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Insuffisance cardiaque

Publié le 14 sep 2013Lecture 11 min

De nouvelles perspectives pharmacologiques dans le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë ?

P. V. ENNEZATa, N. BOUABDALLAOUIb, C. BANFIc a. Grenoble b. USIC, Hôpital européen George Pompidou, Paris c. Département de chirurgie cardiovasculaire, Hôpitaux universitaires de Genève

Le syndrome d’insuffisance cardiaque aiguë (SICA), très hétérogène et complexe, constitue un problème majeur de santé publique. Le nombre de cas est « épidémique » avec le vieillissement de la population, s’ajoutant aux facteurs de risque cardiovasculaire. Le pronostic reste très sévère malgré une prise en charge intensive. Alors que l’insuffisance cardiaque chronique par dysfonction systolique du ventricule gauche (VG) a bénéficié de progrès thérapeutiques substantiels ces deux dernières décennies, la morbi-mortalité du SICA reste très élevée avec peu ou pas de thérapeutiques validées par des études randomisées mais souvent efficaces en aigu dans la pratique quotidienne.

Les comorbidités associées au SICA (diabète, insuffisance rénale, obésité, BPCO, etc.) touchent directement le pronostic. La pression artérielle, lors de la prise en charge, détermine des pronostics différents (mortalité à 2-3 mois de 5 % en cas de PAS > 160 mmHg, 7 % entre 120 et 160 mmHg et 14 % en cas de PAS < 120 mmHg). La classification de Forrester permet d’anticiper des orientations thérapeutiques très différentes selon la présentation clinique (figure 1).    Figure 1. Classification de Forrester.     L’hétérogénéité est également liée à la diversité des cardiopathies, au caractère récent (infarctus du myocarde aigu, myocardite, etc.) ou ancien (cardiomyopathie dilatée, cardiopathie hypertensive, CMH, etc.) de l’insuffisance cardiaque, à l’existence ou non d’une athérosclérose coronaire ou périphérique (risque accru d’ischémie mésentérique, rénale, etc.). Le SICA ne doit pas être appréhendé uniquement comme une altération de l’hémodynamique centrale avec baisse du débit systémique et élévation des pressions de remplissages mais comme une maladie systémique. Les dysfonctions d’organes périphériques (rein, tube digestif, foie, cerveau, etc.) produisent des boucles physiopathologiques (neurohormonales, inflammatoires, immunitaires, etc.) délétères au niveau du système cardiocirculatoire.  Ainsi un choc cardiogénique post-IDM peut se présenter avec un profil hémodynamique vasoplégique. Le SICA, même lorsque son évolution est favorable, ne doit pas être considéré comme un orage résolutif ; l’impact des boucles physiopathologiques sur la fonction myocardique et le pronostic à court ou moyen terme est considérable. L’objectif thérapeutique n’est pas seulement d’améliorer rapidement les symptômes, mais de préserver la fonction cardiaque et d’améliorer le pronostic à long terme. Cet exposé recense les principaux essais pharmacologiques dans le SICA de cette dernière décennie.   Diurétiques et vasodilatateurs    Dans la plupart des cas, la surcharge hydrosodée se développe progressivement 1 à 2 semaines avant l’admission. L’apport sodé dépasse les capacités rénales d’excrétion sodée en raison d’une baisse du débit rénal ou d’une maladie rénale intrinsèque (néphropathie hypertensive, vasculaire, etc.). Pour la majorité des patients, l’administration de diurétiques IV puis per os à dose optimale est efficace, notamment chez les patients non adhérents qui ont interrompu leur traitement (plus de 50 % des patients dans les registres) et lorsque le SICA est pris en charge précocement avant que ne s’installent les dysfonctions d’organes périphériques.  