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Congrès et symposiums

Publié le 30 avr 2013Lecture 6 min

La fréquence cardiaque : cible thérapeutique validée dans l’insuffisance cardiaque

F. DIÉVART, Dunkerque


ACC
Lors des sessions scientifiques de l’American College of Cardiology tenues à San Francisco du 9 au 11 mars 2013, une session a été consacrée à la présentation des données disponibles concernant la fréquence cardiaque en tant que marqueur ou facteur de risque. 
Un marqueur de risque est un paramètre corrélé à la survenue d’un événement. Il devient un facteur de risque lorsqu’il a pu être démontré que sa modification modifie aussi le risque de survenue de cet événement. C’est autour de cette définition de base que s’est articulé ce symposium dont la conclusion a été que la fréquence cardiaque est un facteur de risque dans l’insuffisance cardiaque, car sa diminution permet une amélioration du pronostic.  

De l’HTA à l’insuffisance cardiaque    Dans sa présentation, Michael Boehm (Hambourg, Allemagne) a montré que la fréquence cardiaque n’est pas un facteur de risque cardiovasculaire chez les hypertendus. Si plusieurs études ont mis en évidence une relation entre la fréquence cardiaque et le pronostic de l’hypertension artérielle, il n’a pas été montré que les bêtabloquants réduisent la morbi-mortalité de l’hypertension de façon supérieure aux autres classes thérapeutiques. Et donc, la réduction de fréquence cardiaque que procurent les bêtabloquants ne leur confère pas un avantage supplémentaire dans l’hypertension artérielle.    En revanche, les données sont maintenant nombreuses et concordantes pour montrer que la fréquence cardiaque peut être considérée comme un facteur de risque dans l’insuffisance cardiaque.    Ainsi, les données d’observation ont montré qu’il y a une corrélation entre la fréquence cardiaque et le pronostic de l’insuffisance cardiaque. Plus encore, les données d’intervention montrent que la réduction de la fréquence cardiaque améliore le pronostic des patients ayant une insuffisance cardiaque.  Et, tant Michael Boehm que l’orateur l’ayant suivi, Jeffrey S. Borer (New York, États-Unis) dont l’objectif était de juger de l’apport des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque, ont appuyé leur démonstration sur une métaanalyse de référence publiée en 2009 par McAlister FA et coll. dans Annals of Internal Medicine.  Dans ce travail, 23 essais thérapeutiques contrôlés ayant évalué des bêtabloquants contre placebo ont été analysés afin de savoir quelles sont, parmi 13 variables, celles corrélées à l’amélioration du pronostic. Les auteurs ont alors montré que la diminution de la fréquence cardiaque obtenue sous bêtabloquants est la seule variable corrélée significativement à l’amélioration du pronostic : pour chaque diminution de fréquence cardiaque de 5 battements par minute (bpm), la mortalité totale est significativement réduite de 18 % (RR : 0,82 ; IC 95 % : 0,71-0,94 ; p = 0,006).  En revanche, il n’a pas été mis en évidence de relation significative entre les augmentations de doses des bêtabloquants, le taux de coprescription de digoxine, la réduction de pression artérielle systolique sous bêtabloquants et l’amélioration du pronostic.  Surtout, tant Michael Boehm que Karl Swedberg (Göteborg, Suède) ont, en rappelant les résultats de l’étude SHIFT, montré qu’une action uniquement dirigée sur la diminution de la fréquence cardiaque avec ivabradine permet d’améliorer le pronostic.   L’étude SHIFT   Méthode  L’ivabradine (voir encadré) est une molécule qui offre l’avantage, en ayant comme seule action la réduction de la fréquence cardiaque chez les patients en rythme sinusal, de pouvoir évaluer l’effet spécifique sur le pronostic d’une réduction de la fréquence cardiaque.  