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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 juin 2017Lecture 7 min

Insuffisance cardiaque : pourquoi dépister la carence martiale et comment la traiter ?

Michèle DEKER, Paris

La prise en charge de l’insuffisance cardiaque ne cesse de progresser pour endiguer cette pathologie chronique dont la prévalence augmente. De nouvelles modalités thérapeutiques pharmacologiques et les dispositifs implantables ont permis de ralentir l’évolution de la maladie, et d’améliorer la qualité de vie des malades. La prise en charge des comorbidités fait partie intégrante du traitement de l’insuffisance cardiaque. À ce titre, la carence martiale — avec ou sans anémie — mérite d’autant plus d’être recherchée que sa correction est facile et bénéfique, tant sur le plan fonctionnel qu’en termes de qualité de vie et de morbi-mortalité.

La recherche d’une anémie fait partie du bilan de base de tout patient insuffisant cardiaque. L’anémie — définie par un taux d’hémoglobine < 13 g/dl chez l’homme et < 12 g/dl chez la femme — est, en effet, une comorbidité fréquente, en particulier chez les femmes et les sujets âgés ou insuffisants rénaux. Elle s’accompagne d’une majoration des symptômes, altère la qualité de vie et assombrit le pronostic de la maladie. La carence martiale a été plus récemment reconnue en tant que comorbidité de l’insuffisance cardiaque, et retrouvée chez près de la moitié des patients dans une étude de registre multicentrique observationnelle ayant inclus 1 484 patients insuffisants cardiaques(1). Elle est d’autant plus fréquente que l’insuffisance cardiaque est sévère et qu’il existe une anémie associée (61,2 % vs 45,6 % sans anémie), et représente un facteur prédictif indépendant majeur du pronostic(1). Depuis 2012, la Société européenne de cardiologie (ESC) recommande un dépistage systématique de la carence martiale chez tous les patients insuffisants cardiaques, quel que soit le stade de la maladie (recommandation de classe IC)(2). Les dernières recommandations de l’ESC(3) précisent que la correction du déficit martial par le carboxymaltose ferrique (Ferinject®) doit être envisagée chez tout insuffisant cardiaque à fraction d’éjection altérée qui reste symptomatique sous traitement ; cette recommandation (IIaC) est fondée sur les résultats des études FAIR-HF(4) et CONFIRM-HF(5), qui ont démontré des effets bénéfiques sur les paramètres fonctionnels, la qualité de vie et le risque d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque. La recherche d’une carence martiale devrait s’intégrer dans le parcours de soins de l’insuffisant cardiaque, à tous les stades de son évolution, a fortiori en cas d’insuffisance cardiaque sévère symptomatique. Sa prévalence est particulièrement élevée chez les patients hospitalisés pour une décompensation, évaluée à 69 % chez les hommes et 75 % chez les femmes selon une étude réalisée en France(6).   Comment dépister une carence martiale ?   Le dosage du fer sérique ne témoigne que de la quantité de fer disponible et est donc insuffisant pour explorer la carence martiale. Le dépistage repose en première intention sur la mesure de la ferritine, protéine de stockage du fer sérique, qui reflète la réserve de fer dans les tissus. Chez les patients souffrant de maladie chronique, telle que l’insuffisance cardiaque, on associe à la ferritinémie le cœfficient de saturation en fer de la transferrine, protéine de transport du fer (calculé à partir des valeurs de fer sérique et transferrine). Selon l’ESC, le diagnostic de carence martiale est retenu pour les valeurs suivantes : - ferritinémie < 100 μg/l ; - cœfficient de saturation de la transferrine < 20 %, si la ferritinémie est comprise entre 100 et 299 μg/l. Une ferritinémie < 100 μg/l signe une carence martiale absolue avec un déficit de stockage du fer. La carence martiale fonctionnelle définie par une ferritinémie moins basse et une réduction du cœfficient de saturation de la transferrine traduit un défaut de transport ou d’utilisation du fer, pour répondre aux besoins de l’organisme. Le fer joue, en effet, un rôle central dans de nombreuses fonctions érythropoïétiques. Cofacteur essentiel des protéines hématiques et non hématiques, il intervient dans le stockage de l’oxygène, la production énergétique dans les cellules musculaires (squelettiques et myocardiques), ainsi que la synthèse et la dégradation des lipides, des hydrates de carbone, des acides nucléiques, et les fonctions mitochondriales(7). Le contenu en fer du tissu myocardique est abaissé chez les patients insuffisants cardiaques. La carence en fer peut donc se traduire par une dysfonction mitochondriale, un remodelage myocardique et une altération des capacités d’exercice(8). Plusieurs mécanismes sont impliqués dans la carence martiale absolue souvent observée chez les insuffisants cardiaques : - un apport alimentaire insuffisant ; - une moindre absorption du fer alimentaire résultant d’un défaut de transport duodénal, d’interactions médicamenteuses (inhibiteurs de la pompe à protons) ou d’une malabsorption ; - des saignements digestifs, favorisés par les traitements antiplaquettaires et anticoagulants(8).   