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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 sep 2017Lecture 7 min

Y a-t-il une place pour les anticoagulants oraux directs dans la maladie coronaire ?

Guillaume CAYLA, Benoît LATTUCA, service de cardiologie, CHU de Nîmes ; Université de Montpellier

Les antiagrégants plaquettaires, avec en premier lieu l’aspirine, restent la pierre angulaire du traitement de la maladie coronaire stable ou instable. Les nouveaux anticoagulants ont révolutionné la stratégie antithrombotique orale de nos patients en fibrillation atriale. L’utilité des anticoagulants oraux directs se pose dans la maladie coronaire en association ou en remplacement des antiagrégants plaquettaires. De nombreux essais cliniques ont été effectués ou sont en cours, soit dans la maladie coronaire stable, soit dans le syndrome coronarien aigu.

Maladie coronaire stable   La monothérapie par aspirine reste le traitement de choix de la maladie coronaire stable. Ce traitement est efficace et peu coûteux, l’intérêt des AOD dans ce contexte est un véritable challenge. Dans la maladie coronaire stable ou la pathologie artérielle périphérique, le rivaroxaban a été testé à un faible dosage (2,5 x 2 ou 5 mg) en association ou en remplacement de l’aspirine dans l’essai COMPASS (figure 1). L’essai prévoyait aussi une double randomisation afin de tester l’efficacité du pantoprazole 40 mg sur les hémorragies gastro-intestinales. Le laboratoire Bayer vient de communiquer de manière anticipée la positivité du critère principal. Les résultats de cette étude portant sur plus de 20 000 malades devraient être communiqués fin 2017. Figure 1. Dessin de l’étude COMPASS. Syndrome coronarien aigu   Les antithrombotiques constituent la pierre angulaire du traitement pharmacologique du syndrome coronarien aigu (SCA). Il associe une bithérapie antiplaquettaire par aspirine et un inhibiteur des récepteurs P2Y12, à laquelle s’ajoute une anticoagulation très courte par héparine, héparine de bas poids moléculaire, fondaparinux ou bivalirudine. L’utilisation d’un traitement anticoagulant oral direct (AOD) dans le SCA semble donc être intéressante et légitime sur un plan physiopathologique. Un autre cas de figure, de plus en plus fréquent, est la survenue d’un SCA chez un patient anticoagulé au long cours par AOD pour la prévention des complications emboliques de la fibrillation atriale (FA).   Les AOD comme traitement du SCA   Des études de phase 2 et de phase 3 ont été réalisées avec les différents AOD dans le SCA.   • Dabigatran L’étude RE-DEEM(1) avec le dabigatran a testé 4 doses (50 mg, 75 mg, 110 mg et 150 mg deux fois par jour) contre placebo dans une population de 1 878 SCA en plus d’une bithérapie antiplaquettaire. L’objectif principal était d’évaluer la tolérance hémorragique des différentes doses. Le traitement par dabigatran s’est accompagné d’une augmentation importante (multiplication par 4 pour les plus fortes doses par rapport au placebo) des hémorragies. Compte tenu des résultats de cette étude, il n’y a pas eu d’étude de phase 3 avec le dabigatran dans cette indication. • Apixaban L’apixaban a été étudié tout d’abord dans APPRAISE(2), une étude de phase 2 avec 4 doses d’apixaban (2,5 mg x 2, 10 mg, 10 mg x 2, 20 mg) dans les SCA (n = 1 715 patients) en plus du traitement antiplaquettaire par monothérapie ou bithérapie. Une augmentation dose-dépendante des hémorragies était notée avec une tendance à la diminution des complications ischémiques avec la dose de 2,5 mg x 2 et 10 mg par jour. La dose de 10 mg, fractionnée en deux prises (5 mg 2 fois par jour) d’apixaban, a donc été choisie pour l’étude de phase 3, APPRAISE 2(3). L’étude a été stoppée prématurément après l’inclusion de 7 392 patients et l’apixaban n’a pas réduit la survenue du critère composite associant décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral mais était responsable d’une augmentation des hémorragies majeures (1,3 vs 0,5, p = 0,001). Il n’y a pas eu de suites aux résultats décevants de cette étude de commercialisation de l’apixaban dans cette indication. • Rivaroxaban Le rivaroxaban a été étudié dans l’essai de phase 2 ATLAS 46(4) avec plusieurs doses (5, 10 et 20 mg) en 1 à 2 prises par jour sur des critères de tolérance (hémorragies cliniquement significatives). Une augmentation dose-dépendante des hémorragies était observée sous rivaroxaban. Deux doses faibles de rivaroxaban 2,5 mg x 2 et 5 mg x 2 ont été choisies pour l’étude de phase 3. L’étude ATLAS TIMI 51(5) a randomisé 15 526 patients ayant eu un SCA pour 2 doses de rivaroxaban (2,5 mg 2 fois par jour et 5 mg 2 fois par jour en association à l’aspirine et au clopidogrel). Le critère principal de jugement composite associant décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral était réduit de manière significative (8,9 % vs 10,7 %, p = 0,008), et ce avec les deux doses. La faible dose (2,5 mg x 2) s’est accompagnée d’une réduction de la mortalité cardiovasculaire et toutes causes ainsi que d’une réduction des thromboses de stent. Le taux d’hémorragies majeures non liées à un pontage était augmenté sous rivaroxaban (2,1 % vs 0,6 %, p < 0,001) ainsi que les