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Congrès et symposiums

Publié le 14 mai 2016Lecture 7 min

Syndrome coronarien aux urgences - STEMI : comment rester simple ou comment simplifier la prise en charge

P.-G. CLARET, J.-F. BÉNEZET, G. CAYLA*, J.-E. DE LA COUSSAYE, Service des urgences ; *Service de cardiologie interventionnelle, Pôle NACRE, CHU de Nîmes

TUC

Bien qu’un pourcentage non négligeable de STEMI arrive directement aux urgences sans aucune régulation médicale, le premier point de simplicité est de considérer que le syndrome coronarien aigu avec sus-décalage permanent du segment ST (STEMI) doit être pris en charge par le Samu centre 15 et transporté médicalement en Smur.
Deux points majeurs sont à prendre en considération dans la prise en charge du STEMI en Samu/Smur : 1) éviter la mort subite et 2) éviter la survenue d’une insuffisance cardiaque.

Éviter la mort subite   La survenue d’une fibrillation ventriculaire en préhospitalier est source d’une mortalité importante. Il convient d’envoyer le Smur le plus proche sur les appels 15 avec forte suspicion d’une douleur thoracique due à un syndrome coronarien aigu afin de pouvoir réaliser une défibrillation manuelle en cas de besoin. Lorsque le délai d’arrivée du Smur est supérieur à celui d’un VSAV (véhicule de secours aux victimes) équipé d’un DAE (défibrillateur automatisé externe), le médecin régulateur du Samu déclenche d’une manière simultanée les deux vecteurs. Ceci souligne une fois de plus l’importance de la régulation médicale par le Samu-Centre 15 car si l’on veut avoir une stratégie de reperfusion encore faut-il que l’on puisse déjà prévenir la mort subite.   Éviter l’insuffisance cardiaque = avoir une stratégie coordonnée de reperfusion   Si l’on veut rester simple, il faut d’abord appliquer les recommandations européennes. En effet, les recommandations de l’ESC prennent en compte la prise en charge préhospitalière médicalisée présente dans beaucoup de pays européens. Les recommandations de l’ESC 2012 sont suffisamment claires avec un timing extrêmement précis qu’il importe de respecter avec deux délais qui doivent être pris en compte : le délai du début de la douleur thoracique et le premier contact médical représenté par l’arrivée du Smur et le deuxième point est le délai de transport du patient jusqu’à la salle de coronarographie et la reperméabilisation de l’artère par la mise en place du ballon d’angioplastie. Le premier délai permet de différencier les early presenters (moins de 2 à 3 heures). Le deuxième délai permet de décider entre la réalisation d’une fibrinolyse préhospitalière par rapport à une angioplastie primaire. Ces données sont parfaitement définies par les recommandations de l’ESC 2012 dans l’attente de celles de 2017 et par les recommandations de 2014 sur la revascularisation. Lorsque l’on analyse les données du registre Fast MI 2010, sur les 1 073 STEMI, les auteurs constatent un raccourcissement du délai entre le début de la douleur et le premier appel de 120 min en 2000 à 74 min en 2010 et une augmentation du nombre d’appels 15. Les auteurs constatent également qu’en 10 ans l’angioplastie passe de 49 à 75 % et la fibrinolyse diminue de 30 à 14 %, 57 % de ces fibrinolyses étant réalisées en préhospitalier. Ceci aboutit à une baisse de la mortalité à J30 en 15 ans de 68 % puisqu’en 1995 elle était de 14 %, elle est en 2010 à 4 %. Cependant, on peut se poser la question de savoir si la baisse d’utilisation de la fibrinolyse constatée est vraiment licite. En effet, les auteurs du registre Fast MI ont constaté que la mortalité chez les patients traités par fibrinolyse notamment préhospitalière était plus basse que les autres modalités thérapeutiques de reperfusion que ce soit fibrinolyse intrahospitalière ou même l’angioplastie primaire et bien entendu la non-reperfusion. Il s’agit certes d’un registre analysant donc des patients non randomisés pouvant induire un biais important ; par contre, lorsque les auteurs n’incluent que les malades selon la méthodologie de l’étude randomisée STREAM, ils constatent que chez les early presenters, la fibrinolyse préhospitalière n’a pas plus de mortalité que l’angioplastie primaire. Ces résultats avaient déjà été corroborés par plusieurs études, qu’elles soient randomisées ou qu’elles proviennent de registres : Prague-2 montrait que lorsque le délai était inférieur à 3 heures, il n’y avait pas de différence de mortalité entre l’angioplastie et la fibrinolyse. L’étude randomisée CAPTIM montre au contraire à 5 ans une mortalité inférieure dans le groupe fibrinolyse préhospitalière chez les early presenters inférieure à 2 heures. Le registre de Vienne ne montre pas de différence lorsque les malades ont été pris en charge dans les 2 heures, voire dans les 3 heures après le début de la douleur entre fibrinolyse préhospitalière et angioplastie. Ceci laisse suggérer que chez les early presenters, il faut bien analyser le délai de transport jusqu’à l’angioplastie et au gonflage du ballon afin de ne pas laisser passer une chance supplémentaire de sauver plus de myocarde. L’étude STREAM publiée dans le N Engl J Med en 2013 a comparé en randomisant la fibrinolyse versus l’angioplastie chez les sujets porteurs d’un STEMI inférieur à 3 heures et avec une angioplastie irréalisable dans l’heure. Le timing de l’angioplastie dans le groupe fibrinolyse était également inclus dans la