Les diurétiques de l’anse ne feront probablement jamais l’objet d’une étude contrôlée versus placebo. Des travaux relativement anciens suggéraient que l’administration continue de furosémide avait une meilleure efficacité et une meilleure tolérance rénale que l’administration discontinue. L’essai DOSE (Diuretic Optimization Strategies Evaluation) a randomisé le mode d’administration (continu versus bolus) et la posologie (faible dose : 1 fois la dose quotidienne 358 mg/72 h versus forte dose : 2,5 fois la dose quotidienne 773 mg/72 h). Aucune différence n’était retrouvée entre les stratégies. L’étude DAD-HF II (n = 450) en cours compare 3 stratégies diurétiques sur la mortalité et les réhospitalisations : forte dose de furosémide versus faible dose de furosémide versus faible dose de furosémide + dopamine à dose rénale (vasodilatation intrarénale par stimulation des récepteurs dopaminergiques D1).  Les vasodilatateurs sont particulièrement efficaces lorsque le SICA est causé par une altération du couplage ventriculo-aortique qui aboutit à une redistribution de la volémie dans la circulation pulmonaire (OAP dit « flash » sur FEVG préservée et associé à une rigidité ventriculaire et artérielle). Dans cette situation, le patient ne présente pas de signes congestifs périphériques. Les bolus de nitroglycérine (3 mg toutes les 5 min par exemple) associés à de faibles doses de furosémide sont plus efficaces que les fortes doses de furosémide, en outre délétères pour la fonction rénale (passage rapide à une situation d’hypovolémie). Le nitroprussiate de sodium, puissant vasodilatateur artériel, peut être utile en cas d’urgence hypertensive. À noter que la morphine utilisée en bolus intraveineux avec titration prudente constitue un excellent traitement vasodilatateur qui, en plus d’avoir un puissant effet artériolaire et veineux, réduit le stress du patient en OAP et donc améliore l’efficacité du travail respiratoire.  Le BNP recombinant humain (nésiritide intraveineux), en stimulant la guanylate cyclase particulaire au niveau du muscle lisse vasculaire (augmentation du GMPc, stimulation de la protéine kinase G [PKG] et vasorelaxation), réduit les conditions de charge et la pression capillaire pulmonaire. Comparé à de faibles doses de nitroglycérine dans l’étude VMAC, le nésiritide baissait davantage la PAPO et améliorait plus rapidement les symptômes. Cependant, les métaanalyses suggéraient un effet défavorable sur la fonction rénale et la mortalité. Pour clore le débat, l’étude ASCEND-HF randomisait plus de 7 000 patients sous nésiritide (perfusion de 24 h à 7 j) versus placebo. Une amélioration modeste mais significative de la dyspnée à 6 et 24 h était notée dans le groupe nésiritide sans effet sur la mortalité ou les réhospitalisations pour insuffisance cardiaque à 30 j ni effet délétère sur la fonction rénale. L’étude ROSE-AHF (n = 360) en cours compare le nésiritide à faible dose au placebo chez des patients IC avec dysfonction rénale (débit de filtration glomérulaire entre 15-60 ml/min/m2). Par ailleurs, cette même étude ROSE-AHF évaluera un bras dopamine à dose rénale (2 μg/kg/min).  La relaxine-2 est une hormone peptidique vasodilatatrice, anti-inflammatoire, antifibrosante et proangiogénique produite pendant la grossesse stimulant la NO synthase endothéliale et les récepteurs ET-B à l’endothéline via la stimulation de métalloprotéases (MMP). La forme humaine recombinante, la sérelaxine, testée au préalable dans l’étude de phase II Pre-RELAXAHF, a fait l’objet d’une étude randomisée versus placebo sur plus de 1 000 patients. La sérelaxine (30 μg/kg/j pendant 48 h) améliore significativement les symptômes au prix d’épisodes d’hypotension artérielle plus fréquents. D’autres études sont envisagées pour définir le rôle potentiel de la sérelaxine dans l’ICA.  