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Cardiologie interventionnelle

Publié le 14 oct 2016Lecture 6 min

Endocardite infectieuse et TAVI

C. BOULETI, B. IUNG, Service de cardiologie, CHU Bichat, Paris

En population générale, l’incidence de l’endocardite infectieuse (EI) est de 34 cas par million d’habitants et touche préférentiellement les hommes et les patients âgés (194 cas/million chez les hommes entre 75 et 79 ans)(1). Les patients porteurs de prothèse ont eux une incidence d’EI de 3 000/million de patients, soit 6 fois plus de risque qu’en cas de valvulopathie native et 100 fois plus qu’en population générale.

Si on se place dans une population de patients ayant un TAVI, on trouve : - un âge à risque avec une moyenne aux alentours de 80 ans ; - pas particulièrement de prédominance masculine avec 51 % d’hommes pour le registre France 2 par exemple(2) ; - le poids majeur de la présence d’une prothèse valvulaire. Il est donc licite de penser que l’EI représente un réel problème dans cette population grandissante. Mais le diagnostic d’EI sur TAVI est-il fiable dans cette population très particulière de patients âgés, débilités ? Les 2 critères majeurs de la classification de Duke sont le diagnostic microbiologique et les lésions de l’endocarde à l’échographie cardiaque (végétations, abcès, déhiscence prothétique ou nouvelle fuite)(3). Or, l’échographie chez les porteurs de prothèses est moins sensible que sur valvulopathie native, en raison notamment de la réfringence des prothèses. Les critères mineurs sont la présence d’une prothèse, la toxicomanie, les différents phénomènes vasculaires et la fièvre. Or, dans cette population de patients âgés, fragiles, la présentation clinique est souvent torpide avec notamment moins de fièvre…(4,5). Le diagnostic d’EI semble donc être plus difficile chez les patients TAVI, d’où une potentielle sous-estimation dans cette population. Les 3 séries récentes publiées sur EI et TAVI rapportaient une incidence annuelle entre 0,7 et 2,1 %(6-8). Trois séries majeures sur EI et TAVI Une étude rétrospective italienne sur 14 centres a inclus 2 572 patients entre janvier 2008 et avril 2013. La répartition entre Sapien et CoreValve étant de 40-60 %. Durant un suivi médian de 1,1 an, 29 EI ont été diagnostiquées(6). Une étude rétrospective de l’équipe de Rodes-Cabau et parue en 2015 dans Circulation représente la série la plus importante à ce jour avec 7 944 patients sur 21 centres entre 2007 et 2014. Le rapport entre valves Sapien et CoreValve était cette fois inverse à 80-20 %. Le suivi moyen était de 1,1 an avec 53 EI diagnostiquées(7). Enfin, une étude monocentrique danoise a inclus 509 patients entre 2007 et 2014. L’une des particularités était l’emploi exclusif de CoreValve. Le suivi médian était de 1,4 an et 18 EI ont été diagnostiquées(8). Population des patients TAVI ayant une EI (tableau) Il s’agit de patients âgés et à haut risque chirurgical, donc une population de TAVI assez classique. La répartition hommes/femmes n’était pas détaillée dans le JACC ; dans Circulation, on notait une petite prédominance masculine (57 %) et dans la série danoise, une nette majorité d’hommes (94 %). Il semble donc que les hommes TAVI sont plus à risque d’EI mais avec des données à interpréter avec prudence. Présentation clinique (tableau) La fièvre n’était présente que dans 75 % des cas, ce qui est inférieur aux 85-90 % rapportés en population générale(1). Par ailleurs, le souffle de régurgitation est difficilement interprétable après TAVI en raison des fuites périprothétiques audibles en dehors de tout contexte infectieux. Et enfin, concernant l’insuffisance cardiaque et les emboles, les chiffres sont discordants selon les études. Diagnostic Selon les critères de Duke, il y avait 1/6 de diagnostics possibles pour le JACC, moins de 5 % pour le Circulation et plus d’un quart pour la série danoise… En termes d’échographie cardiaque, on retrouvait : - 77 % de patients avec des végétations dans la série de Circulation ; - 86 % d’échographies positives dans le JACC mais sans le détail de végétations ou autre ; - seuls 56 % des patients avaient des végétations dans la série danoise. Ils réalisaient dans les cas négatifs une échographie intracardiaque, ce qui a permis d’amener le diagnostic échographique à 72 %. Aucune des 3 séries ne mentionne d’imagerie nucléaire (PET-scan ou scintigraphie aux leucocytes marqués), dont on sait pourtant qu’elle peut aider au