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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 avr 2017Lecture 10 min

Place des peptides natriurétiques dans le suivi du patient insuffisant cardiaque chronique

Michel GALINIER1,2,3 et coll.*, Toulouse

L’utilisation des peptides natriurétiques de type B dans le suivi de l’insuffisance cardiaque chronique reste débattue, recommandée aux États-Unis (classe IIa, niveau B) mais pas en Europe(1), alors que leur place dans le diagnostic de l’insuffisance cardiaque aiguë et chronique est établie avec des valeurs seuils d’élimination clairement déterminées(2). Or, posséder un marqueur biologique fiable, facilement accessible, quantifiable comme le sont les peptides natriurétiques pour participer au suivi ambulatoire des insuffisants cardiaques et guider leur traitement serait d’un intérêt clinique majeur en raison du risque élevé de décompensation au cours de cette maladie chronique.

La réhospitalisation pour cible La prévention du risque de réhospitalisation après une poussée d’insuffisance cardiaque aiguë est devenue une des cibles du traitement, un tiers des cas étant évitables. Dans l’observatoire français OFICA, les risques de décès et de réhospitalisations pour une nouvelle poussée sont de l’ordre de 25 à 40 % à 6 mois(3). En Europe, dans le registre Euro Heart Failure Study où les patients étaient inclus après une hospitalisation dans un service de cardiologie, le taux de réhospitalisation est de 24,2 % à 3 mois(4). Aux États-Unis, le taux de réhospitalisation à 30 jours après la sortie varie de 24 à 27 %(5). Il est identique, que l’insuffisance cardiaque soit à fraction d’éjection réduite (ICFEr) ou préservée (ICFEp), et il est dû dans 50 % des cas à une nouvelle décompensation de l’insuffisance cardiaque(5). Au Canada, 20 et 60 % des patients sont réhospitalisés à 1 mois et à 1 an après une décompensation(6). Le taux de réhospitalisation est particulièrement élevé après une première hospitalisation qui constitue une phase critique particulièrement instable, en moyenne 40 % à 1 an(7-9). En France, le nombre moyen d’hospitalisations d’un patient souffrant d’insuffisance cardiaque serait de 2 à 3 par an. Ces réhospitalisations itératives sont à l’origine d’un double défi, médical, la mortalité hospitalière de l’insuffisance cardiaque aiguë étant en France de 7,5 %(8) à 8,2 %(3), et économique, les hospitalisations étant responsables de 60 à 70 % des coûts de santé générés par cette maladie. Inertie thérapeutique La sous-prescription des traitements de fond de l’insuffisance cardiaque chronique est une des raisons de ces réhospitalisations pour décompensations itératives. Dans les registres IMPACTRECO, réalisés en France de 2004 à 2007 auprès des cardiologues libéraux, si le taux de prescription des IEC (ou des ARA2 en cas d’intolérance) est de près de 90 % et celui des bêtabloquants de près de 80 %, les posologies de ces derniers sont loin des doses maximales préconisées, seulement 25 % des patients étant à cette dose et 50 % des patients à la moitié de cette posologie(10,11). De plus, l’analyse des prescriptions des patients en affection de longue durée (ALD) pour insuffisance cardiaque en France a montré que seulement 47 % des patients sont traités par IEC, 44 % par bêtabloquant, 28 % par ARA2 et 18 % par antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes (ARM), seuls 19 % des patients étaient traités par une association IEC-bêtabloquant-diurétique(12). Cette insuffisance de prescription a plusieurs origines. Elle est certes due en partie aux intolérances et effets secondaires des traitements à visée neurohormonale, dont l’action hypotensive est souvent mal tolérée chez les patients présentant une ICFEr où le niveau tensionnel est spontanément bas, source d’asthénie. Néanmoins, on ne peut nier un certain degré d’inertie thérapeutique du corps médical, peu prompt à modifier les posologies des médicaments chez des patients parfois paucisymptomatiques entre les poussées congestives. Cette inertie est favorisée par la difficulté d’analyser le pronostic des patients insuffisants cardiaques du fait de la multiplicité des facteurs cliniques, électrocardiographiques, échocardiographiques, fonctionnels, hémodynamiques et biologiques en jeu. Valeur pronostique des peptides natriurétiques La première étape pour aider au suivi de l’insuffisance cardiaque chronique est donc de fixer le pronostic du patient, dont vont dépendre en partie les mesures thérapeutiques à lui proposer. En sortie d’hospitalisation, un taux élevé de peptide natriurétique est un puissant marqueur du risque de réadmission précoce(13), la congestion hydrosodée qu’il reflète étant le principal contribuable des réhospitalisations. Chez les patients ambulatoires, les taux de peptides natriurétiques constituent un marqueur pronostique puissant dans la prédiction des événements cardiovasculaires, leur concentration dépendant à la fois des pressions de remplissage ventriculaire et des anomalies structurelles cardiaques. Au cours de l’insuffisance cardiaque chronique, les valeurs seuils de BNP et de NT-proBNP semblent être respectivement