Le fer oral ne permet pas de corriger la carence martiale   L’administration de fer par voie orale, longtemps préconisée pour corriger la carence martiale en raison de son faible coût et de sa facilité d’administration, n’a pas démontré son efficacité chez les patients insuffisants cardiaques. Telle est la conclusion de l’étude IRONOUT-HF, un essai contrôlé randomisé chez 225 patients ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite et une carence martiale qui ont été traités par fer oral 150 mg x 2/j (n = 111) vs placebo (n = 114) durant 16 semaines. Au terme de l’essai, il n’a pas été montré de différence significative entre les deux groupes sur le critère principal, la capacité d’effort évaluée par la consommation maximale d’oxygène (pic de VO2) : +23 ml/min vs – 2 ml/min (IC - 34 à + 76 ml/min, p = 0,46), ni sur le test de marche de 6 min (IC -32 à 6 m), les taux de NTproBNP (IC -280 à 599 pg/ml) ou le score de qualité de vie (IC -2,4 à 4,4)(9). L’échec du traitement oral à corriger la carence martiale pourrait s’expliquer par la mauvaise absorption du fer. Dans cet essai, des taux élevés d’hepcidine (favorisée par l’état d’inflammation qui accompagne l’insuffisance cardiaque) avant la supplémentation martiale étaient fortement prédicteurs de l’absence de correction de la carence par le fer oral.   Fer injectable : des bénéfices démontrés   L’ESC recommande depuis 2016 de corriger le déficit martial chez les patients insuffisants cardiaques par le carboxymaltose ferrique (CMF, Ferinject®) qui a fait la preuve de son efficacité dans plusieurs études. Dans l’étude FAIR-HF, 459 patients insuffisants cardiaques classe II/III, carencés en fer ont été randomisés pour recevoir une injection de 200 mg de CMF hebdomadaire jusqu’à correction de la carence martiale ou une injection placebo, puis un traitement d’entretien toutes les 4 semaines à partir de la 8e ou 12e semaine. À la 24e semaine, le traitement actif a permis d’améliorer significativement le critère principal de jugement, l’auto-évaluation de l’état général par les patients et la classe fonctionnelle NYHA (47 % des patients en classe I/II vs 30 %), les résultats étant comparables chez les patients ayant ou non une anémie. De même, une amélioration significative du test de marche de 6 minutes et des scores de qualité de vie a été observée. Les bénéfices du fer injectable ont été confirmés dans l’étude CONFIRM-HF ayant inclus 304 patients insuffisants cardiaques avec une amélioration significative du test de marche de 6 minutes (différence de 33 ± 11 mètres vs placebo, p = 0,002), dans tous les sous-groupes de patients, une amélioration de la classe NYHA, de la qualité de vie et du score de fatigue. Une diminution significative des hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque de 41 % (IC 0,19-0,82, p = 0,009) a également été observée. S. Anker et coll. ont réalisé une métaanalyse des données individuelles de 4 essais (FERCARS- 01, FAIR-HF, EFFICACYHD et CONFIRM-HF ) d u traitement par CMF par voie veineuse vs placebo afin d’évaluer son effet sur les taux de mortalité et de réhospitalisation chez les patients insuffisants cardiaques avec carence martiale. Cette analyse regroupe 507 patients traités par CMF et 337 par placebo(10). La dose moyenne nécessaire pour corriger la carence martiale a été de 1 327 ± 329 mg et la dose cumulée moyenne de 1 679 ± 522 mg. L’analyse a montré que le taux de réhospitalisation et de mortalité de cause cardiovasculaire, critère principal de l’étude, est significativement réduit par le fer injectable de 41 % (IC 0,40-0,88, p = 0,009). Sur les critères secondaires, le taux de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque et de mortalité est réduit de 47 % (IC 0,333-0,86, p = 0,011), de même que le taux de réhospitalisations de cause cardiovasculaire et de mortalité de toutes causes de 40 % (IC 0,41-0,88 ; p = 0,009) et le taux de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque et de mortalité de toutes causes de 46 % (IC 0,34-0,87, p = 0,011). Le traitement est globalement bien toléré, le pourcentage de patients ayant présenté au moins un effet indésirable (grave ou non) étant similaire dans les deux groupes.   Au total   Le parcours de soins du patient insuffisant cardiaque tel que préconisé dans les recommandations ESC 2016 inclut une première consultation avec le médecin généraliste dans la première semaine post-hospitalisation et un rendez-vous avec un cardiologue dans les deux semaines si possible. Cette recommandation n’est hélas pas toujours suivie d’effet : en France, 29 % des patients ont revu un cardiologue dans le mois suivant la sortie et 60 % dans l’année(11,12). Les consultations de suivi auprès du médecin généraliste et du cardiologue sont pourtant indispensables pour assurer la titration des traitements de fond de l’insuffisance cardiaque et vérifier l’effet des thérapeutiques. Chez un patient insuffisant cardiaque au décours d’une décompensation, il faut systématiquement penser à rechercher une carence martiale parmi les comorbidités susceptibles de déstabiliser le malade, et la traiter. Il en est de même chez un patient qui reste fatigué, essoufflé sous traitement bien conduit. La supplémentation en carboxymaltose ferrique est facile à réaliser et permet de diminuer la morbi-mortalité chez l’insuffisant cardiaque. D’après une conférence de presse Vifor Pharma, avec la participation d’I. Pithois Merli (Vifor Pharma), M. Guenoun (Marseille) et T. Damy (Créteil)

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