Les antagonistes de l’endothéline (hormone vasoconstrictrice puissante) sont probablement écartés du traitement du SICA avec l’étude VERITAS faisant suite au programme RITZ. L’étude VERITAS comparait versus placebo le tésozentan 1 mg/h 24 à 72 h, antagoniste non sélectif des récepteurs ETA et ET-B, mais avait été interrompue précocement pour faible probabilité d’atteindre l’objectif primaire (échantillon prévu : 1 760).  L’efficacité du tolvaptan, antagoniste de la vasopressine au niveau des récepteurs V2 du tube collecteur (médiant la réabsorption de l’eau libre) était évaluée en phase III par l’étude EVEREST. L’effet aquarétique du tolvaptan n’avait pas d’impact favorable sur la mortalité. Le conivaptan antagoniste V2 et V1A (récepteur vasculaire médiant l’effet vasopresseur de la vasopressine et la sécrétion d’aldostérone) réduit les conditions de charge, mais n’a pas fait l’objet d’études de phase III. L’adénosine stimule les récepteurs A1 localisés sur l’artériole afférente et le tubule proximal et produit une vasoconstriction et une réabsorption sodée. La rolofylline, antagoniste des récepteurs A1, paraissait séduisante pour améliorer l’hémodynamique intrarénale et la réponse au traitement diurétique souvent altérées dans l’ICA dans le cadre du « syndrome cardiorénal ». Le développement de la rolo fylline (30 mg IV/j sur 3 j) a été interrompu à la suite des résultats de l’étude PROTECT en raison des effets indésirables, en particulier neurologiques, liés à la rolofylline.  L’ularitide est la forme synthétique de l’urodilatine appartenant à la famille des peptides natriurétiques de type A produite par les cellules tubulaires rénales. Les effets natriurétiques et vasorelaxants intrarénaux médiés par la guanylate cyclase de l’ularitide IV ont été évalués dans les essais de phase II SIRIUS avec des effets bénéfiques sur les symptômes et l’hémodynamique cardiocirculatoire. Des études de phase II sont en cours : URGENT (n > 3 000) et TRUE-AHF (n = 2 116).  D’autres vasodilatateurs sont en cours d’évaluation : un peptide natriurétique chimérique C-D et le cinaciguat (qui produit un effet NO-like par activation de la guanylate cyclase soluble).   Traitements inotropes    En cas d’apparition de signes d’hypoperfusion d’organe (hypotension symptomatique, oligurie, insuffisance hépatique, douleurs abdominales, etc.), l’arrêt des bêtabloquants et des vasodilatateurs s’impose et un traitement inotrope est amorcé (figure 2). Les agents inotropes utilisés (agonistes bêtaadrénergiques et inhibiteur de la phosphodiestérase (PDE) III augmentent les taux d’AMPc intracellulaire, activent la protéine kinase A qui phosphoryle diverses protéines clés du cycle calcique (canaux calciques de type L, phospholamban, etc.), mais qui active également la consommation myocardique d’oxygène. Les métaanalyses montrent une augmentation de la mortalité avec ces molécules. Il est cependant important de noter que certains des essais concernés par ces métaanalyses prenaient en considération une population de patients ne relevant pas d’une indication de traitement inotrope (ex. : OPTIMIZECHF avec la milrinone).    Figure 2. Sites et mode d’action (Eur Heart J 2011 ; 32 : 1838.)     Le lévosimendan sensibilise la troponine C au calcium (augmentation de la contraction myocardique sans augmentation du calcium intracellulaire), active les canaux potassiques ATP-dépendants (effet vasodilatateur) et inhibe a minima la PDE. Cet inotrope a la caractéristique d’avoir une demi-vie longue avec une durée d’action de 8 j environ. Les effets favorables sur la mortalité sous lévosimendan, par comparaison avec la dobutamine dans les études RUSSLAN, LIDO et CASINO, n’ont pas été retrouvés dans l’étude SURVIVE malgré une réduction du BNP plus marquée dans le groupe lévosimendan perfusé durant 24 h. L’étude REVIVE (publiée près de 10 ans après l’abstract !) comparant le lévosimendan (perfusion de 24 h) au placebo ne retrouvait qu’un effet modeste sur les symptômes au prix d’effets secondaires plus fréquents. Il faut noter que les patients enrôlés étaient peu sévères puisque le placebo était le comparateur et seulement 10 % des patients recevaient des inotropes et 20 % des vasodilatateurs.  