de 125 et 1 000 pg/ml(14-16). Néanmoins, le moment le plus opportun pour mesurer la concentration des peptides natriurétiques après une hospitalisation pour décompensation d’une insuffisance cardiaque reste débattu. En effet par rapport à la valeur de base, les variations des peptides natriurétiques, après optimisation du traitement, ont une valeur pronostique. Les patients dont les taux initialement élevés le restent, ainsi que ceux dont les taux initialement bas s’élèvent, ont un risque de mortalité plus élevé(17). Cependant, plus que les variations des concentrations de peptides natriurétiques, c’est la concentration des peptides natriurétiques obtenue après optimisation du traitement qui semble avoir la meilleure valeur pronostique(18,19). De plus, les variations des concentrations de peptides natriurétiques ne sont significatives qu’au-delà de 30 %, du fait de l’importante variabilité intraindividuelle de ce marqueur. Ainsi, quelques mois après une décompensation, quand le patient est stabilisé, sous traitement neuro-hormonal optimal, à son « poids sec », il semble pertinent de contrôler la concentration des peptides natriurétiques, taux qui constituera alors la valeur de référence pour le suivi, servant de comparateur en cas d’événement aigu(19). Pour quels patients ? Au vu de ces données pronostiques, l’utilisation des valeurs des concentrations plasmatiques de peptides natriurétiques pour guider le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique semble logique. Néanmoins, les résultats des différentes études réalisées sur ce sujet restent divergents. Leur analyse souligne l’importance de trois paramètres, outre le moment où est réalisé le dosage, la concentration ciblée des peptides, l’âge des patients et la valeur de leur fraction d’éjection. Au décours immédiat d’une hospitalisation pour décompensation cardiaque secondaire à une ICFEr, un taux de NT-proBNP > 2 200 pg/ml permet de sélectionner les patients à haut risque, chez qui un suivi intensif, tant que les taux restent supérieurs à cette valeur, permet de prévenir les réhospitalisations pour insuffisance cardiaque(20). Pour les patients stables, les valeurs des peptides natriurétiques atteintes dans les 15 premiers jours après une hospitalisation sont trop élevées pour servir de guide au traitement, certains préconisant de diminuer les taux de plus de deux fois la valeur de la sortie de l’hôpital(21). En fait, il semble préférable d’utiliser une valeur cible prédéterminée relativement basse qui pourrait être pour le BNP < 125 pg/ml et pour le NTproBNP < 1 000 pg/ml(22). Après 75 ans, l’analyse des données des études TIME-CHF et BATTLESCARRED suggère que l’utilisation des peptides natriurétiques pour guider le traitement n’a plus d’intérêt. De plus, leur utilisation semblait plus pertinente dans l’ICFEr que dans l’ICFEp. En tenant compte de ces limites, leur utilisation comme guide du traitement semble utile puisque dans la métaanalyse de 6 études contrôlées, portant sur 1 627 patients, est associée à une diminution de 31 % de la mortalité(23,24). L’étude PROTECT(25) a confirmé l’intérêt de ce suivi biologique dans l’ICFEr, en retrouvant une amélioration du pronostic des patients surveillés avec le NT-proBNP (valeur cible < 1 000 pg/ml), associée à une optimisation de leur traitement, avec une prescription plus forte d’antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) et une régression du remodelage ventriculaire gauche. Une analyse post-hoc de ce travail(26) suggère que ce bénéfice persiste chez les patients de plus de 75 ans, au prix d’une asthénie générée par cette stratégie de suivi plus importante que chez les sujets plus jeunes. Quant à l’étude SIGNAL-HF(27) qui n’a pas retrouvé de différence entre les groupes suivis ou non selon les valeurs des peptides natriurétiques, elle se caractérise par l’inclusion de patients âgés, l’âge moyen étant de 77,5 ans, et une valeur cible de NT-proBNP individualisée et non prédéterminée. Surtout, elle est critiquable par son concept, les médecins du groupe contrôle ayant été spécifiquement formé au suivi des patients insuffisants cardiaques ce qui l’éloigne des conditions de la vie réelle. Une nouvelle métaanalyse(28), réalisée sur les données individuelles de 8 études, a confirmé l’intérêt de l’utilisation des peptides natriurétiques pour guider le traitement de l’ICFEr, retrouvant une diminution significative de 18 % de la mortalité toutes causes et de 21 % du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les résultats de l’étude GUIDEIT qui a inclus 1 100 patients présentant une insuffisance cardiaque systolique, dont le traitement du groupe suivi par les peptides est optimisé pour obtenir une valeur de NT-proBNP < 1 000 pg/ml, sont attendus pour cette année. Il reste cependant à déterminer les modifications thérapeutiques qui devraient être fondées sur les valeurs des taux de peptides natriurétiques elles-mêmes diminuées sous l’effet de la plupart des traitements de l’insuffisance cardiaque. En effet, s’il paraît logique de modifier les doses de diurétiques proximaux en fonction de ces concentrations qui sont directement reliées