diagnostic chez les porteurs de prothèses(9,10). La répartition des microorganismes est assez concordante entre les différentes séries avec une nette prédominance de staphylocoques dorés et coagulase négative (entre un tiers et la moitié des germes retrouvés), une proportion importante d’entérocoques (20 à 30 % des cas), tandis qu’il y avait assez peu de streptocoques bucco-dentaires. Chronologie du diagnostic d’EI sur TAVI Sur les 3 études, plus de la moitié des EI surviennent dans les 6 mois post-TAVI, ce qui est un délai très court, et la proportion d’EI très précoces est élevée avec : - 18 % des patients qui ont une EI le 1er mois dans Circulation ; - 28 % pour la série danoise ; - 27 % sur les 2 premiers mois dans le JACC. Ce qui peut évoquer une cause iatrogène, avec pour les germes en cause une prédominance de staphylocoques et d’entérocoques. De plus, ces EI très précoces surviennent alors que tous les patients ont eu une ATBprophylaxie avant TAVI, comme recommandé dans les guidelines ESC 2015 (classe IIa)(11). Prévention des EI sur TAVI Antibioprophylaxie Tous les patients ont eu une ATBprophylaxie mais elle n’était pas standardisée. La série danoise mentionne : « Au vu des EI très précoces après TAVI avec une part non négligeable d’entérocoques, peut-être faudrait- il modifier l’ATBprophylaxie, les céphalosporines en une prise ne couvrant pas les entérocoques ». À discuter… Salle de cathéthérisme/hybride La majorité des procédures étaient réalisées en salle de cathéthérisme (55 % pour le JACC et 61 % pour Circulation). Les salles hybrides présentent une meilleure asepsie et permettraient donc de lutter plus efficacement contre les infections nosocomiales. Traitement des EI sur TAVI La grande majorité des patients avaient une indication théorique d’intervention selon les guidelines, avec par exemple 87 % des patients dans Circulation, la plupart en raison d’une insuffisance cardiaque (59 %) ou d’un choc septique (28 %). Mais en raison de l’extrême fragilité de la population TAVI, seuls 6 à 13 % des patients ont eu une intervention, que ce soit une chirurgie ou une procédure de valve in valve dans les différentes séries. Ces chiffres sont bien inférieurs à ce que l’on trouve dans les séries chirurgicales, avec des patients plus jeunes ayant moins de comorbidités, la moitié d’entre eux pouvant être opérés(13). Survie Le taux de décès intrahospitalier est très élevé : 47 % pour Circulation et 45 % pour le JACC, ce qui est largement supérieur aux chiffres rapportés en population générale (aux alentours de 15 %) ou sur des séries chirurgicales (23 % dans le registre ICE)(13). La série danoise présente des chiffres bas, mais sur un profil de patients différent (un peu plus jeunes, scores de risque inconnus et 28 % de diagnostics possibles). Seule la série de Circulation rapporte une survie plus prolongée, avec un taux de survie à 1 an de 34 %. Facteurs prédictifs de la survenue d’une EI Les résultats étaient assez contradictoires entre les séries (plus d’EI sur valve Sapien que sur Core-Valve dans la série du JACC par exemple) et surtout ces facteurs prédictifs ont été analysés sur un faible nombre d’événements, à savoir uniquement la moitié de la population pour Circulation et sur seulement 18 EI dans la série danoise. Donc à interpréter avec beaucoup de prudence. En pratique En conclusion, on retient une incidence annuelle de l’EI sur TAVI de 0,7 à 2,1 % selon les séries, sachant qu’il s’agit de patients âgés, fragiles, avec une présentation clinique insidieuse. L’adéquation des critères de Duke n’a pas été spécifiquement évaluée dans cette population et l’incidence des EI sur TAVI pourrait être sous-estimée. Par ailleurs, la proportion d’EI très précoces est élevée, un quart survenant durant les 2 premiers mois de manière concordante sur les 3 études, avec une majorité de staphylocoques mais une fréquence d’entérocoques plus élevée que dans la plupart des autres endocardites (y compris sur prothèse). Cette chronologie et les microorganismes suggèrent une part non négligeable d’EI nosocomiale. Cela pose le problème des modalités d’ATBprophylaxie qui devraient être standardisées et potentiellement mieux adaptées au profil microbiologique et la nécessité de conditions d’asepsie plus strictes, notamment par la diffusion des salles hybrides. La prévention est d’autant plus nécessaire compte tenu du pronostic effroyable des EI sur TAVI.  

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