Cette molécule a été évaluée dans un essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle contre placebo, l’étude SHIFT. Dans cet essai, ont été inclus 6 558 patients qui avaient une insuffisance cardiaque chronique symptomatique (stades II à IV de la NYHA), stable depuis au moins 4 semaines, suivaient un traitement jugé optimal et non modifié depuis au moins 4 semaines, avaient été hospitalisés pour une aggravation de l’insuffisance cardiaque lors des 12 derniers mois et avaient une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) inférieure égale ou inférieure à 35 % documentée lors des 3 mois précédents et un rythme sinusal avec une fréquence cardiaque égale ou supérieure à 70 bpm.  Le critère primaire évalué a été la survenue d’un premier décès cardiovasculaire (CV) ou d’une première hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque.    Résultats À l’inclusion dans l’étude SHIFT, les patients avaient un âge moyen de 60,4 ans, une FEVG à 29 %, étaient pour moitié en stade NYHA II et recevaient, dans 90 % des cas, un bêtabloquant ; dans 26 %, à la posologie cible recommandée et dans 56 %, à plus de 50 % de la dose cible recommandée.  La dose moyenne d’ivabradine a été de 6,4 mg 2 fois/jours à 28 jours et de 6,5 mg 2 fois/jour au terme de la première année de suivi moyen.  Par rapport au placebo, sous ivabradine, la fréquence cardiaque moyenne a diminué de 10,9 bpm à 28 jours, de 9,1 bpm à 1 an et de 8,1 bpm à la fin de l’étude.  Le suivi médian a été de 22,9 mois, au terme duquel 1 730 événements du critère primaire étaient survenus, avec une incidence totale de 29 % dans le groupe placebo et de 18 % par an dans le groupe sous ivabradine, soit une réduction relative du risque de 18 % (RR : 0,82 ; IC 95 % : 0,75-0,90 ; p < 0,0001).  Les résultats sur les critères secondaires ont montré une réduction relative de 26 % du risque de décès par insuffisance cardiaque (RR : 0,74 ; IC 95 % : 0,58-0,94 ; p = 0,014), de 11 % du risque d’hospitalisation toute cause (RR : 0,89 ; IC 95 % : 0,82- 0,96 ; p = 0,003), de 26 % du risque d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque (RR : 0,74 ; IC 95 % : 0,66-0,83 ; p < 0,0001), de 15 % du risque d’hospitalisation de cause CV (RR : 0,85 ; IC 95 % : 0,78-0,92 ; p = 0,0002). La mortalité totale et la mortalité CV n’ont pas été significativement modifiées.  Pour Karl Swedberg, qui rappelait ces résultats en complément de Michael Boehm, avec cette étude et la métaanalyse de McAlister, il peut être considéré qu’il est prouvé que la réduction de fréquence cardiaque permet d’améliorer le pronostic des patients ayant une insuffisance cardiaque.    En pratique     Si, lors de ce symposium, Maya E. Guglin (Tampa, États-Unis) a semblé indiquer, en s’appuyant sur des travaux de recherche fondamentale, que l’ivabradine pourrait être envisagée comme une alternative aux bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque, les conclusions de Karl Swedberg sont apparues plus adaptées aux données disponibles de la science. Il a en effet proposé les implications suivantes à partir de l’ensemble des données disponibles et présentées : - il y a une corrélation directe entre la fréquence cardiaque de repos et le risque CV ; - la réduction de la fréquence cardiaque dans l’insuffisance cardiaque est un objectif important ; - un bêtabloquant doit être proposé à tous les patients ayant une insuffisance cardiaque systolique ; - l’amélioration du pronostic dans l’insuffisance cardiaque est corrélée à la réduction de la fréquence cardiaque sous bêtabloquant ; - si l’augmentation de la dose du bêtabloquant permet d’atteindre une fréquence cardiaque inférieure à 70 bpm, le bêtabloquant doit être utilisé seul (en termes de traitement ayant comme objectif la réduction de la fréquence cardiaque) ; - si cet objectif (une fréquence cardiaque inférieure à 70 bpm) n’est pas atteignable avec un bêtabloquant, il faut alors y associer un traitement permettant de réduire la fréquence cardiaque, l’ivabradine, afin de réduire le risque d’événements CV futurs.

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