au niveau des pressions intraventriculaires, les posologies des traitements à visée neuro-hormonale de l’insuffisance cardiaque, IEC, ARA2, bêtabloquants, ARM, inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine 2 et de la néprilysine (IRAN), doivent obéir aux recommandations internationales qui en fixent les valeurs cibles. Cependant, il paraît évident à l’analyse de la majorité des études que la connaissance des concentrations des peptides natriurétiques a un impact sur ces derniers traitements, avec un effet incitatif, les taux élevés amenant à majorer davantage les traitements jusqu’à la dose optimale, luttant contre l’inertie thérapeutique. En cas de valeurs restant élevées sous traitement médical maximal, d’autres moyens thérapeutiques, électriques ou chirurgicaux, doivent alors être envisagés. Ainsi, de manière pragmatique, il semble pertinent de surveiller les concentrations des peptides natriurétiques, du moins chez les patients âgés de plus de 75 ans et présentant une ICFEr, après une décompensation. L’objectif est de sélectionner les patients les plus à risque (NTproBNP > 2 200 pg/ml) et de leur proposer un suivi renforcé mensuel, puis en phase de stabilité un contrôle tous les 3 mois chez ceux en stade III-IV de la NYHA et tous les 6 mois chez ceux en stade II, afin d’adapter la posologie des diurétiques pour cibler un taux de BNP < 125 pg/ml ou de NT-proBNP < 1 000 pg/ml, ou à défaut la valeur la plus basse possible, après s’être assuré que les doses des médicaments à action neuro-hormonale soient le plus proche possible des doses cibles recommandées (tableau 1). De plus, un dosage pourra être réalisé en cas de survenue de symptômes atypiques pour détecter précocement une décompensation à un stade où elle est encore accessible à une thérapeutique ambulatoire. La mesure des peptides natriurétiques sera associée à celle de la créatininémie, de la kaliémie et de la natrémie. Elle pourrait être intégrée à la télésurveillance des insuffisants cardiaques si les résultats de l’étude PIMS sont favorables. Le coût de ces dosages sera largement amorti par la prévention des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque(29). Quel peptide natriurétique doser ? Le choix entre dosage du BNP ou du NT-proBNP, qui sont sécrétés par les cardiomyocytes de manière équimoléculaire, dépendait jusqu’à présent du laboratoire où l’analyse était réalisée. Si le BNP, qui seul possède l’activité hormonale et dont la demi-vie est plus courte, est un marqueur intrahospitalier de grande valeur, la stabilité du NT-proBNP, sa reproductibilité d’un laboratoire à l’autre grâce à l’utilisation des mêmes anticorps de capture au cours des dosages immunologiques, en fait le peptide natriurétique de choix pour le suivi ambulatoire de l’insuffisance cardiaque chronique(30). Avec l’arrivée des IRAN, dont l’utilisation est recommandée chez les patients présentant une ICFEr demeurant symptomatiques malgré un traitement par diurétiques, IEC (ou ARA2), bêtabloquant et ARM(2), le NT-proBNP va s’imposer comme le peptide natriurétique de choix pour assurer le suivi biologique de ces patients. En effet, le blocage de la néprilysine, enzyme dégradant les peptides natriurétiques (ANP, BNP, CNP), les rendant inactifs, par le sacubitril est à l’origine d’une augmentation pharmacologiquement induite des taux de BNP, alors que l’amélioration hémodynamique générée par ce nouveau traitement reste traduite par la diminution du NT-proBNP(31).  En pratique Ainsi, en aidant à fixer le pronostic et à optimiser le traitement, les peptides natriurétiques de type B constituent un guide utile tout au long de la vie agitée des patients insuffisants cardiaques, à condition d’être toujours confrontés à la clinique. En effet, la prise de poids et l’élévation des peptides natriurétiques ne sont pas toujours parallèles(32), l’augmentation du poids pouvant même précéder celle des peptides chez certains patients. Un algorithme tenant compte de ces deux paramètres dans le suivi des insuffisants cardiaques chroniques, considérant comme significatif une prise de poids ≥ 2 kg et une augmentation des peptides > 25 %, permettrait d’identifier les sujets à risque, amenant à réviser leur stratégie thérapeutique (figure). L’utilisation des peptides natriurétiques n’a donc de sens que si elle est réalisée par un praticien susceptible d’optimiser le traitement du patient, le couple clinicien-marqueur permettant alors à l’insuffisant cardiaque de bénéficier d’un traitement personnalisé, en permanence adapté à l’évolution de la mala die (tableau 2). Ainsi, les peptides natriurétiques pourraient devenir la cible métrique intermédiaire du traitement de l’insuffisance cardiaque, comme il en existe pour de nombreuses pathologies cardiovasculaires, la pression artérielle dans l’HTA, l’hémoglobine glyquée au cours du diabète, le cholestérol LDL dans les dyslipidémies.  Figure. Algorithme d’utilisation des peptides natriurétiques de type B et du poids dans le suivi des insuffisants cardiaques chroniques(32).  Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com  

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