hémorragies intracrâniennes sans augmentation des hémorragies fatales. La dose de 2,5 mg s’est par ailleurs accompagnée de moins d’hémorragies fatales que la dose de 5 mg x 2, (0,1 % vs 0,4 %, p = 0,04). Les recommandations européennes de cardiologie(6) proposent ainsi le rivaroxaban à 2,5 mg x 2 chez les patients sans antécédent d’AIT/AVC, à faible risque hémorragique en plus de l’aspirine et du clopidogrel pour une année (recommandation de classe IIb, niveau d’évidence B). Enfin, une étude est actuellement en cours dans le SCA avec le rivaroxaban à faible dose, en plus d’un inhibiteur du P2Y12, mais en testant l’hypothèse d’une diminution des complications hémorragiques en se séparant de l’aspirine. L’étude GEMINI ACS 1 (NCT02293395) va comparer la sécurité du rivaroxaban à 2,5 mg x 2 par jour par rapport à l’aspirine en association avec le clopidogrel ou le ticagrelor. Les résultats de cette étude ont été présentés à l’ACC 2017. En conclusion, l’utilisation des AOD dans le SCA, en association à l’aspirine et le clopidogrel, semble théoriquement intéressante. La dose de l’AOD semble avoir un impact sur le résultat clinique avec nécessité d’utiliser des faibles doses au long cours. L’apixaban et le dabigatran à des doses plutôt de prévention des complications emboliques de la FA n’ont en revanche pas montré de résultats cliniques satisfaisants avec un excès de complications hémorragiques. Les résultats dans le SCA sont intéressants avec le rivaroxaban, surtout avec la plus faible dose, avec toutefois une augmentation des complications hémorragiques. Seule cette dose, de 2,5 mg 2 fois par jour, de rivaroxaban a reçu une AMM européenne en association à l’aspirine et au clopidogrel. Le positionnement de cette molécule reste néanmoins difficile dans la mesure où le clopidogrel n’est plus le traitement de première intention dans les SCA. Les résultats des études GEMINI ACS sont attendus.   Indication des AOD chez les patients en FA et ayant une angioplastie   Le deuxième cas de figure est la survenue chez un patient traité par AOD pour la prévention des complications emboliques d’une FA. Il se pose alors la question du régime antithrombotique à utiliser après l’angioplastie et de l’association AOD avec une monoou bithérapie antiplaquettaire. Quatre études cliniques vont essayer de répondre à la question de l’utilisation des antiagrégants plaquettaires après une angioplastie coronaire chez un patient traité par AOD. L’étude PIONEER(7) avec le rivaroxaban testé à 2,5 mg x 2 et 15 mg, AUGUSTUS avec l’apixaban testé à 5 mg x 2, REDUAL PCI avec la dabigatran à 110 et 150 mg x 2 par jour et enfin l’étude ENTRUST AF PCI avec l’edoxaban. Les résultats de l’étude PIONEER ont été publiés récemment(8). Cette étude portant sur 2 124 patients en FA nécessitant une angioplastie coronaire avec mise en place d’un stent a comparé trois stratégies antithrombotiques. La dose de 15 mg de rivaroxaban est associée à un inhibiteur P2Y12 « stratégie WOEST avec du rivaroxaban », la dose de 2,5 mg 2 fois par jour à une bithérapie antiplaquettaire (« stratégie ATLAS ») ; enfin, la stratégie « guidelines » associe AVK et bithérapie antiplaquettaire pour une durée variable. Le critère principal de jugement était un critère de sécurité (hémorragie cliniquement significative). Les 2 groupes AOD ont montré en comparaison au groupe AVK une réduction significative des complications hémorragiques (figure 2). L’étude manquait de puissance pour évaluer les complications ischémiques. Cette étude est la première étude qui évalue les AOD dans l’angioplastie coronaire, et ses résultats devraient participer à modifier les recommandations. L’étude REDUAL avec le dabigatran dont les inclusions sont terminées devrait être présentée en 2017 alors que les études AUGUSTUS avec l’apixaban et ENTRUST AF PCI avec l’edoxaban sont toujours en cours.  Figure 2. Résultats du critère principal de l’étude PIONEER. D’après Gibson CM et al. N Engl J Med 2016(8). En pratique   Les nouveaux anticoagulants constituent une importante avancée dans le domaine de la thrombose en cardiologie. Les indications des AOD dans le traitement des syndromes coronariens aigus restent limitées pour le moment en attendant les résultats des études en cours. Dans la pathologie coronaire stable, les AOD à faible dose en remplacement ou en plus de l’aspirine semblent être intéressants, mais nous attendons les résultats de l’étude COMPASS. L’étude PIONEER est la première étude d’angioplastie avec les AOD, mais de nombreuses études sont en cours avec les autres anticoagulants oraux directs.    Conflits d’intérêts : Le Pr Guillaume Cayla reporte les liens d’intérêt suivants (bourse de recherche, lectures ou consultants) : Amgen, AstraZeneca, Bayer, Boehringer Ingelheim, Boston, Biotronik, Bristol- Myers Squibb, Daiichi Sankyo, Eli- Lilly, Europa, Fédération française de cardiologie, Fondation Coeur et recherche, Medtronic, MSD, Pfizer, sanofi-aventis, The Medicines Company ; le Dr Benoît Lattuca reporte les liens d’intérêt suivants : consultant pour Daiichi Sankyo, Eli-Lilly et bourse de recherche Daiichi Sankyo et Fédération française de cardiologie.

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