D’autres inotropes sont en cours de développement (tableau 1). L’istaroxime inhibe la Na-K ATPase (effet inotrope digoxinelike contribuant à augmenter le calcium intracellulaire) et active la calcium ATPase 2a du réticulum sarcoplasmique (SERCA2a) (effet lusitrope par réduction du calcium durant la diastole). L’istaroxime produit une réduction de la pression capillaire pulmonaire et une augmentation du débit cardiaque et de la pression artérielle systémique dans l’essai de phase II, HORIZON.  L’omécamtiv mécarbil évalué dans des essais pilotes (activateur de la myosine par libération du phosphate de la liaison actine-myosine devenant ainsi plus importante) prolonge la durée d’éjection systolique sans augmenter la vitesse de contraction, ni le calcium intracellulaire, ni la consommation d’oxygène. L’essai ATOMIC-AHF évaluera son efficacité à plus large échelle (n = 600).  D’autres voies sont à l’étude, comme l’injection intracoronaire d’un adénovirus surexprimant SERCA2a (essai CUPID), la modulation du métabolisme mitochondrial (abandon de l’étomoxiren en raison de son hépatotoxicité), la stabilisation du récepteur à la ryanodine (à l’origine d’une fuite diastolique calcique dans le cardiomyocyte défaillant) ou le nitroxyle (activation du repompage du calcium dans le réticulum sarcoplasmique).     Conclusion   Cette dernière décennie a été marquée par de nombreux essais dans le SICA, mais qui se sont révélés décevants. La recherche du médicament à la fois protecteur myocardique et améliorant la performance ventriculaire est toujours en cours. Les échecs sont probablement liés au design des études (par ex., évaluation d’agents inotropes chez des patients n’ayant pas réellement besoin de support inotrope) ou à l’inclusion de patients avec des profils physiopathologiques très différents. La décompensation chez un patient non adhérent à son traitement diffère de celle chez un patient adhérent qui développe une résistance aux diurétiques (bas débit rénal, maladie rénale, élévation des résistances intrarénales, etc.). Le traitement probablement le plus efficace du SICA se situe en amont et repose essentiellement sur la prévention et l’éducation des patients (surveillance du poids, du BNP, de l’impédance intrathoracique [dans l’avenir ?], vaccinations antigrippale et antipneumococcique, régime hyposodé, proscription des AINS, etc.). Les facteurs de décompensation doivent être traités (reperfusion en cas d’ischémie myocardique documentée, angioplastie rénale en cas de sténose bilatérale ou unilatérale sur rein unique, identification et correction d’une dysfonction valvulaire, d’une désynchronisation, d’une arythmie, d’une anémie, etc.). Le traitement des complications de l’ICA (traitement d’un sepsis pulmonaire, d’une translocation bactérienne digestive liée au bas débit, insuffisance rénale aiguë, etc.) est également essentiel. Oxygène, diurétique de l’anse, morphine, nitroglycérine, nitroprussiate de sodium, dobutamine, vasopresseurs sont des substances non evidence based, mais qui, à l’évidence, améliorent au quotidien et parfois « sauvent » nos patients. Les scores (www.seattlescore.org), les classifications (INTERMACS, tableau 2) et les étiologies du SICA permettent d’identifier les patients les plus à risque (dysfonction VG réfractaire, myocardite nécessitant un support inotrope, frequent flyer, etc.) pour les amener aux thérapeutiques d’assistance et de transplantation cardiaques, et ce, au meilleur moment. D’après une conférence consacrée à l’insuffisance cardiaque aiguë, 1re journée genevoise, le 18 juin 2013 

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