses les plus abordées sont : – La toxicité directe des catécholamines. – L’ischémie transitoire sévère liée à un spasme prolongé de la microcirculation favorisée par des catécholamines et l’endothéline entraînant une sidération myocardique. Concernant la première hypothèse, vu la prédominance apicale de la distribution myocardique des récepteurs 1 et 2 et la prédominance basale des terminaisons sympathiques (figure 6), il est fort probable que l’augmentation systémique de l’adrénaline entraîne une dysfonction apicale alors qu’une augmentation locale de la noradrénaline libérée par des terminaisons sympathiques soit responsable d’une dysfonction basale. Figure 6. Représentation schématique des différences localisées dans la réponse à des doses importantes de catécholamine, expliquant la cardiomyopathie. Le traitement est basé sur l’IEC ou ARAII qui améliore la suivie à 1 an. Concernant les bêtabloquants, il n’y a pas de bénéfice évident démontré. L’utilisation des catécholamines, surtout la dobutamine en cas de choc cardiogénique, paraît délétère et les supports mécaniques comme la contrepulsion aortique ou un sensibilisateur calcique (lévosimendan) avec son action cardiotonique (inotrope positif) sont plus adaptés.

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