méthodologie, entre vérification angiographique décalée chez les malades fibrinolysés avec succès ou angioplastie de sauvetage chez les autres. Ces auteurs ont bien montré que la fibrinolyse associée à cette stratégie interventionnelle chez les malades de moins de 75 ans et même ceux de plus de 75 ans avec des doses adaptées était comparable à la stratégie de l’angioplastie primaire puisque la mortalité, la survenue d’un choc ou d’une insuffisance cardiaque congestive ou d’une récidive à 30 jours étaient non significatives entre les deux groupes. Pour rester simple, il est donc important de ne pas oublier ou négliger l’utilisation de la fibrinolyse préhospitalière pour les délais ischémiques courts dans l’établissement des protocoles de prise en charge avec transfert immédiat et direct vers un centre d’angioplastie. Il importe également d’être simple dans les traitements ou prétraitements de la reperfusion. Concernant la fibrinolyse, en respectant les contre-indications, celle-ci doit être préhospitalière au mieux dans les 3 heures et associée avec aspirine, clopidogrel, énoxaparine conformément aux études précédemment réalisées et confirmées par l’étude récente de STREAM. Lorsque l’angioplastie primaire est choisie, la simplicité consiste à respecter les recommandations, celles de 2014 paraissant simplifiées : il y a donc lieu d’utiliser l’aspirine, le prasugrel ou le ticagrelor, bien entendu en l’absence de contre-indications et le clopidogrel lorsqu’il est préférable aux deux précédents. Il est bien recommandé de les administrer dès le premier contact médical. Les anti-GP2b3a doivent être envisagés en salle de cathétérisme ou en préhospitalier chez les patients à haut risque dans le cadre du transport vers une angioplastie primaire. Il est à noter cependant que la validation de l’utilisation préhospitalière de toutes ces molécules est relativement rare et ne concerne que le ticagrelor et certains anti-GP2b3a. L’étude ATLANTIC a ainsi montré que l’utilisation pré-hospitalière du ticagrelor par rapport à l’administration en salle de cathétérisme était comparable chez les patients ayant un STEMI voire même préférable puisqu’une diminution de thrombose de stent était constatée. Cependant, les délais entre les deux groupes étaient très courts. Concernant les anti-GP2b3a, l’étude FINESSE n’avait pas montré de supériorité du prétraitement par les anti-GP2b3a associés ou non à une fibrinolyse par rapport à l’utilisation de l’abciximab en salle de cathétérisme. Il était même constaté des saignements plus importants lorsqu’ils étaient utilisés en prétraitement. Cette étude randomisée avait été responsable d’une limitation des indications des anti-GP2b3a dans le contexte du STEMI. Cependant, cette étude concernait des inclusions tardives au-delà de la 4e heure après le début de la douleur et ne pouvait donc être considérée comme conclusive chez les patients pris en charge avant ces délais. D’autres études, qu’elles soient par métaanalyse, registre ou sous-groupe sont en faveur de l’utilisation de l’abciximab en préhospitalier. Concernant le tirofiban, l’étude ONTIME-2 montre une supériorité de l’utilisation préhospitalière de cette molécule mais sans amélioration de la mortalité. Concernant l’anticoagulation, les recommandations 2014 ont mis au même niveau l’utilisation de la bivalirudine ou l’énoxaparine. Ceci a été confirmé par des études récentes, EUROMAX pour la bivalirudine et ATOLL pour l’énoxaparine.   Pour conclure, comment rester simple pour prendre en charge un STEMI en préhospitalier ?   Il importe de médicaliser pour permettre un diagnostic rapide, un accès immédiat à une possibilité de défibrillation en cas de survenue d’une fibrillation ventriculaire, un circuit court organisé au mieux par le Samu centre 15 et rapide en cas d’angioplastie primaire et toujours vers un centre d’angioplastie en cas de fibrinolyse préhospitalière. Ensuite, il convient d’appliquer les recommandations, de ne pas oublier la fibrinolyse pour les early presenters et de rester simple dans les prétraitements de la reperfusion. Rester simple ne veut pas dire être simpliste, c’est pourquoi il est nécessaire de réaliser cette médicalisation préhospitalière qui permettra de mettre en place un traitement à la carte pour les patients. Par contre ce qui n’est jamais simple, c’est l’évaluation des délais du début de la douleur jusqu’au ballon. En effet, on a tendance à minimiser les délais de transport. Ainsi dans une étude que nous avons réalisée, nous avons constaté qu’un certain pourcentage de patients a posteriori auraient pu (dû ?) bénéficier d’une fibrinolyse préhospitalière. Il est donc important d’être extrêmement sensibilisé à cette possibilité chez les early presenters. Ce qui n’est jamais simple non plus, c’est la prise en charge du sujet très âgé ou polytraité ou qui prend des AOD, les insuffisants rénaux... Il n’est pas non plus toujours simple d’apprécier le risque hémorragique. Enfin, le médecin même expérimenté a le droit aussi d’avoir un doute.   En pratique   Il est fondamental d’avoir des protocoles de prise en charge du STEMI en préhospitalier. Ces protocoles doivent être faits conformément aux données de la science bien entendu, mais adaptés aux impératifs locaux et doivent être faits en collégialité. C’est cette collégialité qui permet d’obtenir une baisse de mortalité.

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